LA GOULE DE SAUVAS

1971 - 1974

par Denis Lorain

l'entrée, par JM Belin

 

 

J'ai connu la Goule en 1971. Je n'avais aucune idée de ce j'allais voir dans ce trou ! Et bien, j'ai vite compris !
la crue,
par Denis Lorain

Le premier jour, nous avons dû préparer l'approche du 1er siphon. Lorsque je suis entré ici, dans la Goule, je remarquais un véritable chaos. La goule n'étant pas une résurgence, les eaux s'y engouffrent, en période de crue, avec une rare violence.

Des décharges sauvages devaient se trouver sur les plateaux environnants. L'eau entraînait n'importe quoi sur son passage. En entrant dans cette grotte, je voyais des troncs d'arbres coincés dans les rochers. Des vieux pneus de voitures, ou de camions, non moins coincés dans des anfractuosités. Le plus spectaculaire était cette machine à laver (ou était-ce une cuisinière ?) que j'apercevais, encastrée dans la voûte rocheuse, 15 mètres au dessus de nous !!
Oui, il ne devait pas faire bon d'être ici en cas d'orage.

la crue , par Denis Lorain

C'est la raison pour laquelle nous laissions toujours une équipe de soutien à l'extérieur, équipe qui se renseignait sur les conditions climatiques, prête à envoyer des copains, en cas d'alerte météo, pour nous faire ressortir en 4 ème vitesse. Pourtant, nous étions parfois, à plusieurs kilomètres à l'intérieur et il n'aurait pas été facile de nous joindre dans une grotte aussi démentielle !

C'est aussi pour cette raison que l'on préparait, pendant un ou deux jours, notre expédition souterraine, alors que l'on serait engagé pour 24, 36 ou 48 heures d'affilée, avant de ressortir de là !

Ce premier jour, nous développons une ligne téléphone pour alimenter nos EE8. Mais il nous fallut des heures pour installer échelles et cordes pour franchir d'énormes crevasses remplies d'une eau noirâtre et franchir, aussi, des barres rocheuses de plusieurs mètres. Rien n'était simple dans ce trou !

Plusieurs aller-retour ont été nécessaires, dans la journée, pour équiper ce parcours de 600 mètres. Puis revenir avec nos sacs de matériel et déposer nos scaphandres près du 1 er siphon.

Nous avons trouvé une solution pour acheminer du matériel craignant l'eau. Une cocotte minute de bonne capacité, la soupape ayant été condamnée, pour que cet ustensile de cuisine soit parfaitement étanche !

C'est ainsi que le lendemain, je faisais le parcours, jusqu'au 1 er siphon, en passant par les mains courantes, échelles et cordes, avec une cocotte minute, que les copains m'avaient sangléé sur le dos. Elle ne pesait pas moins de 20kg !

Le 3ème jour, nous avons franchi le 1er siphon, topographié presque 800 mètres de galerie nouvelle, jusqu'au 2 ème siphon. En fait, le passage d'une rivière, probablement la Claysse. Deux départs siphonnant, un à droite et l'autre à gauche. Normal, la rivière souterraine passait par là !

Nous avons plongé le siphon de gauche, mais il s'est vite révélé impraticable, trop étroit, dangereux. Rien à espérer de ce coté ! Nouvelle tentative, dans le siphon droit cette fois. Echec, tout est obstrué par du sable et des galets, pierres et autres roches.

L'année suivante, nous revenons à nouveau dans la Goule. Inutile de vous dire que cela était la même préparation que l'année d'avant. Equipement de l'approche du 1 er siphon et parcourir, chargés de nos scaphandres, de nos sacs de matériel, de notre signalisation, les 600 mètres, pour arriver à ce siphon.

Une anecdote, finalement sans gravité. Des spéléologue Ardéchois sont venus nous aider pour le portage de notre matériel, jusqu'au 1 er siphon. L'un d'eux a fait une chute, dans l'une de ces crevasses, heureusement pleine d'eau. L'un de nos spits n'a pas tenu dans la roche et le pauvre a chuté de 2 mètres de haut, tombant dans une eau peu ragoûtante ! On l'a récupéré lui et le matériel qu'il transportait. Cette grotte ne faisait, décidément, pas de cadeau. Méfiance !

Nous avons plongé et passé le 1 er siphon. Marcel, Bob, Pépé, Serge, Daniel B., Henri B., Henri P. et moi, formions cette équipe de choc !

Après plusieurs heures d'effort nous étions près de ce 2 ème siphon, en espérant pouvoir le franchir cette fois ! Tout était installé et nous allions plonger, à nouveau, dans la partie droite de ce siphon, en espérant bien pouvoir en finir, cette fois :

«  On va essayer la signalisation, dit Bob

•  Vas-y Henri, envoie des signaux pour voir ! demandait Daniel

•  Ca va, ça marche ! répondait Pépé »

Nos voix résonnaient furtivement dans cette grotte. Tout notre matériel était disséminé autour de nous. Notre téléphone EE8, à manivelle, était en relation avec notre équipe de soutien, restée à l'entrée du 1er siphon. Eux-mêmes reliés avec l'équipe à l'extérieur de la Goule. Dehors, essentiellement les copines, chargées de la surveillance météo. Vous comprenez que nous avions tiré un câble, un bifilaire torsadé, section 0,6 m/m², entre le 1 er siphon et les 800 mètres qui nous séparaient de ce dernier. IL suffisait à n'importe quelle équipe, de tourner la manivelle d'un EE8 et toutes pouvaient se parler simultanément. Quel travail pour réaliser tout cela, dans ces conditions !

Henri P. et moi avons éteint et enlevé nos casques et l'on se préparait :

«  Vous ne partez pas avec la boite topofil, pour le moment, disait Bob.

•  Oui, voyez déjà si vous réussirez à passer ce siphon ! ajoutait Pépé

•  On va voir, répondait Henri

•  J'espère que ce n'est pas comme l'année dernière ! Je disais cela en l'espérant vraiment. »

Tant d'heures et d'efforts pour arriver jusqu'ici ! J'étais prêt et Henri aussi.

Nous étions le lundi 29 juillet 1974. Un grand jour, on espérait bien en finir avec la Goule de Sauvas. Ou on ne passe pas le 2 ème siphon et c'est terminé, on tire un trait sur ce site. Sinon, si on passe, on fait la topographie. Selon ce que l'on aura trouvé, on reviendra pour continuer l'exploration, ou alors on ne remet plus les pieds ici !

Comme disait je ne sais plus qui « il ne faut jamais vendre la peau de l'ours, avant de l'avoir bien tué » Et la Goule de Sauvas, c'est un sacré ours !

«  Vous êtes prêt les gars ?

•  Ok pour moi, disait Henri P.

•  je répondais : moi aussi, tout va bien !

•  Allez, partez et faites attention ! »

Daniel B. reste en assurance, tous les autres copains restent en liaison avec l'extérieur, d'autres vont surveiller nos signaux lumineux. De toute façon, tout le monde est prêt à nous rejoindre, si nous franchissons ce 2 ème siphon. Nous sommes partis Henri et moi. Le siphon n'est pas très long, une vingtaine de mètres. A ce moment, l'eau est relativement claire, pas encore poudrée par notre passage. Henri et moi nageons côte à côte, séparés seulement de quelques mètres. Je m'étais donné une mobilité de plus de 5 mètres entre lui et moi, sur notre fil d'Ariane. J'aperçois, vers ce qui semble bien être la sortie de ce siphon, un véritable mur de galets.

A ce moment là, Henri, se trouve à 2 mètres sur ma gauche, mais nous sommes séparés par des étroitures. Je le vois chercher un passage entre le « plafond » du siphon et les pierres qui tapissent le fond.

Une petite cavité me permet tout juste de sortir ma tête de l'eau, mais je dois me bagarrer avec une multitude de galets pour arriver à avancer un peu. C'est ainsi que j'ai pu observer, hors de l'eau, une forte pente de cailloux, semblant remonter très haut, dans une galerie assez vaste. Mais il m'était impossible de bouger, ma seule ressource étant de reculer. Je ne voyais plus Henri à ce moment là, car l'eau était poudrée, par le remue ménage de nos palmes, sur les sédiments de sable ici.
Cette tentative a été de courte durée et nous sommes revenus près des copains, au dérouleur.

Une courte concertation :

«  Bon on repart !

•  Ok Henri, ce n'est pas facile !

•  Faites gaffe les gars ! »

On est reparti Henri et moi, pour rien. Toute l'eau était poudrée. Nouveau retour et nouvelle concertation :

«  Y'a pas de raison, on doit pouvoir passer, disait Henri.

•  On y retourne Henri, comme tu dis, on doit y arriver.

•  Le câble ne vous bloque pas ? demandait Bob

•  Non, ce n'est pas cela, mais la sortie du siphon est encombrée d'un mur de pierres !

•  Oui, mais on doit pouvoir trouver un passage.

•  Allez, on y retourne !!

•  Partez, faites très attention !

•  Oui, si cela ne va pas, n'insistez pas et revenez, on réfléchira pour voir comment faire

•  Dehors, ils nous disent que tout va bien !

•  Ne prenez pas de risque !

•  On y retourne ! »

On était tout de même têtus. Et puis, tous ces jours et ces toutes heures pour préparer cette exploration, alors que l'on arrivait presque à solutionner cet inconnu, on ne voulait pas rater une occasion pareille !!

Nous sommes repartis, Henri et moi. 3 ème tentative ! Nouvelle retrouvaille avec ce siphon, cette fois, dans un brouillard complet, à force de passer en cet endroit difficile. Je ne voyais plus Henri, quelque part devant moi, ou à coté, je ne savais pas. J'étais perdu entre l'étroit espace de la voûte et les pierres recouvrant la roche, sous mon corps. Ce siphon est très large, une quinzaine de mètres, mais très juste en hauteur. Je me cognais de tous les cotés, des becquets rocheux empoisonnaient ma progression. Complètement désorienté, je n'y voyais plus rien. Le fil d'Ariane était tendu et, sans savoir pour quelle raison, je sentais que quelqu'un le tirait par secousses, depuis la signalisation, le dérouleur. De l'autre coté, je sentais qu'Henri le tirait également par saccades. Je ne savais plus que faire ; Henri avait t'il envoyé un signal retour ? Etait-il coincé quelque part ? Je ne savais même pas s'il avait pu déboucher du siphon. J'étais complètement bloqué par devant et sur les cotés.

Degré par degré, je parvenais à reculer et à progresser sur ma droite, mais le câble, toujours tendu et tiraillé de part et d'autre, me causait une gêne. De plus, mon ventral de secours, complètement en travers, raclait la roche sous moi, tandis que mon scaphandre butait contre la voûte au dessus. Je ne comprenais absolument rien aux tirades pratiquées sur mon fil d'Ariane et, dans l'instant, je cherchais surtout à me débloquer, pour retrouver Henri. Cet immense « merdier » n'a duré pas moins de 5 minutes, ce qui est très long dans ces conditions !

Je n'avais pas peur, mon seul stress, c'était de ne pas comprendre pourquoi ce fil d'Ariane était tiré de tous les cotés et, surtout, de ne pas savoir ce qu'était devenu Henri, dans toute cette problématique.

Merde ! Où était mon copain ! Je prenais appui sur mes mains et reculais pour me déplacer sur les cotés, avec toujours ce câble, plus ou moins tendu qui me gênait. A un certain moment, j'ai senti que mes mains sortaient de l'eau, au bout de mes bras tendus, pour reprendre appui et reculer. Quel bazar ! C'est ainsi que j'ai senti Henri me saisir les mains et m'arracher, littéralement, comme s'il voulait « m'accoucher » de ce siphon. J'ai réellement eu l'impression d'être un nouveau né, venant au monde, car, à un moment donné, avec un seul śil, j'ai pu regarder hors de l'eau. Puis avec les deux yeux, j'ai pu contempler Henri, faisant des efforts incroyables pour m'aider. Ma bouche toujours dans l'eau, je continuais à respirer sur mon détendeur. Par saccades, mon corps entier est sorti de l'eau, cognant sur la roche, de tous les cotés. Je suis sorti, enfin, et je me suis allongé à coté d'Henri, car nous nous retrouvions sur un toboggan de cailloux. Je n'avais évidemment pas débouché au bon endroit, alors que, pourtant, le meilleur passage ne se trouvait qu'à 50 centimètres de moi ! Une chose est certaine, j'avais été rassuré sur le compte d'Henri, lorsque je l'ai senti me saisir par mes mains. Ma sécurité à moi, n'était pas en jeu, du fait qu'il me suffisait de reculer pour me dégager. De plus, nous avions toujours, sur notre ceinture de plombs, une petite laisse, munie d'un mousqueton. Il m'aurait suffit de verrouiller ce mousqueton sur le fil d'Ariane, de me défaire de la ganse que j'avais au poignet et je pouvais revenir vers les copains, au dérouleur, pour comprendre à quoi était du tout ce « merdier ». Excusez mes vilains mots, mais c'est exactement ce que je pensais à ce moment là !!

Présentement, on était mal, Henri et moi :

«  Quel bordel !

•  Oui, me répondait Henri

•  Enfin on a pu passer ! Super !

•  Y'a un problème, t'as vu cette pente de cailloux ?

•  Je vois Henri et dès que l'on bouge, regarde, tout descend et a tendance à combler notre seule issue de retour !

•  Oui, déjà que le passage n'est pas grand… »

On réfléchissait. Pas marrant tout cela, le moindre mouvement faisait descendre, glisser toute cette pente de galets, vers la sortie du siphon. Vu par ce coté, le siphon présentait une forme vaguement ovale de 25, 30 centimètres de haut, pour 2 à 3 mètres de large. Cet amoncellement, de galets et de roches, remontait avec une pente de 25 à 30°, dont on voyait le sommet environ 20 mètres plus haut. Il nous semblait voir le départ d'une galerie. Il fallait que l'on fasse quelque chose, c'était trop beau, de se retrouver dans cet inconnu, après ces années d'efforts, ces préparations d'expéditions, sur plusieurs jours et toutes ces heures passées ici ! On était couché sur la pente de pierres, les palmes touchant encore l'eau du siphon :

« Bon, on essaye de monter un peu ?

•  Oui, on y va… »

Cela allait très mal, toutes les pierres descendaient, depuis 20 mètres de haut. Pas génial tout ça ! 4 mètres plus haut, on s'est arrêtés. Nous avons sortis les étuis étanches de notre sac de matériel, pour récupérer nos casques et allumer nos flammes acétylène. On regardait un peu plus bas et l'on voyait très bien qu'au moindre de nos mouvements, la pierraille descendait, semblant vouloir boucher le siphon. Gare ! Notre retour risquait d'être des plus problématique :

«  Ca va Denis ? me demandait Henri

•  Oui, on va décapeler, on verra bien.

•  Ok, on va grimper là-haut pour voir !

•  Ca marche Henri ! »

Ici encore, c'était tout fou ! Nous avons déposé nos scaphandres, ceintures de plombs, ventraux de secours, enfin tout notre équipement de plongée. On ne gardait que nos casques, rien d'autre, sauf nos phares de plongées ! Je me saisissais de notre émetteur et envoyais un signal « tout va bien » au dérouleur, puis « siphon franchi », les 5 points lumineux et enfin « demande de liaison téléphonique », nos 10 points lumineux, tout ces signaux répétés 2 fois. Tout en regardant vers le haut et surtout le siphon, je dévissais les couvercles étanches de notre boîtier :

«  Allo, c'est Denis…

•  Comment va ? C'est Marcel, vous avez pu déboucher ?

•  Oui Marcel, mais on est un peu embêté Henri et moi, on est sur une pente très forte de caillasse !

•  On peut vous rejoindre ? me demandait t'il

•  Marcel, il ne vaut mieux pas, toute cette coulée de pierres et de roches descend et semble vouloir obstruer le siphon…

•  Ok Denis, vous allez faire quoi ?

•  Il semble que nous ayons un départ de galerie, environ 20 mètres plus haut, on va aller voir…

•  Notre seul problème, c'est que nous ne savons pas comment nous pourrons revenir, avec toute cette pierraille qui s'accumule devant le siphon, dès que l'on bouge…

•  D'accord, faites bien attention…

•  Ok Marcel, laissez-nous du temps, 3 heures au moins, on ne sait jamais, on va aller voir !

•  Ca marche, faites attention !

•  Je coupe Marcel, à tout à l'heure ! »

J'étais assis sur les pierres, comme je le pouvais, alors qu'Henri se trouvait à plat ventre. Je me suis mis comme lui et nous avons observé vers le haut :

« On y va, je leur ai demandé 3 heures…

•  J'ai entendu, Denis, allez on grimpe, on verra bien ! »

Nous avons rampé pour atteindre le sommet de cette coulée de pierres. Forcément, la violence des eaux qui s'engouffrait ici devait être terrible. Je pensais à nos équipes de soutien restées à l'arrière, qui pourraient venir nous prévenir en cas d'orage quelque part. Même à 10 ou 50km, un orage pouvait être catastrophique pour nous, les gours ne demandant qu'a déborder, du fait de l'infiltration des eaux de pluies. De plus, ici, la ruée d'une crue nous aurait empêché tout retour, on était perdu pour toujours…

Péniblement, nous sommes arrivés à bout de cette pente très rude et, assis, sur les roches alentours, nous avons regardé autour de nous. En bas, ce n'était pas la joie, on ne distinguait pratiquement plus nos équipements de plongée, tellement l'avalanche de pierre recouvrait nos scaphandres et le reste de notre matériel. Puis nous avons regardé la galerie qui se présentait là, devant nous. Je pense pouvoir dire que personne n'était jamais venu ici avant nous. Nous étions les premiers hommes à pénétrer en ces lieux. J'en suis sûr :

«  Regarde ça Henri !

•  C'est grand, je n'aurais pas cru que c'était comme ça ici !

•  On y va ?

•  Oui, dommage pour la topo, on verra plus tard…

•  On verra aussi pour revenir, en bas ça ne va pas du tout, nos équipements ont presque disparu sous les pierres.

•  Allez on y va, me chuchotait Henri.

•  C'est parti mon vieux, lui ai-je répondu sur le même ton.

•  On va se dépêcher, si on met 3 heures, il nous en faudra autant pour revenir ! »

Nous sommes partis dans cette galerie, nos flammes nous donnant une très belle vision de notre environnement. On essayait de foncer, tout en regardant les départs possibles depuis cette galerie principale. Rien à faire, on ne pouvait pas passer ailleurs, tout ces départs ne menaient nulle part. On n'oubliait pas de faire de petits tas de roches, à chaque bifurcation, pour retrouver notre parcours, ne pas se perdre ! Parfois, la progression était très pénible, car il nous fallait marcher sur les genoux, voir même ramper, tellement cette galerie était étroite en hauteur. Tout juste 80 cm de hauteur, par endroits et plusieurs mètres de long. Mais on était fascinés et curieux de savoir ou tout cela nous mènerait ! Le temps passait, la distance parcourue aussi :

«  Comment on fait Henri, presque 3 heures qu'on est parti ?

•  On continue, Denis, regarde, ça ne va pas trop mal !

•  Ok, tout a fait d'accord ! Tu penses que l'on a parcouru qu'elle distance ?

•  On a du faire entre 500 et 600 mètres…

•  Ok, on continue !”

Comme toujours, vous pouvez vous poser la question : pourquoi autant de temps, pour faire si peu de distance ? Des passages très difficiles, des étroitures sévères nous empêchaient d'aller vite ! Nous saurons, plus tard, au vu des topographies, que nous avons parcouru une distance bien plus grande.

Pour le moment, tout allait bien, cette galerie ne présentait presque pas de grosses difficultés. Puis, comme souvent pour d'autres explorations, la Goule nous à donné une solution finale !!

«  Tu entends ce bruit, Henri ?

•  Oui, on dirait de l'eau…

•  On dirait qu'il y a une rivière qui passe plus loin !

•  Allons voir ! »

Nous avons foncé, autant que faire se peut, dans cette galerie. Puis, au sortir d'un détour, nous sommes arrivés dans une vaste salle. Il nous a fallu descendre, car la galerie avait un dénivelé d'environ 5 mètres, par rapport au sol de la salle. Nous nous sommes avancés, en se basant sur le bruit de l'eau passant par là. Et nous l'avons vu cette rivière. Elle sortait du sol, entre les cailloux et le sable. Nous avons continué, Henri et moi, les pieds dans 15 à 20cm d'eau. Plus loin, la rivière s'enfouissait à nouveau, pour ressurgir 10 mètres plus loin. On continuait dans le lit de cette rivière, sur 80 à 100 mètres, avant qu'elle ne se jette dans un magnifique lac. La seule continuation, ensuite, c'était un siphon. Parfait, notre exploration nous payait de tous nos efforts à tous.

•  Bien Henri, il faut que l'on se dépêche de revenir !

•  Allons-y, on va essayer de faire vite !

Retour dans la salle. On peut estimer ses dimensions à 15 ou 20 mètres de diamètre, pour une hauteur égale. Nous avons ré-escaladé, pour retrouver la galerie et on est partis aussi vite que possible. Seules les étroitures, où il fallait ramper, ont ralenti notre retour. Il nous a fallu moins de temps pour retrouver la pente de galets. Mais cela faisait, tout de même, plus de 5 heures que nous étions partis, Henri et moi.
C'est sur les fesses que nous avons rejoint notre matériel. Dingue, toute la pente descendait en même temps que nous, dans des bruits de pierres s'entrechoquant. Tout cela entrait dans le siphon, un peu plus bas. Je me saisissais de notre émetteur et demandait une liaison téléphonique :

« Salut les gars, on revient !

•  Pas trop tôt, Denis, on commençait à se faire du souci pour vous !

•  On se prépare et dès qu'on est prêts je t'envoie un signal retour !

•  Ok !

•  Vous faites pas trop de souci, je pense que l'on va « s'emmerder », le siphon s'est rempli de pierres !

•  On vous attend.

•  Je fais passer Henri devant moi, il est plus balèze, il va me faire le passage ! (rires)

•  T'as raison !!

•  Si ça ne va pas, je vous envoie le signal de détresse…

•  Ca marche, Denis, à ce moment là, on viendra pour désobstruer, par l'autre coté et vous aider à passer !

•  A tout de suite ! »

Nous nous sommes équipés, fouillant les pierres pour tout retrouver. On était prêt, Henri m'a fait le signe « tout va bien » et il s'est engagé dans le siphon. Petit à petit, je voyais son corps disparaître, jusqu'à ne plus voir que ses palmes qui dépassaient des rochers. Il avait des difficultés, il devait déblayer devant lui. Il a totalement disparu. A mon tour. J'envoyais un signal lumineux « tout va bien » au dérouleur et me glissais entre les pierres et la roche, suivant le passage d'Henri. J'étais surpris de passer « comme une lettre à la poste », selon l'expression usitée ! Evidemment, je devais dégager pas mal de galets, mais tout c'est bien passé. Retour vers les copains. On prenait quelques tubes et des biscuits énergétiques :

«  On vu plein de choses intéressantes !

•  Bien, on va en reparler, disait Marcel. »

Nous sommes tous repartis en enroulant notre câble téléphonique, retour vers le 1 er siphon. Passage de ce dernier, retrouver notre 1 ère équipe de soutien et direction la sortie de la Goule. Je ne sais même plus depuis combien d'heures nous étions entré dans la Goule de Sauvas. Lorsque l'on en est ressorti, il faisait nuit. Bien 24 heures avaient dû passer. On est partis dormir. Le lendemain, nous déséquipons la Goule, le temps était à l'orage et effectivement, le soir, il se mettait à tonner et à pleuvoir. Plus tard, à Lyon, nous ferons le point, pour prendre les décisions à donner pour la suite de nos travaux dans la Goule de Sauvas.

 

 


Pont de Sauvas, par Denis Lorain.

 

Pont de Sauvas, par Denis Lorain.


la crue , par Denis Lorain


La fameuse cocotte minute

un article de mon quotidien préféré, le PROGRES de Lyon.
Cet article date des années 1970 et résume bien nos difficultés, rencontrées dans ces deux cavités.

Le genre de crevasse où est tombé notre ami spéléologue. Heureusement, ce que l'on voir en noir, au fond, c'est l'eau.

 

 

 

Henri P. au centre, "pépé" Yves, par Denis Lorain

 


Portage GRPS, années 70

 

 

 

Portage GRPS, années 70