L'émergence par Markus A. Schafheutle
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La résurgence du Ressel est probablement l'une
des sources de France les plus fréquentées. Presque tous les spéléo-plongeurs
européens ont visité cette magnifique caverne noyée. Mais
la plupart d'entre eux ne connaissent pas la totalité du premier siphon,
un obstacle particulièrement long et profond.
Il fallut de longues recherches et de nombreuses et difficiles séances
de levés subaquatiques pour parvenir à la réalisation du
plan actuel. Les recherches se poursuivent toujours, mais nous pensons que l'achèvement
de la topographie du premier siphon marque une étape qui justifie cette
publication.
La résurgence du Ressel est située sur la rive droite du Célé
près du village de Marcilhac, dans le département du Lot. L'entrée
s'ouvre sous la surface de la rivière. C'est à la suite de la
construction d'un barrage à Marcilhac que le niveau de la rivière
s'est élevé et que l'entrée de la cavité a été
noyé À l'origine, c'était un gouffre où passait
le Célé. La résurgence draine le plateau karstique du nord
de la vallée du Célé, qui fait partie du causse de Grama
Sur le plateau on connaît de nombreuses igues et dolines. Mais aucune
jonction physique n'a encore été réalisée.
Topographie :
Hôhlenforschungsgruppe Kirchheim (HFGK) Hôhlen-Interessengemeinschaft
Ostalb (INGO)
27-31/5/91 : Herbert Jantschke
Michael Kauert
Andreas Kücha
Christine Kücha
Christine Nohlen
Ulrike Nohlen
Michael Ruess
Histoire de l'exploration du Ressel
Dans l'historique présenté ici, les chiffres des longueurs atteintes ont parfois été rectifiées en fonction des données fournies par la nouvelle topographie. Ils sont souvent supérieurs à ceux donnés par les premiers explorateurs.
Seuls quelques amis allemands m'ont apporté leur aide au moment des
mises à l'eau et des sorties.
En 1999, pendant que se poursuivent les levés topographiques, les Anglais
Rick Stanton, Jason Mallinson du Cave Diving Group, d'abord seuls puis avec
l'Allemand Reinhard Buchaly, reprennent l'exploration des siphons 2 à
5 (3 et 4). En août 2002 les deux
plongeurs britanniques, après avoir progressé de 770 m, annoncent
un développement total de 4600 m dont 4070 m noyés (5).
Un éboulis a arrêté leur progression, mais ils m'ont dit
qu'il existait probablement d'autres possibilités de continuation.
La technique de topographie
Les premiers 500 m ont été topographiés par une équipe
de plongeurs. Comme en spéléologie "sèche", ils
ont utilisé boussole et décamètre. La profondeur a été
mesurée à l'aide d'un ordinateur Aladin avec une marge d'erreur
de 0,1 m. La précision de ces levés est de degré 4d sur
l'échelle BCRA.
Les dimensions des galeries ont été mesurées également
au décamètre. Toutes les particularités ont été
notées et des croquis sommaires de la cavité ont été
dessinés sous l'eau sur support plastique.
Cette méthode demandait beaucoup de temps et la longueur totale des passages
topographiés pour chaque plongée était très faible.
Il nous a donc fallu adopter une technique plus rapide. De 500 m à 890
m de l'entrée, les levés ont donc été effectués
de la manière suivante : un plongeur partait devant jusqu'au prochain
point visible en établissant une station. Un second plongeur, resté
à la station précédente, prenait l'azimut sur l'éclairage
du premier, avec la boussole, et la profondeur de ce point précis. Puis
il gagnait la station où se trouvait le premier plongeur à l'aide
de son Aquazepp sur lequel était installé un loch étalonné
permettant de mesurer la distance entre les deux points, ce qu'autorise l'absence
presque totale de courant dans la rivière souterraine. Là, il
prenait note de toutes les autres données - profondeur, dimensions de
la salle - et dressait un croquis des lieux. Pendant ce temps, le premier plongeur
gagnait la station suivante à la palme ou sur son Zepp. Le proces-sus
se répétait jusqu'au moment où, le temps de plongée
disponible s'étant écoulé, il fallait prendre le chemin
du retour.
Avec cette méthode, nous ne sommes parvenus qu'à obtenir une topographie
de niveau BCRA 3d. Mais nous avons pu topographier jusqu'à 160 mètres
de galerie par plongée à une profondeur de -50 à -55 m.
À partir de 1998, la topographie a été effectuée
par moi-même en solo. La méthode a donc dû être une
nouvelle fois adaptée. Je gagnais le point extrême de la topographie
avec deux Aquazepp redondants. Là j'abandonnais mes propulseurs et le
travail était fait à pied. je déroulais à la palme
un fil étalonné sur une distance de 100 à 130m, établissais
une nouvelle station, prenais l'azimut en visant sur le fil et relevais la distance
sur le fil métré. La profondeur à l'emplacement de la station
et aux points intermédiaires était mesurée à l'aide
d'un ordinateur de plongée, avec une précision de 10 cm. À
toutes les stations et points intermédiaires, les dimensions latérales
étaient estimées et, comme auparavant, un croquis était
dessiné. Ce procédé m'a permis de maintenir un niveau BCRA
3c.
L'auteur sur la rive du Célé avant une plongée. Il utilise un double appareil à circuit semi-fermé passif et un double Aquazepp. Photographie Reinhard Kopka |
Le facteur limitant de ce travail subaquatique était
la durée disponible en fond de plongée ou, autrement dit,
les longs paliers de décompression qu'elle nécessitait.
Au cours de l'année 2000, il m'apparut que l'appareil à
circuit ouvert avait atteint ses limites. En 2001 c'est un appareil à
circuit semi-fermé passif de ma fabrication que j'ai utilisé
(Le RI 2000 d'Olivier Isler est un système électromécanique,
alors que le mien est purement mécanique.). Il m'a permis d'accroître
sensiblement le rendement du travail : en trois semaines, à raison
d'une plongée tous les trois jours, le développement topographié
a atteint les 1060 m, soit 177 m par plongée. La durée de
chaque plongée allait de 5 à 7 heures et demie.
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Description générale de la cavité Dans la première partie de la cavité,
les galeries, quelle que soit leur profondeur, sont globalement orientées
au nord. Elles suivent une fracture locale mineure. Lorsqu'on atteint
la partie profonde de ce premier siphon, entre -50 et -80, l'orientation
générale devient ouest-nord-ouest, c'est-à-dire parallèle
à la fracture de Padirac. Les galeries y ont été
creusées dans un joint de stratification sous un plafond de Bajocien
inférieur, avec des parois et un sol de l'Aalénien supérieur.
La fin du siphon, entre -80 et ses extrémités amont, se
développe de nouveau entièrement dans le Bajocien, comme
le début. Mais l'orientation générale demeure la
même Le siphon se termine par quatre lacs. Le premier
qui ait été découvert a été baptisé
lac Isler. Les autres sont situés dans la galerie RJ. Les deux
lacs aux deux extrémités de la galerie sont ceux qu'ont
explorés Rick Stanton et Jason Mallinson (lac des Blocs, lac T).
Le quatrième est un petit puits situé à une quarantaine
de mètres avant le lac des Blocs. Une cloche a été trouvée à 255 m de l'entrée (6). Le sommet de cette poche d'air est un puits donnant accès à des galeries exondées. La longueur totale topographiée dans le premier siphon, y compris les galeries annexes et les passages secs de la première cloche, est de 3058 m. La profondeur maximale est de -83 m. |
Description détaillée des galeries
Accès à la cavité La résurgence du Ressel est située à deux kilomètres de Marcilhac, en direction de Figeac. On peut stationner sa voiture sur le bord de la route. De là, deux sentiers conduisent à la rive du Célé. La fréquentation des plongeurs a fait disparaître l'herbe. Ce n'est qu'en cet endroit exigu - l'unique parcelle dont la commune de Marcilhac soit propriétaire - qu'on peut accéder à la rivière. Ailleurs les rives du Célé sont privées et les visiteurs n'y sont pas les bienvenus! On atteint l'entrée de la cavité en remontant la rivière à contre-courant sur cinquante-cinq mètres. Généralement la turbidité de l'eau ne permet pas de voir l'entrée de la cavité de l'extérieur, mais un fil d'Ariane guide les plongeurs en leur indiquant le chemin à suivre. |
Première partie : la zone d'entrée (jusqu'à
460 m)
L'entonnoir d'entrée se trouve à 6 m de profondeur. Ses parois
sont bordées de petits blocs et de gravier. L'entrée elle-même
est de forme triangulaire. Le point le plus haut se trouve sur la gauche.
La hauteur de l'entrée dépend de la quantité de sédiment
déposé par la dernière crue. Elle varie de 1,5 m à
2,5 m.
À l'intérieur de la cavité, la pente se poursuit jusqu'à
-8 m. Le sol est couvert de blocs et de cailloutis. On trouve ces dépôts
sédimentaires sur une centaine de mètres. De 70 à 90 m
de l'entrée, les blocs deviennent si volumineux qu'ils ne laissent qu'un
passage exigu au sommet de la galerie et un autre, plus étroit encore,
sur la gauche. Jusqu'au premier carrefour - soit à 180 m - la galerie
présente une largeur de 4 à 10 m. La hauteur, dans les zones dépourvues
de blocs, est de l'ordre de cinq mètres - et moins en présence
de blocs -. Le plafond est plat et la section rectangulaire. Entre 90 et 180
m, on peut observer plusieurs marmites de géant dans le sol. À
l'entrée la galerie prend une direction nord-est. Puis après cinquante
mètres, elle vire légèrement plus au nord pour s'orienter
plein nord à 180 m de l'entrée, à la hauteur de la première
bifurcation signalée plus haut. Les gros blocs de cette zone sont autochtones.
On peut distinguer leur emplacement initial dans le plafond. L'origine des blocs
rocheux de plus petite taille et des cailloutis n'a pas fait l'objet de recherches.
Le premier carrefour, à 180 m de l'entrée, se situe à la
rencontre d'une faille de direction ouest-est. La galerie principale se poursuit
plein nord. Après un petit cône d'éboulis, la galerie descend
jusqu'à -16 m. Un peu plus loin, dans une zone presque totalement dépourvue
de dépôts, on atteint un autre petit cône d'éboulis.
Ces blocs rocheux sont souvent constitués de conglomérat de gravier
à ciment calcaire. Ces blocs proviennent du petit puits conduisant à
la cloche (255 m).
Retour dans la galerie principale (255m de l'entrée) :
À -15 m, la galerie principale se poursuit vers le nord. Le sol est
toujours de gravier et de sable. À la distance de 308 m, à la
profondeur de -20 m, une jonction avec le passage supérieur a été
découverte, mais le puits assurant la liaison est très étroit
et il est difficile de le franchir équipé de deux bouteilles de
dix litres sur le dos. Cinquante mètres plus loin (358 m), on atteint
la jonction principale avec la galerie supérieure, sous la forme d'un
puits (Puits 2) sur le côté gauche de la galerie principale.
La section de la galerie principale, inférieure, est toujours plus ou
moins rectangulaire. Peu avant la seconde jonction, elle ressemble plus à
une faille. Le sol est totalement couvert de gravier, de sable et jonché
ici et là de quelques petits blocs rocheux.
Le passage supérieur
Revenons à 180 mètres de l'entrée, à
la première bifurcation où s'ouvre une galerie latérale
plus basse en altitude. Sur quinze mètres elle suit la direction
ouest de la faille, puis tourne brusquement vers le nord. Après 85
mètres, elle s'oriente de nouveau légèrement vers le
nord-est avant d'atteindre un petit puits (Puits 1). Peu avant ce point,
nous sommes passés devant le puits étroit qui relie le passage
supérieur à la galerie principale située en dessous.
À la hauteur du Puits 1, la galerie latérale atteint la même
fracture dans laquelle se développe la galerie principale. À
partir de là, les deux galeries se superposent pendant quelque quarante
mètres. Le Puits 2 permet à la galerie latérale de
rejoindre la galerie principale à 358 m de l'entrée. L'ensemble de la galerie supérieure, depuis la faille jusqu'à la zone précédant le Puits 1, est dénuée de tout dépôt. Le sol du reste de la galerie est couvert de nombreux blocs. Ils sont à l'évidence autochtones. Dans la galerie latérale, le plafond est plat et le sol est incurvé comme la base d'un U. Dans la partie couverte de blocs rocheux, la galerie est assez basse. On parvient tout juste à la franchir en Aquazepp avec deux bouteilles de vingt litres sur le dos. |
Retour dans la galerie principale (358 m de l'entrée)
Quelques mètres après la seconde jonction (Puits 2), on atteint le Puits 3. Il se développe dans une fissure étroite et a la forme d'une boîte aux lettres. Le sommet de ce puits est à la profondeur de -23 m et le fond à -31 m. Les parois sont marquées par les joints de stratification corrodés. Le fond est couvert de sable.
Dans les parois, les joints de stratification sont très visibles. De -35 à -45 m, on peut voir des formes de lapiaz. Se dirigeant toujours vers le nord, au point le plus profond du grand puits, la galerie principale conduit à la zone profonde du premier siphon. La galerie est rectangulaire avec une largeur de six mètres pour une hauteur de deux mètres seulement. Le sol est couvert de nombreux blocs rocheux plats. En atteignant la profondeur de -50 m, la grande galerie change brutalement de direction et s'oriente vers l'ouest (sur la gauche). C'est là, à 460 m de l'entrée, que se termine la première partie du siphon. |
Deuxième partie : la zone profonde (de 460 à 1500m de l'entrée par la galerie principale)
Contrairement aux première et troisième parties, cette seconde
partie se développe plus ou moins aux dépens des joints de stratification.
La direction principale des galeries est ouest-nord-ouest, parallèle
donc à la faille de Padirac. Toute la zone profonde présente le
même aspect. On y voit un sol et des parois fortement corrodés,
un plafond vraiment plat. Dans le premier tronçon de cette zone profonde,
jusqu'à la galerie Nord, le sol est le plus souvent couvert de dépôts.
Il peut s'agir de sable ou de gravier, mais aussi de blocs rocheux qui se sont
détachés du plafond.
Dans cette zone profonde, il existe un passage supérieur, de 834 à
1160 mètres de distance de l'entrée, à l'aspect différent.
Il se développe dans le calcaire bajocien, plus compact, et sa section
se présente plus sous la forme d'une fissure, alors que toutes les autres
galeries sont de section rectangulaire.
À la fin de la première partie, c'est-à-dire au début
de la zone profonde, les dimensions de la galerie changent de façon spectaculaire.
Le dernier tronçon de la première partie était large mais
bas. Le début de la deuxième partie est aussi large (5,5 m), mais
beaucoup plus haut (10 m). Vingt-cinq mètres plus loin, la présence
d'un gros éboulis réduit la hauteur à deux mètres.
On ne sait pas précisément si cet amas n'est constitué
que d'éboulis ou si la dépression qui le précède
est un ancien puits comblé, qui, venu de l'est, drainait la cavité
jadis, là où les parties les moins profondes de la grotte étaient
sèches (lapiaz dans le grand puits !). La partie orientale de la dépression
est également couverte de gros blocs, de plusieurs mètres de diamètre,
et de sable. Le sol originel de la cavité n'est pas visible. Après
ce gros éboulis, le sol de la galerie n'est que partiellement couvert
de sédiments et laisse apparaître par endroits le sol originel.
Il est situé plus haut en altitude que le sol de la dépression,
couvert de dépôts, qu'on observe avant cet éboulis.
À 530 m de l'entrée (station HZ/40, HZ pour Hauptzug, cheminement
principal), la galerie prend un virage à 90° et se dirige vers le
sud pendant 52 m. Puis elle revient à sa direction précédente
qu'elle conserve pendant 110 mètres, avant de se réorienter au
nord (692 m, HZ/48). La section de la galerie demeure rectangulaire. Les dimensions
varient de six à douze mètres en largeur et de six à dix
mètres en hauteur, ce qui en fait la zone la plus vaste de tout le premier
siphon. Le sol de cette zone n'est couvert que de sédiments de faible
taille et de quelques petits blocs épars. Le reste du sol est demeuré
dans son état originel. Le calcaire y est fortement corrodé. En
certains endroits, on a l'impression d'être en présence du lit
d'une rivière fossile. Mais ce phénomène peut être
dû à un courant en régime noyé sans qu'il y ait jamais
eu d'interface eau-air. À 712 m de l'entrée (station HZ/49), la
galerie devient plus petite. Sa largeur se réduit et sa hauteur ne varie
que de 2 à 5 m. Tout le sol est recouvert de sable et de blocs jusqu'à
la base du petit cinquième puits.
À 794 m (HZ/53), la galerie s'élargit et, avec une visibilité inférieure à 8 mètres, il est possible de manquer la jonction (830 m, HZ/55) des deux galeries menant à la zone profonde. |
La galerie supérieure (galerie principale)
Au carrefour nous laissons la galerie de gauche (la galerie profonde) pour prendre
celle de droite. Un parcours en forme de S nous conduit au sommet du Puits 5
qui nous amène de -58 à -50 m (mesures prises au sol). À
environ vingt-cinq mètres après ce puits, la galerie s'incurve
de quelques degrés vers le nord et, après vingt-cinq autres mètres,
atteint le sommet du Puits 6. Cette zone entre les deux puits est à environ
900 m de l'entrée. La section de la galerie, comme nous l'avons mentionné,
présente l'aspect d'une fissure, d'un ellipsoïde vertical. Ce sixième
puits, descendant, conduit à une galerie étroite et haute qui
se poursuit sur une distance de 47 m, interrompue par un tournant en S.
À 990 m de l'entrée (HZ/68), la galerie redevient rectangulaire.
Entre 1020 et 1100 m (de HZ/70 à HZ/74), un canal semblable à
un lit de rivière a été entaillé au sol, dans la
faille responsable, avec le joint de stratification, du creusement de la cavité
dans cette zone. Les soixante-dix mètres qui nous séparent du
carrefour suivant sont monotones : plafond plat, sol plat et parois plates.
Au carrefour la galerie
atteint la profondeur de -62 mètres sous la surface du Célé.
C'est là que débouche à notre droite la galerie profonde
que nous allons parcourir à présent.
La galerie profonde
Revenons à la jonction précédente, à 830 m de l'entrée
(HZ/55), où commence sur la gauche la galerie profonde. Elle part à
l'ouest-sud-ouest en demeurant rectiligne sur 85 m. Elle est très large
(de 9 à 10 m), mais sa hauteur est relativement faible (de 2 à
3 m). À 900 m de l'entrée (NZ/55.5, NZ pour Nebenzug, cheminement
latéral), la galerie revient au nord, mais garde ses dimensions jusqu'à
953 m (NZ/55.8). Dans ces premiers 130 mètres, le sol est plus ou moins
libre de tout dépôt. On n'y observe du sable que dans certains
emplacements à l'abri du courant. La section est rectangulaire avec un
plafond très plat et des murs et des parois très fortement corrodés.
À 963 mètres de l'entrée (station NZ/55.9), la galerie
tourne à gauche en une douce courbe de 340° à 220°. Après
vingt-cinq mètres dans cette direction, on atteint un petit puits profond
de cinq mètres au fond duquel la galerie s'oriente de nouveau dans la
même fissure qu'elle avait suivie et tourne à gauche au bout de
45 m. Le sol de la galerie du fond de ce petit puits jusqu'à ce virage
à gauche est recouvert d'un sable très fin. Sur la gauche, on
observe un petit balcon qui donne à la galerie la forme d'un L couché.
Après 1030 m (NZ/55.15), on retrouve la direction principale et probablement
la même faille qu'on avait suivie avant d'atteindre le cinquième
puits. De là à 1190 m (NZ/55.25), l'orientation est de 340°.
À mon avis, cette zone est l'une des plus belles de tout ce premier siphon.
Elle ressemble à un canyon de haute montagne aux eaux sauvages. La galerie
est si corrodée qu'il est impossible de passer tout droit avec les propulseurs
à cause des obstacles qui se présentent à droite comme
à gauche, malgré l'image qu'en donne la topographie. Dans cette
zone, la galerie devient un peu plus large (5,5 m) que haute (4,5 m).
C'est à la hauteur du point NZ/55.19 (1102 m) que la galerie profonde
passe sous la galerie supérieure située environ six mètres
plus haut.
À 1190 m (NZ/55.25), le sol de la galerie profonde atteint la profondeur
de -68 m. Elle tourne à nouveau vers l'ouest. De ce point à 1220
m (NZ/55.26), on trouve plusieurs petites cheminées sur la gauche de
la galerie. Les dimensions ne permettent pas à un plongeur de s'y engager
avec tout son équipement sur le dos. Le sol est plus ou moins libre de
dépôts et la section est rectangulaire.
À 1240 m (NZ/55.27), la galerie principale reprend la direction sud.
Un peu sur la droite et à environ un mètre au-dessus du sol de
la galerie principale arrive le passage menant dans la salle Nord et la galerie
Nord. La galerie principale atteint la profondeur de -70 m au fond d'un puits
de 9 m, avant de rejoindre le passage précédemment décrit.
Entre la jonction avec la galerie Nord et le puits de neuf mètres, le
sol est entièrement couvert de sable.
La galerie principale avant le débouché de la galerie Nord
La galerie principale s'infléchit au nord-ouest entre 1160 et 1242 m
(de HZ/77 à HZ/83). Les premiers cinquante mètres de ce passage
présentent un creux en forme de canyon. Le reste de la section est rectangulaire.
Aucun dépôt n'a été observé dans cette zone.
Ensuite la section reprend son apparence rectangulaire habituelle et monotone
qu'on trouve dans toute la zone profonde. Au point HZ/83 (1242 m), la galerie
Nord rejoint le passage principal (-62 m).
La galerie Nord
La galerie Nord débute en NZ/55.27 (1240 m) en tournant au nord. Après
30 mètres, on atteint la salle Nord qui se présente sous la forme
d'un petit puits de 4 mètres, mais aux dimensions énormes, son
diamètre étant d'environ 15 mètres. Le sol est couvert
de blocs rocheux. Au sommet de ce puits, sur la gauche, se trouve un balcon
qui mène à la suite de la galerie Nord. Ce passage qui se dirige
vers le sud est parallèle à la galerie profonde, mais tourne à
droite après quelque 45 mètres en s'orientant à l'ouest
et rejoint la galerie principale en HZ/83 (1242 m). À cent mètres
de l'entrée de la galerie Nord (point NG/11), de gros blocs couvrent
le sol, réduisant considérablement la hauteur du passage qui n'est
plus alors que de 0,8 m. Le reste de la galerie Nord est plus ou moins dépourvu
de sédiments. On n'observe seulement des petits dépôts de
sable à l'abri du courant.
Retour à la galerie principale
Les deux cent quatre-vingt-dix mètres restants de la zone profonde sont
d'aspect très similaire. La galerie se poursuit en méandre en
direction de l'ouest. Le passage est très large - de 6 à 12 m
- et relativement bas - de 2 à 5 m. La forme générale est
rectangulaire. Le plafond est comme toujours plat et les parois ainsi que le
sol sont très corrodés. Les derniers quatre-vingts mètres
de la deuxième partie prennent peu à peu l'aspect d'une galerie
en fissure. La faille dans laquelle s'est creusé le puits de 27 m que
nous allons voir se remarque dans le plafond de l'ensemble de cette dernière
zone qui comporte aussi quelques petites chemi-nées que leur exiguïté
rend impénétrables. Cette deuxième partie se termine au
fond du Puits 7, celui de 27 mètres, à la profondeur de -83 m
sous la surface du Célé.
La troisième partie du premier siphon se développe dans la même formation géologique - au calcaire compact - que la première partie. En conséquence, c'est la forme de galerie en fissure qui prédomine, contrairement au calcaire très tendre et sableux des parois et du sol de la deuxième partie, où seul le plafond des galeries est constitué de ce calcaire compact. Le Puits 7 s'est formé dans une faille majeure orientée à 290°. La galerie ascendante prend une forme de S qui contraint le plongeur à tourner deux fois sur lui-même. Ce puits a entre 6 et 15 m de long pour 1,5 m de large. Son sommet est à la profondeur de -60 m. Dès ce point jusqu'à 1595 m (station HZ/110), le passage est toujours orienté au nord-ouest et emprunte la même fracture.
Le reste de la galerie a une section de la forme d'une ellipsoïde verticale.
Au niveau du décrochement signalé plus haut, on traverse une zone
de blocs rocheux où la profondeur passe de -50 m à -45 m. Ensuite,
la galerie se poursuit à l'horizontale jusqu'à la base du puits
Hasenmayer. Ce tronçon se développe dans la même fissure
et présente toujours la même section ellipsoïdale.
À la distance de 1700 m (HZ/115), la galerie remonte parmi des gros blocs
dans l'énorme puits Hasenmayer (ou Puits 8), là où le plongeur
allemand arrêta sa progression dans la cavité. Cette salle a un
diamètre moyen de 12 à 13 m et une hauteur d'environ 34 m. Le
sommet de la salle est le point de jonction de deux grosses galeries. La plus
évidente se dirige à l'est-nord-est et se termine au lac Isler.
L'autre, plus cachée, va vers l'ouest et se termine sur trois autres
lacs de surface, le lac des Blocs, le lac T qui fait face au siphon 2 et un
dernier lac situé dans un petit puits.
Du puits Hasenmayer au lac Isler
La galerie qui mène au lac Isler s'ouvre à une profondeur d'environ
20 m. Au début ses dimensions sont vastes, avec une largeur de 6 m et
une hauteur de 5 m. La fissure qui est à l'origine de la formation de
la galerie se remarque encore dans la forme de la section, que ce soit dans
le plafond ou dans le sol. Les parois laissent apparaître des joints de
stratification très corrodés, ce qui donne à la section
la forme d'un sapin de Noël. À 1811 m (HZ/125) la galerie s'incurve
légèrement vers le nord à -13 m, au pied d'un amas d'éboulis
qui constitue en son extrémité le fond du lac Isler.
Après le lac Isler, on rejoint une salle exondée. La topographie
de la cavité au-delà du lac Isler est en cours et sera publiée
ultérieurement.
Du puits Hasenmayer au lac des Blocs et au lac T
Cette seconde galerie remonte légèrement mais régulièrement
jusqu'à la surface qu'on atteint environ 85 m après ce petit puits.
Le sol de cette galerie est libre de tout sédiment. Sa section est rectangulaire
et ses dimensions sont de 1,5 m tant en largeur qu'en hauteur. Le lac dans lequel
on atteint la surface affecte la forme d'un T : c'est le lac T. Sur la gauche,
une galerie sèche mène à la salle exondée du lac
Isler et le côté droit au second siphon. Ce lac en T se trouve
exactement au-dessus
Hasenmayer, dont il est séparé par une dizaine de mètres
de calcaire massif. La galerie orientée à l'ouest, qui part du
neuvième puits, après une vingtaine de mètres, atteint
une zone où elle se divise en deux parties. Sur la gauche elle se poursuit
au même niveau. L'autre part droit devant et s'élève d'environ
deux mètres. Les deux branches se rejoignent quinze mètres plus
loin. Là, dans l'angle droit une petite cheminée a été
découverte menant également à la surface (le petit puits).
Elle n'est toujours pas explorée. La galerie la plus importante, après
s'être dirigée vers le sud sur quelques mètres, continue
vers l'ouest. Après avoir tourné à droite, puis à
gauche à deux reprises, elle arrive au lac des Blocs. En franchissant
des blocs, on atteint un second lac qui rejoint, par un siphon, le second siphon
quelques mètres plus avant. Cette zone n'a pas encore été
topographiée.
L'ensemble des galeries entre le lac des Blocs et le lac T est appelée
galerie RJ, initiales des prénoms des découvreurs, Rick Stanton
et Jason Mallinson
Une curiosité
Dans la zone profonde, à environ 500 mètres de l'entrée (point HZ/39), à -50 mètres, un morceau de bois a été découvert dans un joint de stratification sur le côté gauche de la paroi (voir la photographie), bloqué dans le limon. Plusieurs fils d'Ariane y avaient été attachés. L'échantillon qui en a été prélevé a montré que la partie interne de ce bois s'était totalement calcifié. La partie extérieure (approximativement le premier demi-millimètre) avait conservé sa structure organique et a pu être brûlée après séchage. |
Quel peut bien être l'âge de ce bois? Date-t-il du Jurassique ou a-t-il été apporté il y a longtemps par une crue en provenance d'un gouffre situé loin en amont dans la cavité ?
Quelques réflexions sur la spéléogenèse de la cavité
Tout nous laisse penser que la résurgence du Ressel, comme la plupart
des cavités, a été, dans sa phase initiale, creusée
en régime noyé. Mais certains indices nous font penser que cette
cavité n'a pas toujours été inondée comme elle l'a
été à l'origine et comme elle l'est aujourd'hui.
1 - Nous avons découvert un lapiaz dans le grand puits (Puits 4, voir
photographies). Ce lapiaz n'a pu se former que dans des zones exondées,
leur apparition étant impossible en régime noyé. Certains
auteurs pensent que la formation des lapiaz sous l'eau est possible lorsque
du limon très fin tombe en pluie du sommet d'un puits et conduit à
la création de petits canaux par érosion (7).
Dans le cas du Ressel, nous n'avons pas trouvé de limon au sommet de
ce puits. Aussi seule une formation en zone exondée est envisageable.
2 - Au-dessus du Puits 7, le puits en S situé dans la troisième
partie du siphon, la rivière présente un lit en étages.
Ces marches ont la forme de petites cascades à la base desquelles on
observe un petit bassin. Cette dispo-sition indique qu'on avait affaire à
un écoulement libre et non, comme aujour-d'hui, à un écoulement
en conduite forcée.
3 - Dans la zone profonde du siphon, nous n'avons trouvé aucun indice
mettant en évidence un ancien écoule-ment libre. Il semble que
cette portion de la grotte ait toujours été noyée.
4 - Sur la coupe de la zone profonde, les joints de stratification dans lesquels
la rivière a été creusée sont nettement visibles.
Dans cette zone, la galerie remonte vers l'aval. Dans la partie la plus proche
de son début - dans le sens de l'exploration, à environ 480 m
de l'entrée -, on observe clairement une dépression remplie de
sédiments. Il pourrait s'agir des vestiges d'une ancienne perte utilisée
par les eaux provenant d'un siphon disparu.
À quelle époque cette phase semi-sèche s'est-elle produite
? Le bon état de conservation dans lequel se trouvent le lapiaz et les
cascades fait penser que cet épisode est relativement récent.
Sinon ces structures auraient été corrodées.
La zone profonde a-t-elle de tout temps été noyée ? Si
oui, où s'écoulait l'eau? La dépression de l'entrée
la plus proche de la zone profonde a-t-elle une relation avec cet ancien écoulement
? Existe-t-il un prolongement possible de la grotte ?
Les rapports fond-surface
La topographie de la résurgence du Ressel a été reportée
sur la carte géologique de la région de Marcilhac (8).
La relation avec les failles principales y est évidente. La zone
d'entrée est plus ou moins parallèle à une faille mineure
orientée nord-sud. Les autres parties topographiées de la
grotte suivent soit la faille nord-nord-ouest, soit la paral-lèle
de Padirac orientée ouest-nord-ouest. Sous la vallée sèche située au nord de la résurgence, les galeries de la grotte sont multiples. Une fois cette cause de perturbation dépassée, les galeries se rejoignent. L'extrémité du premier siphon prend l'orientation de la vallée sèche du causse qu'emprunte la route D17. Au nord de cette vallée, on connaît plusieurs cavités. Mais aucune d'entre elles n'a donné accès à la résurgence du Ressel. Le prolongement de la galerie profonde vers l'est aboutirait quelque part dans l'ancien méandre du Célé près de Salsac. Pourrait-il y avoir là une ancienne résurgence ? |
La poursuite des travaux
Nous avons l'intention d'achever le travail de topographie dans le Ressel Pour
cela, il nous faudra à l'évidence bivouaquer derrière le
premier siphon. Rick Stanton, Jason Mallinson et Reinhard Buchaly ont déjà
utilisé cette technique lors de leurs explorations.
À cause de leur manuvrabilité, nous utiliserons à
nouveau des appareils à circuit fermé qui sont les seuls à
permettre une réduction importante des gaz inhalés.
Remerciements Je me dois d'exprimer ma gratitude envers tous ceux qui m'ont aidé au cours de cette longue entreprise de topographie. En tout premier lieu, mes 7 amis des groupes spéléologiques de Kirchheim et d'Ostalb qui ont commencé le travail. Herbert Jantschke, qui a donné à mes topographies leur touche finale en les redessinant. Michael Kauert, Andreas Kücha, Christine Jantschke, Christine Nohlen, Ulrike Nohlen, Michael Ruess, Wolfgang Morlock, Philip Lawo et Siegfried Geiger ont tous participé à la topographie de la première partie de la cavité. Mes amis de Thuringe, André Hörchner, Kathleen Heilfort, Bertram Ellrich et Dieter Weiss, qui m'ont aidé à entrer dans l'eau et à en sortir après mes plongées. Sans leur assistance le volumineux équipement n'aurait pas été manuvrable hors de l'eau. J'ai une pensée toute particulière pour André qui est mort en 2001 lors d'une plongée dans une cavité de la Thuringe, sa région d'origine. Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance envers ma famille, ma femme Monika et mes filles Barbara et Friederike, qui ont passé à plusieurs reprises leurs vacances avec moi en France, toujours sur le même lieu de camp. Je leur sais gré de la compréhension dont elles ont fait preuve envers moi et du courage qu'elles ont démontré durant les longues heures d'attente à l'extérieur de la cavité. Je remercie également Nadir Lasson pour son amitié et le rôle qu'il a joué dans mes liens avec la communauté spéléologique du Lot, ainsi que Rick Stanton et Jason Mallinson qui m'ont fourni une description des galeries dans les parties les plus éloignées de la cavité. Et enfin Jacques Chabert pour sa traduction et sa révision très attentive de mon texte et de la topographie, ainsi que Jean Taisne qui lui a apporté son aide pour les données historiques. |
(2) Martyn Farr, The Darkness Beckons,
Diadem Books, Londres/Cave Books, St-Louis, Missouri, p. 175-178 (1991).
(3) Rick Stanton, communication personnelle,
1999.
(4) Martyn Farr, The Darkness Beckons, Diadem
Books, Londres (2000), supplément - The 1990s, 286.
(5) D'après www.divernet.com/news/items/ressel020800.htm.
(6) Signalée par Hubert Foucart dans
Info-Plongée, n°50, juin 1988.
(7) J. Brasey et al, Stalactite 1992 (12),
33-46.
(8) Carte géologique de la France
857, Saint-Géry, 1 :50 000, éd. B.R.G.M