Grotte de la Madeleine
Jusqu'au bout de la Touille... Par Pascal Bernabé |
Je progresse lentement, peniblement, dans l'obscurite de la caverne noyée. Une heure à palmer avec trop de bouteilles, contre un courant trop fort, dans un siphon en crue. Au moins cette crue a l'avantage de reléguer le seuil rocheux a escalader entre le siphon 1 et le siphon 2 au rang des mauvais souvenirs. L'eau passe a présent au dessus... Alors que la semaine derniere, lors des plongées de portage, it fallait encore patauger dans la boue apres les 110 mètres du siphon 1, puis se hisser laborieusement au-dessus de ce maudit seuil, avec les lourdes bouteilles de decompression, ou encore, les 60 kilos du scaphandre dorsal, en nage dans les combinaisons étanches, le souffle coupé par l'effort et l'excès de C02! Mais la belle vasque du siphon 2 en vaut bien la peine. C'est la clé de ]a poursuite de l'exploration de cette magnifique rivière souterraine. Une invitation bleu vert a la première. -68 mètres, la fin du fil d'Ariane, mon terminus de 1996 est là. Devant l'inconnu.
L'exploration peut enfin commencer. J'attache soigneusement
mon nouveau fil a l'ancien et commence a le dérouler. La galerie toujours
très argileuse descend lentement, avec toujours ces parois rocheuses
lisses qui défilent. Les points d'amarrages pour mon fil sont rares.
-73 mètres, un relais abandonné prématurement et une
consommation augmentée par le courant et la charge excessive m'obligent
a stopper là ma progression vers l'inconnu. Je tiens de plus à
garder une réserve de sécurite en Trimix suffisante pour rentrer.
Le temps de planter mon devidoir a 660 mètres de l'entrée du
siphon 2 et de jeter un dernier coup de phare sur la suite qui semble remonter
doucement et j'entame le retour. Le reste de la caverne restera vierge jusqu'a
la prochaine fois.
Sans grande surprise, apres mon demi-tour, je me heurte a une visibilite quasi
nulle, provoquée tant par l'argile tombée du plafond que par
celle soulevée par mes palmes. La progression est donc encore plus
lente, à tatons, malgré le courant dans le dos. Néanmoins
l'hélium de mon Trimix me procure toute la lucidité nécessaire
a cette profondeur et dans ces conditions. Lentement mais surement, je rejoins
ma zone de décompression sans oublier au passage de récupérer
mes relais déposés a l'aller. C'est donc à nouveau chargé
de six blocs que j'arrive a ma première bouteille de decompression
a -36 mètres, a 900 mètres de l'entrée de la grotte,
à l'issue de 1200 mètres de palmage harassant.
Quelques minutes plus tard, chargé à présent d'une dizaine
de bouteilles de mélange fond (Trimix) et de décompression (Nitrox),
je rejoins mon palier de -24 mètres où je retrouve Arnaud, mon
unique plongeur d'assistance pour cette pointe. Une semaine plus tôt
il m'avait déjà aidé, accompagné par Cedric, Philippe
et Michel pour porter et déposer la douzaine de bouteilles nécessaire
à cette plongée. Les paliers s'allongent. Arnaud, dans le brouillard
total et devant l'impossibilite de communiquer, est parti en emportant les
relais de fond. Je dois me déplacer frequemment pour "apercevoir"
ma montre et mes profondimètres quelques secondes et gérer mes
paliers.
Je songe a la prochaine pointe a la Madeleine. Son exploration néessitera
des moyens nouveaux, à la mesure de l'ampleur que prend le réseau.
Des préportages de relais déposés loin dans le siphon,
peut-etre un recycleur et surtout un propulseur pour éviter les très
longues séances de palmages avec les efforts et la surconsommation
en gaz qui en découle. En attendant cette prochaine plongée,
un peu plus loin, un peu plus complexe, je termine celle ci par une sortie
rapide, mais un peu chargé du siphon 1. Je retrouve Arnaud, qui commence
a s'assoupir, apres 6 heures 30 d'exploration.
Fiche technique Historique Remerciements |