Nous sommes revenus pour explorer cette cheminée, derrière le 1 er siphon. Des heures de travail, pour tout équiper d'échelles et de cordes, le plus dur étant de planter les « spits » bien sûr ! Vers le sommet, c'était encore plus difficile. Très étroit et vertical. Nous étions 30 mètres plus haut, par rapport à la galerie de Peyrejal !
C'était vraiment délicat. On s'assurait sur nos cordes, pour ne pas risquer une chute qui aurait pu être mortelle dans ces conditions !
Au terme de cette remontée, la topographie de ces lieux étant faite, nous avons laissé notre équipement en place, cordes et échelles. De retour, nous avons mis nos notes à jour, sur papier.
« Ben voilà, les gars ! disait Henri B.
Pas mal, ajoutait Bob
Curieux hein ?
Oui, on est remonté vachement haut !
Quelle hauteur ?
On a fait une remontée de près de 40 mètres !
37 mètres pour être exact !
A quelle distance on se trouve par rapport au plateau en surface ?
A ce moment là, on est entre 7 et 10 mètres de la surface !
ok…
On va prévenir le SC des Vans, ça les intéresse, ils ont une idée !
D'accord, demain je leur passe un coup de téléphone, disait Marcel. »
Notre réunion se terminait sur ces bonnes paroles !
Nos collègues spéléologues Ardéchois avaient plein d'idées et étaient remplis d'initiatives, imprévues et imprévisibles. Ici encore, qu'ont-ils décidé d'entreprendre ?
L'idée était toute simple : percer, depuis la surface du plateau, une entrée artificielle, pour court-circuiter le 1 er siphon de Peyrejal ! Ainsi, eux qui ne plongeaient pas, pourraient entrer dans Peyrejal et explorer toute cette partie du réseau, qui présentait des possibilités énormes de connaissances ! Mais il fallait bien localiser, en surface, où percer ce puit, cette entrée artificielle. La topographie du réseau, reportée en surface, la situait dans un rayon approximatif de 50 mètres. Il nous fallait plus de précision. Nous avons employé de nombreuses méthodes, mais toutes se sont soldées par un échec. On a alors pris contact avec un électronicien spécialisé dans ce genre de problème, la détection. Il a conçu et mis aimablement à notre disposition un appareillage constitué de deux parties :
- un émetteur basse fréquence, que nous avons placé au sommet de la diaclase, derrière le 1 er siphon de Peyrejal.
- un récepteur de surface, réagissant à cette émission d'ondes BF.
La sensibilité est maximum lorsque la distance entre les deux appareils est minimale. Donc, pour nous, à la verticale, l'un de l'autre. Les essais se sont avérés concluants, dans un diamètre de 2 à 3 mètres. Cette zone d'incertitude a encore été réduite par l'emploi d'un talkie-walkie : la fréquence émise par l'appareil, placé au sommet de la diaclase, créait un parasitage important sur les talkie-walkie. Il nous a suffi de promener l'antenne d'un talkie sur la surface du plateau, pour avoir un brouillage maximum. Ainsi, on a pu déterminer un point très précis. C'était là qu'il fallait commencer le percement de cette entrée artificielle, très précisément !!
Le percement a été l'œuvre du SC des vans. Les spéléologues ont mis de gros moyens en service pour réaliser le forage dans les karsts de la garigue ! Un compresseur de chantier, avec un imposant marteau-piqueur et 35kg de dynamite. Pas moins ! Plus, bien sûr, plein d'accessoires pour déblayer la roche éclatée par les explosions. L'opération s'est déroulée sur plusieurs jours. Nous étions, Pépé, Bob Serge, Marcel et moi, dans la galerie, pas très loin de la diaclase, après le 1 er siphon de Peyrejal. Nous entendions très bien le bruit des explosions, qui résonnaient ici. C'était impressionnant. Nous avions notre casque, allumé évidemment, et à chaque explosion, on se planquait, une pluie de rochers s'abattait autour de nous. Ça rebondissait dans tous les sens. On communiquait avec notre talkie-walkie :
« Attention les gars, on va faire un nouveau tir, planquer vous !!
Ok, allez y ! »
On s'éloignait un peu et badaboum !! Une pluie de roches rebondissait de tous les cotés. Les explosions se faisaient de plus en plus proches, au fil des jours de ce travail acharné !
De temps en temps, nous étions en surface avec eux, pour voir l'avancée de ces travaux herculéens. La profondeur du boyau creusé atteignait 6 mètres de profondeur. Le plus pénible pour eux était d'évacuer les débris de roches brisés par la dynamite. Le marteau-piqueur servait à peaufiner le travail.
Deux anecdotes sont à préciser ici. Assez drôle !
Un copain, épuisé parvenait à dormir sous le compresseur, allongé entre les roues de cet imposant matériel. Quand on pense au « raffut » d'un compresseur, surtout lorsque l'on se sert du marteau piqueur, on était étonné de voir ce mec en écraser et ronfler sous cette machine !
Le deuxième truc marrant ! Les gendarmes des environs, entendants des explosions répétées dans la garigue, sont venus nous voir. Ils étaient inquiets et se demandaient de quoi il en retournait. Nous étions tous en surface, à regarder l'évolution du forage de cette galerie. Un fourgon de gendarmerie arrivait près de nous. Une patrouille de 5 où 6 gendarmes.
Ils sont tous sortis de leur véhicules, un salut militaire réglementaire et, méfiants, ils se sont approchés de nous :
« Bonjour messieurs…
Bonjour…
Personne n'avait envie de rire !
Que se passe-t-il ici, cela fait plusieurs jours que l'on entend des explosions à répétition ??
Nous forons un passage, pour pénétrer dans Peyrejal !
Ah bon …
Oui, l'entrée naturelle n'est pas loin d'ici !
Nos copains Lyonnais passent le 1er siphon, mais nous, on voudrait pouvoir explorer le réseau de Peyrejal !!
On ne plonge pas nous ! rajoutait un spéléologue Ardéchois. »
Les gendarmes nous faisaient un peu la gueule. Ils ont fait le tour du compresseur, toujours en fonctionnement à ce moment là. Ils regardaient tout et ont observés le forage que nous avions pratiqué. Le plus fort, est qu'une charge de dynamite était toute prête au fond et la longueur de mèche lente était là, n'attendant que la flamme d'un briquet ! Nous, il fallait que l'on reparte plonger, pour passer le 1 er siphon de Peyrejal.
Leur inspection terminée, les gendarmes se sont montré plus cools, vis à vis de nous. Leur regard les avait rassurés sur notre compte, la conversation devenait plus facile et décontractée!
« Vous n'avez pas demandé une autorisation, pour utiliser des explosifs ?
Non…
Bon, ça va, continuez bien vos travaux !
Ok, merci !
Et vous les plongeurs, faites attention, on n'aurait pas envie de venir vous chercher, nous et les pompiers !!
Merci messieurs !
Au revoir ! »
Bon, ben voilà. Ils sont partis et nous on allait continuer. La fin du forage serait probablement pour aujourd'hui !
Retour derrière le siphon de Peyrejal, dans cette immense galerie. C'était en plein après-midi. Dans l'obscurité de la grotte, nous avons franchi, une nouvelle fois le 1 er siphon. On était cinq, Marcel, Bob, Pépé, Daniel B. et moi. Avec le talkie qui fonctionnait si bien sous terre, nous avons communiqué avec la surface :
C'est bon les gars, on y est !
Ok, faites gaffe, on tire dans un instant !
Ca marche, allez-y !!
Nous nous sommes « planqués » à proximité. On regardait la diaclase, toute proche. L'émetteur BF était toujours là-haut. Trop tard pour lui, c'est comme ça qu'il a fini. On n'avait pas pensé à l'enlever et l'explosion allait avoir lieu d'un instant à l'autre. Oui, vraiment trop tard. Je tiens, ici, et même mes copains, à remercier l'inventeur de cet appareillage électronique. Que son inventeur trouve l'expression de toute notre gratitude, pour cette aide totalement désintéressée !
On était pas inquiets, juste curieux de savoir ce qui allait ce passer. Ce serait peut être le dernier tir, ensuite, il faudrait que l'on escalade pour aller voir. Si l'on parvenait à voir l'extérieur depuis le haut de la diaclase, c'était gagné ! Pour l'instant on attendait. Un signal sur le talkie, quelqu'un voulait nous joindre :
« Attention les gars, la mèche est allumée, explosion dans 3 minutes !
Ok, on reste à l'écart !
A ++++ les gars, faite bien attention, ça va « péter » très fort, on à mis le paquet !
Ok …. »
On était prévenus et prêts à affronter cette explosion. Planqués dans des anfractuosités, on regardait, la diaclase n'était pas loin de nous, tout juste un quinzaine de mètres. Les yeux braqués sur le haut de la diaclase, avec l'éclairage de nos casques, on attendait. Encore une minute :
« Ca va ?
Oui, bien !
C'est long, cette attente !!
Ok, on fait gaffe, ça va péter dans dix secondes ! »
Pour « péter », ça a bien explosé. Incroyable ! Des roches tombaient de tous les cotés, près de nous. Ces morceaux de rochers s'explosaient eux-mêmes, sur les parois avoisinantes. Tout volait en éclat de partout et le bruit de l'explosion résonnait sans arrêt dans la galerie ! Il a bien fallut 2 à 3 minutes pour que tout cela se calme ! Les derniers morceaux de roche finissaient de s'éclater et les échos de l'explosion s'estompaient. On a repris le talkie, bien pratique pour communiquer ! Tout s'était calmé :
« Allo ? demandait Marcel
Comment va là dessous ? répondait quelqu'un,
Un peu bruyant ! disait Marcel,
Excusez-nous, on a mis le paquet !!
Pas grave, on va escalader pour voir…
Nous, d'ici, on a bien l'impression que le forage est terminé, montez pour voir !
Ok !
Si on peut se parler, c'est gagné !!
On y va !
Eh !!
Oui ??
Vous ne faite plus rien exploser, on s'engage dans la diaclase !
Pas de problème, on vous attend pour un contact vocal ! (rires)
A tout à l'heure ! »
Nos équipements de plongée étaient déposés. Nous avons entrepris l'escalade de la diaclase. Nos échelles et cordes étaient en place. Cela sentait la poudre. Il fallait que l'on grimpe presque 40 mètres plus haut. La dernière vire atteinte, on s'engageait, deux, pas plus. J'étais derrière Henri P. On a grimpé les derniers mètres de cette cheminée, dégageant des restants de roches. Les copains, plus bas, faisaient attention de ne pas s'en prendre plein la tête !
A chaque tir, nous avions orienté les derniers d'entre eux. On avait pu corriger une erreur latérale d'un mètre, en les renseignant sur les effets des différents tirs. Cette fois, j'étais au sommet, juste derrière Henri. On apercevait le jour, 7 mètres plus haut. Pas mal !
« Coucou là haut ? Lançait Henri.
Comment vous allez là-dessous ?
Tout bien, on va ressortir, on a plein de bruit dans la tête !!
Un visage nous était apparu tout en haut.
Ok, on équipe ce passage et on termine au marteau-piqueur !
Ca marche, on redescend et on va tout sortir d'ici !
On vous donne 3 minutes pour vous barrer de là, après, il va pleuvoir de la roche ! (nouveaux rires)
On se taille, salut ! »
Le principal était fait, nous avons repris nos équipements et passé le siphon. Sur le plateau, nous avons rejoint les copains et les spéléologues du SC des Vans. Les deux équipes, avec des vocations fondamentales différentes, ont très bien fonctionné ! Il ne nous restait plus qu'à continuer l'exploration, le 2 ème siphon pour voir la suite.
Pour nous faire plaisir, nous sommes passés par l'entrée artificielle ainsi créée, à coups de dynamite ! Drôle tout cela. Je descendais dans ce boyau étrange, étroit tout de même. On se retrouvait sur une vire, sachant que la galerie se trouvait quelques 40 mètres plus bas. Nous avons utilisé nos équipements en place, pour descendre, se retrouver dans la galerie principale de Peyrejal. Bizarre pour nous, on se retrouvait après le siphon, celui que nous avions l'habitude de passer pour arriver ici.
« Bien les gars, on ira plus loin !
Oui, on va remonter pour ressortir !
On reviendra, mais par le siphon, plus facile pour nous !!
Exact, de toute façon, on a beaucoup de choses à découvrir
Prochaine étape, le 2 ème siphon, il est à 800 mètres d'ici !
Ok, on remonte !”
Les spéléologues ardéchois envahirent Peyrejal dans les jours qui ont suivi. Je peux vous garantir que l'ensemble de cette partie du réseau de Peyrejal a été passé au crible !
Nous n'aurions pas pu tout faire et leur présence était la bienvenue, pour l'étude de cette grotte ! Ils passaient par l'entrée artificielle qu'ils avaient nouvellement crée, nous ont passait par le siphon, plus facile pour nous !