Le Peyrol de Chadouillet.
Compte-rendu d'exploration.

Par Edouard Piccinini

Extrait de « S.C.Villeurbanne activités » 1986, 47, p. 74-76.

 

 

Edouard Piccinini (« Dodu »), auteur de ce compte-rendu s'est noyé lors de la plongée suivante dans le siphon du Peyraou le 24 juillet 1955.

Le matériel et les techniques utilisées lors des toutes premières explorations en siphon et post-siphon sont pleines d'enseignement, et doivent laisser rêveur un plongeur actuel … mais c'était en 1955, il y a trente (aujourd'hui cinquante) ans.

E.Piccinini (1929-1955) était l'animateur et le responsable du Groupe Spéléologique de la M.J.C. de Villeurbanne entre 1949 et 1955.

Un article panégyrique retraçant ses activités est paru dans la revue « Le sport dans la police » 1955, 18, p.15-17.

1 – Date : 10 avril 1955

2 – But :
a) déterminer l'origine de l'eau que l'on aperçoit et qui fait voûte mouillante dès l'entrée du Peyrol.

b) Reconnaître l'étendue de la nappe d'eau.

3 – Situation

Le Peyrol de Chadouillet est situé sur le territoire de la commune de Saint-André de Cruzières. […]

De Saint-André, prendre la route nationale 101 qui conduit à Saint-Paul le Jeune ; après 2 km environ, maisser la route, descendre à travers les lapiaz vers le fond de la petite vallée.

Le Peyrol se présente en période sèche au bas d'un cône d'éboulis de galets roulés. Dès l'entrée, une nappe d'eau claire et limpide rejoint immédiatement la voûte. Sur la gauche, à u mètre au-dessus, part un boyau bouché à quelques mètres par de la glaise.

En période de crue, l'eau jaillit sous pression avec violence entraînant avec elle tous les galets du cône. Egalement en période de crue, l'eau jaillit du boyau de gauche. A la fin de la crue, les galets sont entraînés vers le bas par les visiteurs.

4 – Effectif

  • Monsieur le Maire de Saint-André
  • Alves Marcelline
  • Alves Serge
  • Bareck Marcelle
  • Fernandez Raphaelle
  • Nerva Roger
  • Peysson Jean
  • Piccinini Edouard
  • Tissier Guy

5 – Matériel mis en œuvre (plongée spéléo)

  • 2 bouteilles d'air de 2 m3
  • 1 bibouteille
  • 1 monobouteille
  • 2 appareils respiratoires « narguilé »
  • 40 mètres de tuyaux (20m x 2)
  • 1 appareil respiratoire « Cousteau »
  • 2 combinaisons isothermiques « Tarzan »
  • 3 ceintures de plomb
  • 3 paires de  « lunettes de plongée »
  • 1 paire de palmes
  • 2 lampes étanches
  • 1 corde d'assurance nylon
  • 50 mètres échelles spéléo
  • 3 canots pneumatiques
  • 4 mousquetons
  • 1 pelle-bêche
  • 1 pelle-pioche
  • 1 double-décamètre
  • 1 boussole
  • 1 cordelette métrée

6 – Exploration

Après la mise en place du matériel, un premier essai de plongée est tenté à 10 h 20 par Roger Nerva, avec un appareil respiratoire narguilé.

R.N. revient après 7 min en déclarant avoir débouché, après 10 mètres de galerie immergée, dans une salle de belle dimension.

•  la salle est inondée ;

•  de cette salle part sur la gauche une galerie.

•  Les canots pneumatiques lui semblent nécessaires.

Pour confirmation, Jean Peysson plonge à son tour. Il revient après 8 min. Sa description confirme celle de R .Nerva.

Il est 11 heures.

Il est décidé de tenter une exploration plus complète après le déjeuner.

A 15h45 , la deuxième exploration commence.

Il est établi, pour les spéléologues et le matériel, l'ordre de plongée suivant :

•  Roger Nerva doit plonger avec l'appareil respiratoire Cousteau. Il sera accompagné de Jean Peysson qui plongera avec un appareil Narguilé.

Ces deux spéléologues ont pour mission de tendre une corde qui formera rampe entre l'extérieur et la salle découverte ce matin. Cette corde a pour objet de servir de guide et de faciliter le passage du matériel. Cette rampe est fixée solidement à ses deux extrémités à des pitons mousquetons.

•  Ce premier travail effectué, Roger Nerva doit sortir en ramenant l'appareil de J.Peysson.

Les prévisions se sont déroulées sans trop d'incidents.

•  Guy Tissier et Edourad Piccinini plongent ensuite, chacun avec un appareil Narguilé. Le matériel est emmené dans un sac étanche, par R.Nerva ; son passage est très pénible, car, même lesté, le sac flotte.

Nous nous retrouvons alors, tous, non sans émotion.

•  L'aventure commence.

•  Nous gonflons les deux canots pneumatiques et faisons fonctionner les deux « éclairage-carbure », le tout ayant passé sans trop de mal le siphon dans le sac étanche.

Nous sommes actuellement post-S.1. Celui-ci se présente en une galerie complètement noyée, de section moyenne : largeur1 à 1m5 – hauteur 0m75 à 1m50.

•  Le passage est assez aisé.

•  La salle découverte ce matin, où nous sommes actuellement, est relativement grande. Elle est surtout impressionnante, par sa capacité énorme en eau.

•  - Nous sommes en station avec de l'eau jusqu'à la ceinture.

•  Nous décidons de suivre le courant et prenons la galerie inondée qui part de la salle. Les canots ne sont pas nécessaires, car la hauteur moyenne de l'eau est de 0m75 environ. La galerie est très belle. Après 10 mètres environ, l'eau prend un boyau de section approximative : largeur 0m60 ; hauteur 1m ; niveau d'eau : 0m50 à 0m75.

Le courant semble assez fort. Ce boyau est remonté sur 15 mètres environ. Il continue, mais nous le laisson pour une autre exploration.

•  La galerie principale de section moyenne : largeur : 2 mètres, hauteur : 3 mètres se continue jusqu'à un autre siphon (direction générale 40 degrès). Du S.1 au S.2, environ 75 mètres.

Les parois sont très polies, et les lames d'érosion nombreuses. En période de crue, le courant doit être violent. Au second siphon, nappe d'eau d'environ 20m², profondeur moyenne 2m.

Sur la droite, en direction de l'est, une galerie en siphon semble partir.

•  Nous revenons au point de départ (le lac post S.1). R .Nerva plonge alors avec le Cousteau, pour reconnaître le fond de la salle. Il revient après 6 minutes et annonce qu'il a parcouru environ 30 mètres, direction S.E., dans une galerie complètement immergée, et d'où semble venir le courant. Sa réserve d'air étant limitée, R.Nerva n'a pu aller plus loin.

•  - Nous décidons d'arrêter là l'exploration. Le retour s'effectue normalement. Toutefois au dernier passage le bibouteille Cousteau s'(est retrouvé complètement vidé de son air.

•  - La victoire est totale : le but principal de l'exploration est atteint.

•  Le sourire est sur tous les visages.

•  L'eau existe en très grande quantité.

7 – Conclusions

Il est à signaler que l'exploit réussi n'a été possible que par un travail parfait d'équipes : équipe de fond – équipe de surface.

Outre l'exploit « spéléo », cette première reconnaissance permet d'affirmer qu'il existe un courant d'eau important.

Cette reconnaissance apporte également 3 problèmes à résoudre :

•  1) déterminer l'origine exacte de l'eau (remonter le plus loin possible dans le S.2).

•  2) Déterminer la perte du courant (descendre le plus loin possible dans le boyau).

•  3) Reconnaître ce que peut cacher le siphon -3-. Certainement, ce siphon doit être de faible importance. Il doit, après son passage, donner accès à une galerie de section identique à celui qui mène au S.2.

 

Nous espérons que très prochainement nous aurons l'occasion de résoudre ces problèmes.