Rapport des nouvelles découvertes
faisant suite
à la première percée hydrogéologie du massif d'Arcy sur Cure (89). |
(par Arnold Haid et Philippe Radet)
Nous sommes le 19 janvier 2001 et pour ne pas changer nous nous dirigeons vers le presbytère de St Moré, chez Jean-Claude Liger qui nous attend de pied ferme. Notre déplacement sera de courte durée puisque pour des raisons familiales nous sommes tous les deux contraints de rentrer sur Troyes le samedi midi. La Cure est basse et l'abaissement du niveau des grottes est très encourageant malgré une météo à tendance pluvieuse. La pige de niveau à l'entrée de la grotte des Fées nous indique -102 cm. Nous sommes équipés de blocs 7.5 l , car 2 siphons et une longue voûte mouillante nous obligent à une séance de plongée et bien sûr de portage.
Notre objectif est de se rendre et d'explorer, dans
la grande salle de la Moria, les deux départs aériens
que j'avais repérés lors de mes premières incursions
de l'autre coté des 6 siphons formant la rivière de Pèche-roche
du Moulinot.
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Un talus de glaise collante, dans la partie droite
de la salle, limite le bas et le plancher du réseau supérieur.
A ma grande surprise, d'imposantes stalagmites se dressent devant moi.
Le plafond est tapissé de fistuleuses et quelques excentriques
qui font rêver laissent place à l'espoir et la joie de
cette envoûtante progression. Arnold suit mes traces et se rend
à son tour devant ces majestueuses et blanches concrétions
d'une rare pureté. A mon grand étonnement la galerie continue.
Dans ma tête, la possibilité future de jonctionner avec
le terminus de la grotte du Cheval m'excite. Rampant comme une chenille,
j'aperçois 2 colonnes dont une de bonne dimension (80cm de diamètre
sur 1.30m de haut environ et l'autre 40cm de diamètre pour la
même hauteur).
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Les concrétions jonchant le sol m'obligent à me déplacer avec une infime précaution pour ne pas les détruire. L'orientation de cette galerie suit la parallèle de celle menant vers le siphon de la Moria, à savoir plein sud, mais 20m plus loin bifurque sur la droite. Le plafond se fait de plus en plus bas, la progression de plus en plus difficile et nous rend malheureusement a l'évidence : nous ne pourrons certainement jamais continuer l'exploration de cette galerie fossile. Nono, tout comme moi, reste bouche bée et la joie se lit également sur son visage fatigué par notre progression d'approche. Environ 60m de galeries nouvelles viennent d'être découvertes dans cette branche aux dimensions confortables et inespérées : h : 1.30 ; l : 3m.
Une faille au plafond de la grande salle nous guide dans la partie gauche vers la seconde galerie. Son orientation, elle aussi, est parallèle à la rivière souterraine dans le sens amont, c'est-à-dire plein nord . Un talus de glaise identique oblige à une petite escalade. Jusqu'au plancher de la galerie, la morphologie est différente.
La largeur est la même mais la hauteur n'excède pas les 60cm.Une faille dans la partie supérieure droite permet une progression un peu plus aisée. Cela serait impossible par la gauche. Là aussi, une multitude de stalagmites jonche le sol et le plafond est également tapissé sur des surfaces importantes. La progression est difficile, mais dans cette galerie il n'y a pas de colonne comme dans sa sur de la branche nord. Après 60m également de découverte, nous sommes à nouveau contraints de faire demi-tour. Mais l'espoir de progresser dans cette partie nous semble envisageable dans le futur. Dimensions : L 60m ; H 0.40m dans la partie gauche et 0.60m dans celle de droite. Une rapide topo et un lavage de notre matériel nous ramène vers le retour. Nous sommes en panne de montre et estimons qu'il est 19h30. |
En conclusion : Deux galeries supérieures découvertes
dans la grande salle de la Moria représentent 120m de développement.
Celle du sud est probablement en relation avec la grotte du Cheval et ses
peintures rupestres. Mais il semble que dans son terminus actuel il est impossible
de progresser. Il est évident qu'une nouvelle tentative devra le confirmer.
Sur l'ensemble des grottes du Massif d'Arcy sur Cure, seule la Grande Grotte
possède de semblables colonnes aussi blanches et aussi pures. Les nouvelles
découvertes sont de dimensions plus modestes mais d'une pure beauté.
La branche nord nous laisse des espoirs de progression. Elle n'a rien à
envier à sa grande sur, malgré ses dimensions plus réduites,
et nous offre un véritable festival pour les yeux.
Une autre expédition dans ce même réseau et destinée à la topographie des deux nouvelles galeries à été également l'occasion d'une première dans le genre. Il s'agit d'une participation féminine à l'exploration de la rivière de Pecheroche. En effet, Daniele Molez aux cotés de Philippe Radet, Arnaud Haid et Philippe Savantré, est bien la première dame à franchir le siphon de la Récompense et à explorer tout le réseau jusqu'au siphon de la Moria.
Philippe Radet, le 21.01.2001.
Plongées dans la source du Moulinot à Arcy-sur-Cure (89).
JUIN, JUILLET, AOUT, SEPTEMBRE 2000
Nono (Arnold Haid ) étant absent pour raison familiale c'est seul que
je décide pour mon plaisir de reprendre le réseau du Moulinot.
De Troyes, dont je suis originaire, je pars en direction du quartier général,
je veux parler de l'ancien presbytère de St Moré, non loin d'Arcy-sur-cure,
tout particulièrement pour y rencontrer, notre ami spéléo
et archéologue J.C Liger, qui avec Gilles Souchet, sont, j'en suis
certain, les spécialistes incontestables depuis bien des années
du réseau.
Eh oui, un archéologue spéléo et un hydrologue également
spéléo ne peuvent que m'apporter d'excellents conseils quant
à la morphologie, la karstologie et bien d'autres renseignements sur
l'hydrologie de cette source non plongée, depuis les dernières
explorations de 1985 par M.Chocat et A.Couturaud.
Après un rapide coup d'il à la topo et un long verre de
vin du petit père Jean-Claude, je me rends de nuit devant la source,
elle est claire, il est 21h30.
Equipé d'un bi 2x9L et d'un dévidoir garni de 300m de fil décamètré, je me dirige vers la source après plusieurs aller- retour dans le pré pour des raisons de portage de matériel. Le barrage permet une approche et une mise à l'eau aisée. Des poissons de taille respectable ne chercheront pas à m'accompagner, préférant la clarté de la vasque d'entrée. |
Après avoir mis mon fil d'Ariane en place sur le piquet métallique dès le départ, je commence ma première reconnaissance et le rééquipement.
Le S 40 est long de 70m et profond de -2.5m, la visibilité est de 2m environ. En rive gauche, une belle banquette de glaise suit de manière régulière la roche partiellement découpée par l'érosion. Le plafond est très marqué par des coups de gouges, des petites cloches d'air sont visibles. Il nous amène à la salle de l'Effondrement avec, comme son nom l'indique, un énorme bloc (3x1.5x1m environ) tombé du plafond à la fin du siècle dernier.
Le S 39 : 105m par -1.5m est ``tapissé'' dans la partie centrale du sol, par des graviers solidifiés entre eux, phénomène du à la vidange du réseau il y a quelques années. De belles concrétions sont visibles dans la partie amont de la salle menant au départ du S38 agrémentent le trajet ainsi que des départs colmatés ça et là. Des stalactites sont présentes également dès la sortie du siphon. Un échantillon a été prélevé pour faire une datation.
Le S38 : est la copie conforme du S 39 avec un développement de 95m par -2m : des cloches agrémentent le trajet ainsi que des départs colmatés ça et là. Des stalactites sont présentes également dès la sortie du siphon. Un échantillon a été prélevé pour faire une datation.
Equipé d'un bi 2x9L et d'un dévidoir garni de 300m de fil décamètré, je me dirige vers la source après plusieurs aller- retour dans le pré pour des raisons de portage de matériel. Le barrage permet une approche et une mise à l'eau aisée. Des poissons de taille respectable ne chercheront pas à m'accompagner, préférant la clarté de la vasque d'entrée. |
Le S37 pour reprendre les termes de A.Couturaud est plus une voûte rasante qu'un siphon à l'état pur. Un vide d'air de 10cm environ, délimite le plafond de l'eau. Son développement est de 10m et sa profondeur de 1m. C'est le plus court. Il permet d'accéder à une salle qui, sur la rive gauche, laisse entrevoir quelques beaux départs, malheureusement rapidement impénétrables. Une coloration depuis cet endroit a été effectuée en juin 2000 (voir ci-dessous). Des petites concrétions sont toujours présentes pour le plus grand plaisir des yeux, même derrière un masque de plongée.
Le S36 change complètement : la visibilité devient rapidement bonne sur 2 à 3m, l'eau paraît presque claire et plonge doucement sur un tapis de sable jusqu'au point bas d'une diaclase étroite que je pense infranchissable. |
14 OCTOBRE 2000
Une série de 5 plongées sera nécessaire pour trouver
un passage, non pas par la diaclase, mais bel et bien par le point bas de
-8.5m , dans une lucarne de 0.8 x 0.4m de haut et ce dans une couche de glaise
égale à la moitié de la hauteur de ce trou qui s'est
avéré être le bon passage.
Après quelques hésitations, équipé d'un 2 x 7.5m
à l'anglaise, je m'introduis et ressors de l'autre coté de la
barrière rocheuse, et trouve un becquet qui fera parfaitement l'affaire
puisque dessus je retrouve le vieux fil des anciennes explorations.
Fin de plongée, il reste maintenant à refranchir la lucarne dans l'autre sens, avec une visibilité qui s'est totalement annulée à cause de mon passage dans cette partie très très chargée de glaise. C'est avec un grand soupir que je ressors des siphons avec un seul regret : il ne me reste que 40m pour sortir de l'autre côté mais je préfère la sécurité.
20 OCTOBRE 2000
Une semaine plus tard, une nouvelle plongée en solitaire me permet de franchir tous les siphons de la rivière du Moulinot et de remonter jusqu'à l'aval du siphon de la Moria (S 35) en 50 minutes. 10 plongées de 1h à 2h ont été nécessaires pour mémoriser les galeries. Si la visibilité est correcte à l'aller, au retour par contre, elle est totalement nulle, au mieux 20cm. |
La coloration effectuée depuis laval du S37 : 500 g de fluorescéine sont déversés à 19h30. La coloration réapparaît à 22h30 dans la vasque de la source du Moulinot, distante de 350m. La vitesse du traceur est donc de : 350 / 180 = 1.9 m/min.
REALISATION DE LA PREMIERE PERCEE HYDROGEOLOGIQUE
du MASSIF CORALIEN D'ARCY SUR CURE
Traversée réalisée par Arnold HAID : Spéléo-Club
Aubois-CDS10 (FFS), Suba-TROYES (FFESSM)
et Philippe RADET : Spéléo-Club Aubois-CDS10 (FFS), PROFONDIS
(FFESSM).
Assistés de Gilles SOUCHET et Dominique, Jean-Claude
LIGER et Christophe PETITJEAN (Spéléo-Club Aubois-CDS10).
Tous sont membres de l'Association CORA (Spéléos archéos
du Massif d'Arcy sur Cure).
La date du 18 novembre 2000 est enfin arrivée et en accord avec Monsieur
le Comte G. DE LAVARENDE, les vannes du Moulinot sont ouvertes comme prévu.
Depuis le 13 novembre, le niveau s'est abaissé de 1,20m environ.
Nous sommes au presbytère de Saint-Moré, chez notre cher Jean-Claude où nous nous préparons. La météo est au rendez-vous, il ne pleut pas depuis trois jours. Il est 19h00. Une ambiance de grand moment règne. Le calme et l'excitation à la fois sont pourtant bien présents.
Nous sommes au nombre de six dans le gîte. Tout a été prévu pour que l'opération soit optimum malgré une équipe légère en effectifs. Arnold et moi plongerons pour effectuer la traversée. Gilles et Christophe nous rejoindrons par la sortie (réseau des canards) afin de nous assister au portage des bouteilles. Jean Claude et Dominique assureront l'équipe de surface, chargée de l'alerte (au cas où ) et au soutien logistique.
Pendant que les véhicules nous déposent au Moulinot, nous effectuons une dernière révision du matériel, un dernier coup d'il sur la topographie et surtout une remémoration de la procédure que nous emploierons en cas d'échec. Nous voici arrivés à la grille de cette source dans laquelle pas moins de 10 plongées m'ont été nécessaires pour reéquiper, mémoriser le réseau avec ses 6 siphons et cette étroiture dans la glaise rendant toute visibilité nulle. En effet la dernière tentative de traversée remonte à 1969.
En raison de l'abaissement de la vasque, la mise à l'eau se fait délicatement (ce qui ne m'empêche pas de m'ôter un sérieux morceau de viande sur un doigt) Notre préparation est minutieuse, nous ajustons une dernière fois nos équipements personnels. Il est 20h20. Nono me jette un dernier regard, me donne une poignée de main et disparaît dans le S40.
20h25 - A mon tour, je me glisse dans le réseau. Nos équipiers nous regardent partir avec, je le devine, une certaine angoisse. Ils doivent maintenant rejoindre le réseau des canards, là où ils sont supposés nous voir arriver. Nous ignorons tous si cette percée sera réalisée et surtout en combien de temps et dans quelles conditions elle se fera.
Du fait de la baisse du niveau d'eau, les siphons ne ressemblent
plus à rien sauf à de véritables et infâmes galeries
de boue liquide.
La salle de l'effondrement en sortie du S39 est méconnaissable. Le
bloc de sécurité déposé sur la dalle tombée
du plafond au siècle dernier est toujours posé là, attendant
patiemment notre passage depuis 1mois et demi.
Déjà les difficultés apparaissent car seuls quelques
courts siphons restent et il nous faut traîner nos bouteilles. De ce
fait, la progression se fait très lentement. Nous sommes obligés
de ramper, de nous tirer dans la boue en nous déplaçant à
quatre pattes. Je suis derrière Arnold et j'entends sa respiration
se faire de plus en plus irrégulière. Ses blocs tapent, raclent
les rochers découverts des salles et siphons mis à nu. Cela
fait 40mn que nous sommes partis et retrouvons enfin la deuxième bouteille
de sécurité au départ du 6ème siphons qui est
celui qui mène à cette étroiture sévère
et dangereuse au point bas de la cavité à -8.60m.
A cet endroit le niveau de l'eau ne s'est abaissé que
de 0,80m, preuve qu'un autre réseau vient alimenter cette partie où
un courant se fait toujours ressentir. L'eau y est beaucoup plus claire mais
l'erreur n'est pas permise. Deuxième bobo de la sortie, Nono se déboîte
le genou en cognant la roche mais courageusement le remet aussitôt.
Cet événement est fort heureusement sans incidence et le genou
n'en garde aucune séquelle. Reprenant le fil de la traversée,
notre compère fait une dernière révision de l'endroit
et de la manière dont il doit s'engager. En effet, il n'a jamais franchi
cette difficulté au Moulinot. Il sait que le fil d'Ariane est bien
placé, mais sans aucune visibilité, l'affaire n'est pas évidente.
Le temps de récupérer et de réajuster une dernière
fois notre matériel, je regarde Arnold disparaître devant moi
dans le S35 qui doit nous mener à la sortie du siphon de la Moria.
Il est parti depuis 5mn et ne le voyant pas réapparaître, à
mon tour je décide de suivre le fil guide dans cette touille. Effectivement,
Arnold est passé et la voie est libre.
La grande difficulté de ce passage est la dimension (L=0,50m ; H=0,40m
; l=0,60m) mais une bande rocheuse nous oblige à nous casser en deux
dès la sortie dans la glaise et rend impossible la mémorisation
de la morphologie. A mon tour, je me sens libéré (comme d'un
accouchement).
Le fil remonte très brusquement, et dans une eau devenue subitement claire je devine la main de Nono tendue en ma direction pour me rassurer de sa présence. Dès notre sortie de cet enfer, la concentration laisse la place à la joie, à nos commentaires et impressions sur cette première partie de notre percée qui, semble-t-il, est en bonne voie. Arnold découvre pour la première fois ces galeries dont les plafonds sont très bien concrétionnés et, comme moi lors de ma première visite, aperçoit un superbe départ aérien en rive droite. D'après J.C Liger, il pourrait être en relation avec la Grotte du cheval, ce qui nous mènerait ainsi au terminus de la galerie ornée de gravures rupestres.
L'acéto est mise en route. Les galeries ruissellent de
partout. Nous progressons l'un à coté de l'autre comme pour
nous rassurer et arrivons devant le S34 (siphon de l'Illusion). Tiens, il
n'est pas équipé en fil d'Ariane.
Nono trouve un becquet et part rechercher la sortie du siphon. Une fois de
plus ne le voyant pas revenir sur ses palmes, je suis le fil et ressort après
18m de plongée. Il est maintenant 22h00 et la fatigue se fait ressentir
de nouveau, mais le moral est très bon.
Mais où en sont Gilles et Jeannot (alias Christophe) ? Ont-il passé le S32 de la Récompense ? Nous reprenons le chemin des galeries et découvrons un collecteur spacieux orné de concrétions de bonnes tailles qui semblent vierges. Notre progression se fait de plus en plus lente. Les jambes sont lourdes et les bouteilles quand même imposantes.
Le Perce- combine est là devant nous, de plus en plus
étroit, les lames d'érosion de plus en plus coupantes et la
fatigue de plus en plus pesante. Arrive enfin le moment de nous séparer
de notre équipement, ce qui se fait très méthodiquement
pour ne pas semer de matériel dans la rivière (çà
ne repousse pas ). Un coup de bélier vient perturber notre quiétude.
Que se passe-t-il ? L'eau remonte ? La rivière de Pêche-Roche
continue sa vidange ?
Nous ne faisons plus de bruit et nous nous regardons avec un air inquiet.
Une lueur apparaît. Ca y est, Gilles et Christophe sont de l'autre côté
de Perce-combine, là devant nous, avec des blocs sur le dos. Avec des
blocs
eh oui, notre Jeannot à franchi pour l'occasion son premier
siphon de 3m .(3m d'accord mais 3m quand même dans la touille complète).
En effet, alors que le Moulinot n'a jamais été aussi bas, le
niveau du siphon de la Récompense (S32) est plus haut qu'en février
et par sécurité, nos deux porteurs ont préféré
emmener de l'air avec eux. Ils ont bien fait car les voûtes mouillantes
siphonnent presque. La joie est là sur les visages et dans un raffut
du diable car tout résonne, nous essayons chacun de notre coté
d'échanger nos premières impressions. Mais, le Perce-combine
est toujours là et pas encore franchi. Il est 22h50, les retrouvailles
sont faites et le calme est revenu.
Il nous faut 40mn pour passer le matériel et les hommes
de l'autre coté des dents du Perce-combine, mais nos équipiers
sont là pour réceptionner. Cet endroit délicat a été
fidèle à sa tradition avec des genoux écorchés,
une combinaison et une sur-combinaison déchiquetées, mais la
douleur laisse la place à la joie de se retrouver enfin. Il est 23h30.
Le restant du portage est, si on peu dire, simple mais la fatigue est bien
présente. Les muscles ont du mal à suivre et le froid fait sa
première apparition. Il nous reste à plonger le S32 de la Récompense
qui nous mène dans le réseau des canards. Le souffle d'air de
la sortie se fait de plus en plus glacial. Jean-Claude et Dominique nous attendent
avec le sourire aux lèvres et nous invite autour d'un feu préparé
pour l'occasion non loin de là, à l'entrée du réseau
des Fées. Une bonne bière bien fraîche, une cigarette,
les commentaires vont bon train.
La 1ère percée hydrogéologique du massif coralien d'Arcy sur Cure vient d'être réalisée entre la source du Moulinot et le réseau des canards en 4h00 et une distance de 1200m jonchée de 8 siphons. |
Matériel utilisé : blocs à l'anglaise 2x7,5 litres + blocs de sécurité 2x4 litres en sortie du S39 et du S36, éclairage acétylène et électrique 2x 20w.
Les blocs de sécurité ont été récupérés par Arnold quelques jours après, assisté d'Eric Marais. Merci à Eric pour son courage et son dévouement.
Philippe Radet
En hommage au spéléologue Gérard Méraville (1927-2000),
inventeur des gravures préhistoriques de la Grotte du Cheval d'Arcy-sur-Cure.
Le rêve réalisé
Voilà plus d'un demi-siècle que les spéléologues
imaginaient pouvoir un jour parcourir de part en part le massif d'Arcy-sur-Cure,
réalisant ainsi la traversée du plateau par le trajet souterrain
des eaux de la Cure.
Depuis 1945, lorsque le Groupe Spéléologique Préhistorique
Parat de Gérard Méraville découvrait la grotte de Barbe-Bleue
et explorait la rivière des Deux-Cours, puis en 1969 avec le Groupe
Spéléologique Yonne-Vercors où, pour la première
fois, des plongeurs parcouraient les nouvelles galeries du Réseau de
Pêcheroche et celles du Moulinot, tous pensaient à cette "
traversée intégrale " du plateau calcaire. Tous ont ainsi
petit à petit contribué à rendre possible cette formidable
aventure spéléologique qui vient d'avoir lieu.
Gérard Méraville
Gérard Méraville débute la spéléologie
juste après la Libération, à l'époque où
il travaille dans les carrières de Palotte qui abritaient, alors, l'usine
souterraine d'aviation.
En 1945, il fonde le Groupe Spéléologique et Préhistorique
Parat (du nom du célèbre curé archéologue explorateur
des grottes d'Arcy) et, sous son impulsion, les découvertes se succèdent
dans la Grotte des Fées d'Arcy-sur-Cure (Rivière des Deux-Cours,
Salle Casteret, etc
), et dans une nouvelle cavité qu'il découvre
: la Grotte de Barbe-Bleue, située juste sous le château du Chastenay.
L'année suivante, c'est l'apothéose : Gérard, en compagnie
de deux compagnons, trouve le prolongement de la Grotte du Cheval fouillée
par l'abbé Parat au début du siècle dernier, et découvre
les premières gravures préhistoriques connues dans le nord de
la France.! Mais il gardera toujours un regard méfiant sur le monde
archéologique, celui là même qui l'avait traîné
devant les tribunaux en guise de récompense pour la découverte
d'une grotte ornée.
14 août 1954, son frère Marc avec son compagnon Christian Boblin
se noient dans la Grotte de Barbe Bleue à la suite d'une crue subite
de la Cure. Gérard se détourne alors petit à petit des
grottes de la Cure au profit des vastes cavernes du Vercors.
En 1961, la venue de jeunes au sein du G.S.P.P. va relancer les recherches
et travaux dans les grottes des bords de la Cure pour plusieurs années.
A Arcy, où de nouvelles galeries sont découvertes dans la Grotte
des Fées (Salle de Pâques, Réseau Pesquet), à Saint-Moré
également avec la Grotte des Pêcheurs caverne où de nouveau
l'archéologie est au rendez-vous.
A partir de 1968, Gérard se tiendra éloigné des grottes
d'Arcy-sur-Cure, pour se consacrer uniquement au Vercors où son opiniâtreté
va faire des merveilles. De nombreux gouffres et cavernes sont découverts
et explorés, mais c'est la reprise d'une ancienne exploration, le Trou
de l'Aïgue, qui va lui permettre de réaliser, grâce à
sa persévérance, une splendide traversée intégrale
(de la résurgence à la doline sur le plateau). Le Groupe Spéléologique
des Hauts-de-Seine, qu'il anime depuis les années 70, va également
explorer les grands gouffres d'Espagne dans les Monts Cantabriques. Malgré
sa maladie qu'il le ronge depuis des années, Gérard continuera
à pratiquer la spéléologie jusqu'au bout de ses forces.
En 1996, à l'occasion du cinquantenaire de la découverte des
gravures de la Grotte du Cheval, Gérard sera enfin mis à l'honneur
sur le terrain d'Arcy. Grâce au propriétaire des grottes, une
visite de la Grotte du Cheval sera organisée spécialement pour
lui ainsi qu'une cérémonie officielle à Saint-Moré
Gérard était un homme discret, efficace et généreux,
mais également un homme rayonnant sa passion pour le monde souterrain
auquel il a consacré plus de 55 années de sa vie. C'était
surtout un magnifique formateur de spéléologues. A son contact
des dizaines de spéléologues se sont révélés,
et parmi ceux-ci certains se sont plus spécialement attachés
aux grottes d'Arcy-sur-Cure et de Saint-Moré.
Nous sommes de ceux-là, à l'Association Cora, et nous voyons
avec l'exploit de Philippe Radet et d'Arnold Haïd que le relais est transmis
: La passion de Gérard Méraville pour les rivières souterraines
d'Arcy-sur-Cure a trouvé de nouveaux héritiers.
Paix à toi Gérard. Jean-Claude Liger