RESEAU DE PEYREJAL - GOULE DE SAUVAS
paru dans le bulletin n°1 du GRPS - janvier 1971 |
Le réseau de la grotte de Peyrejal - Goule de Sauvas, se développe
dans le sud du département de l'Ardèche, sur la commune de Saint
André de Cruzières.
Dans ces deux grottes, connues depuis très longtemps, (1), (2), les
spéléos se sont heurtés rapidement (au bout de quelques
centaines de mètres) à l'obstacle classique que constitue le
siphon :
- Event de Peyrejal (exurgence de Sauvas). Une galerie érodée
et horizontale, longue de 350 m très facile, conduit au siphon.
- Goule de Sauvas. Elle constitue l'amont du réseau et en-gouffre,
en temps de crue, les eaux de la Claysse. La grotte se présente sous
la forme d'un méandre descendant, large et haut (2 m x 10 m) de 300
m de long. Une galerie elliptique d'une trentaine de mètres donne ensuite
accès au siphon.
Un dénivelé d'environ 30 m et une distance de 1100 m séparent
ces deux zones noyées.
LACROUX, (3), a effectué plusieurs plongées dans le siphon terminal
de la Goule de Sauvas, mais sans succès. Par contre, ses tentatives
dans l'exurgence de Peyrejal se sont avérées beaucoup plus fructueuses
puisque, après passage du siphon d'une quarantaine de mètres
de long, et de 5 à 6 m. de profondeur, il a pu parcourir 200 m. dans
une galerie spacieuse, sans rencontrer de difficultés.
Depuis deux ans, (4), le G. R. P. S. a décidé de reprendre systématiquement
l'exploration de ce réseau, en commençant par l'Event de Peyrejal.
Le but que nous nous étions fixés était la jonction Sauvas
- Peyrejal. Nous n'y sommes pas encore parvenus mais notre connaissance du
réseau commence à être suffisante pour pouvoir tirer certaines
conclusions, en particulier hydrologiques, et pour permettre de préciser
les liaisons éventuelles de ce réseau avec d'autres ensembles
ou grottes proches.
EXPLORATION
Sept expéditions représentant plus de 40 plongées ont
été nécessaires pour explorer et topographier les 2200
m actuellement découverts derrière le siphon. Mais, en raison
du danger que présente ce réseau en temps d'orage, des précautions
toutes particulières ont
dû être prises : l'eau de la Claysse engouffrée par Sauvas
ressort trois heures après à Peyrejal, avec un débit
de plusieurs m3/s. Ces chiffres nous ont été confirmés
par des observations récentes du Spéléo-club des Vans.
Tout le réseau est alors noyé, à l'exception de quelques
rares points hauts. Encore faut-il pouvoir les atteindre.
Afin de respecter les consignes de sécurité indispensables dans
une telle grotte, l'équipe de pointe était constituée
de trois plon-geurs minimum. L'un d'entre eux restait de l'autre côté
du siphon, en liaison téléphonique permanente avec l'extérieur,
et pouvait ainsi, en cas d'orage, prévenir les équipiers en
exploration, ceux-ci ayant pris le soin de baliser leur parcours. Nous n'avons
heureusement jamais eu à utiliser ce système.
Au cours des expéditions, nous avons été amenés
à diviser le réseau en deux parties distinctes, la grotte se
présentant après le siphon sous la forme d'un Y
- La branche dite "de gauche" (ou de Sauvas) - La branche dite "de
droite"
Du siphon à la bifurcation, le parcours se fait sans diffi-cultés
dans une galerie de 5 m x 6 m. Il est à noter la présence d'une
"chatière" de 2 m x 1 m, seule "difficulté"
de cette portion de galerie. Aucune concrétion dans ce tronçon
si ce n'est quelques jolis gours actifs vers la "chatière".
Branche de gauche
La section de la galerie change maintenant d'allure et devient plus réduite
: 1 à 2 m de large pour 3 à 4 m de haut, mais la progression
reste sans difficultés. Sans transition, on arrive dans une galerie
parfaitement cylindrique de 2 m de diamètre, propre, décapée,
ne
comportant pas la moindre trace de graviers, cailloux ou sable, témoin
d'une mise en charge totale avec une vitesse élevée. A la vue
de cette galerie, on prend conscience du danger considérable que présente
cette grotte lors d'une mise en charge. La galerie se pour-suit, entrecoupée
de diaclases plus ou moins importantes, puis une pente très forte encombrée
de graviers permet d'accèder à une voute mouillante courte (environ
1 m de longueur) derrière laquelle la galerie se prolonge encore sur
80 m, et c'est le siphon terminal de cette branche. Une plongée y est
effectuée courant Août 1970, mais sans succès. Le siphon,
reconnu sur 50 m, descendant à - 7 m, peut être considéré
comme dangereux : succession de salles sépa-rées par des chatières
encombrées de graviers et d'argile ; pente toujours négative.
Branche de droite
Contrairement à celle de gauche, la branche de droite est constituée
de plusieurs galeries parallèles, étagées suivant le
pendage, ou superposées et remontantes.
Bien que facile, la progression est localement gênée
par l'important remplissage argileux et - ou - stalagmitique, qui obstrue
presque toute la galerie et oblige à un ramping souvent pé-nible.
Par contre, nous avons eu la joie de découvrir quelques tron-çons
de galerie non noyée en temps de crue (ce qui est rare) et admi-rablement
concrétionnée : stalagmites, stalagtites, excentriques,
coulées, gours fossiles, disques, perles des cavernes dont certaines
atteignent la taille d'un gros oeuf de poule. Vers l'amont, la section des
galeries diminue, témoignage d'une extrémité de réseau,
mais la découverte vers le terminus amont d'une galerie taillée
dans une diaclase de bonnes dimensions permet d'espérer une continuation.
Cependant, il ne semble pas, d'après les premières observations,
que l'on puisse lier hydrologiquement cette galerie au reste de Peyrejal.
A noter enfin la présence d'une galerie supérieure fossile,
concrétionnée, superposée à la galerie active,
et 5 ou 6 m plus haut. Cette branche se termine par un colmatage d'argile
presque total, mais une désobstruction rapide permettrait d'espérer
une suite.
En résumé, on peut dire qu'il y a de nombreux espoirs de continuation
dans cette branche, continuation qui permettrait d'en savoir plus sur Peyrejal
et donnerait peut-être accès au réseau actuellement inconnu
alimentant le Peyrol de Chadouillet (résurgence presque immé-diatement
siphonante située à 300 m à l'Est de Peyrejal).
KARSTOLOGIE - HYDROLOGIE
La puissance du calcaire étant faible dans ce secteur, le; réseau
entièrement creusé dans le Kimméridien est très
proche de la surface du plateau (40 m au maximum). Cependant, les galeries
actives (en temps de crue) sont de grosse dimension. Par contre, dans les
galeries fossiles on note la présence de remplissage stalagmitique
et argileux, d'importance variable, allant parfois jusqu'au comblement
total de la section. En faisant abstraction de ce remplissage, les galeries
fossiles semblent de section plus faible que les galeries actives.
Du point de vue creusement, on peut dire que Sauvas n'est qu'un affluent (important)
de Peyrejal, le réseau principal de cette grotte étant constitué
par la branche de droite. En effet, cette remarque est presque évidente
après observation de la topographie où la branche de droite
et le tronçon entrée-bifurcation de la branche de gauche sont
pratiquement alignés. D'autre part, la section des gale-ries confirme
cette hypothèse : petite section dans la branche de gauche (venant
de Sauvas), section plus importante dans la branche de droite et de la bifurcation
à l'extérieur.
En ce qui concerne le drainage, la Goule de Sauvas en-gouffre la Claysse,
qui collecte les eaux de tout l'Est du massif, et alimente la branche de gauche.
A une époque antérieure, le Nord-Est et le Nord du plateau étaient
drainés par la branche de droite. Actuel-lement, nous n'avons pas trouvé
trace de réseau actif, mais nous pen-sons qu'il existe et qu'il s'est
déplacé au cours du temps ; d'où un ré-seau hypothétique
actif vers l'Est reliant les galeries amont de la branche de droite de Peyrejal
au Peyrol de Chadouillet.
Liaison Sauvas - Peyrejal
Bien qu'elle n'ait pas encore été effectuée, cette liaison
est absolument certaine, comme l'atteste une coloration originale l'une et
l'autre de ces grottes sont jonchées de détritus de tout ordre
(boites de conserves, pneus, vieille ferraille, chaussures, etc...Î
provenant de dépôts d'ordures le long du cours de la Claysse.
Liaison Peyrejal - Peyrol de Chadouillet
Cette liaison est probable, Nous l'avons évoquée plus haut.
On nous a cependant affirmé qu'une coloration aurait prouvé
une liaison Sauvas - Peyrol, assez surprenante, et sur laquelle nous formulons
beaucoup de réserves. N'ayant pas trouvé de traces de cette
coloration, et n'en connaissant pas les auteurs, nous restons pour l'instant
très sceptiques.
Nous avons néanmoins plongé dans les deux siphons du Peyrol
L'un a été reconnu sur 80 m ; profondeur atteinte : 3 m. Il
se termine sur une étroiture difficilement franchissable. L'autre se
présente sous la forme d'un puits noyé de 20 m - dimension importante.
Section réduite au fond.
Liaison Peyrejal - La Cotepatière
La Cotepatière, grotte de 300 m de long environ, considérée
comme faisant partie du réseau bien connu de la Cocalhère, est
hydro-logiquement indépendante de Peyrejal, mais passe cependant très
près (moins de 130 m). Nous avons vérifié qu'il n y a
pas de jonction entre les deux.
Liaison Sauvas - La Cocalhère
Ces deux grottes sont hydrologiquement et géologiquement indépendantes
; toute liaison entre elles ne pourrait donc être que for-tuite. Il
existe vers le siphon terminal de Sauvas un petit boyau très ensablé,
partant sur la droite en direction de la Cocalhère ; on y note l'absence
totale de courant d'air. On dit qu'une liaison Sauvas - Cocal-hère
aurait été faite dans ce boyau par lancé de mouchoir
à travers une étroiture. Nous n'avons jamais eu confirmation
de cette jonction et,
en l'absence de topographie publiée, nous sommes obligés de
considérer que cette jonction n'existe pas.
CONCLUSIONS
Le but que nous nous étions fixés (liaison effective Sauvas
- Peyrejal) n'a pas encore pu être atteint, mais il nous reste à
explorer le siphon terminal de Sauvas avant d'abandonner définitivement
l'espoir de cette jonction.
Par contre, 2200 m de galeries vierges ont été découvertes
derrière le siphon de Peyrejal, et nous avons bon espoir de doubler
cette distance.
Peut-être le mode d'exploration de ce réseau est-il à
re-voir : en effet, le passage d'un siphon, même facile, devient une
opéra-tion longue et délicate en raison du passage dans la galerie
noyée de tout le matériel nécessaire à la poursuite
de l'exploration. L'épaisseur du calcaire étant relativement
faible, nous pensons qu'un puits percé en amont du siphon, en un endroit
judicieusement choisi, permettrait d'améliorer grandement les conditions
d'exploration. Nous espérons que ceci fera l'objet d'une publication
ultérieure.
BIBLIOGRAPHIE
(1) - La France Ignorée. E.A. MARTEL - Tome 2, page 132
(2) - Dr. J. BALAZUC, 1956 - Spéléologie du département
de l'Ardèche (3) - Spélunca n° 1, 1969, page 10
(4) - Spélunca n° 1, 1970, page 60