Event de la Liquisse: retour au laminoir terminal.
Extrait d’un article paru dans la revue " Spéléo " n°25, p.26-27, 1997.
Il est des cavités où l'on passe, d'autres auxquelles on s'attache. En 1991, dans l’évent de la Liquisse N°1, au terme d’une succession de cinq siphons, un pincement argileux dans le laminoir final s'était imposé rédhibitoirement.
En aval, dans le N°2, l'aventure avait continué, le temps d'un S.1 (30m;-2) à franchir en décapelé. Le S.2 (185m;-58) s'était livré au prix d'un décapelage, mais la profondeur atteinte impliquait la mise en oeuvre de gros moyens, difficilement compatibles avec l'étroitesse des conduits.
Puis les étroitures, la profondeur, des cavités plus accessibles reléguaient "les liquisses" au rang de souvenir.
Et pourtant, fin août 1996, j'effectuais un pèlerinage dans l'évent N°1 jusque dans le S.5 afin de revoir le laminoir terminal. Deux mètres avant le resserrement fatidique, un étroit passage semblait envisageable...
Après un rapide portage dans le laminoir d'entrée, tout le matériel est descendu au bas du P.14.
Nous nous engageons ensuite dans l'étroite vasque du S.1 (160m;-11). Après la zone étroite du début, nous apprécions la conduite forcée (3x4m). Elle se réduit brutalement en une jolie fracture ascendante où un passage latéral rejoint le S.2 (35m;-6), qui émerge dans un lac de 40m ponctué d'un seuil. Le redan suivant (2m) enchaîne 35m de conduits exondés menant au S.3 (80m;-3). Le franchissement de l'étroiture d'entrée est facilité par la technique de port des bouteilles, qui permet une progression aisée entre les dunes de blocs roulés. Quarante mètres de fractures aquatiques rejoignent le S.4 (65m;-11) qui débouche dans 40m de rivière calme.
Me voici enfin à pied d'oeuvre, devant le S.5. De l'autre côté de la vasque, je sais que la plongée changera de style. Finis les jolis siphons tubulaires, ici les fractures s'enchevêtrent et il faut se livrer à un véritable gymkhana aquatique. Vient ensuite, à la base d'un puits étroit descendant à -8, le laminoir sinueux connu sur 60m.
Après quelques réjouissances vient le terminus à la droite d'un remplissage argileux : un laminoir au plafond lisse, qui semble se relever sensiblement peu après. Un premier plomb largable assurera le positionnement du fil à l'endroit le plus propice au passage de mon modeste quintal. Mais dés les premiers mètres, ça racle dur, je coince et les bulles expirées ramonent le conduit. Dans la touille, je bataille un moment sans trouver d'issue vers l'avant. Pour agrémenter le tout, alors que je rembobine en marche arrière, une boucle se glisse sournoisement sous la flasque et bloque le dévidoir.
Revenu au précédent terminus, j'enrage ! J'ai assez d'air pour rajouter 300m de siphon, et me voilà stoppé ! Pendant que je refais une fonctionnalité au dévidoir, le courant emporte l'eau trouble. Un nouvel essai et les cinq mètres décisifs sont franchis. Au-delà, le laminoir s'humanise et après 25m à ce régime, une vaste conduite forcée conduit à la fracture qui émerge, après 153m de siphon, dont 85m de laminoir.
Je découvre alors, après une passage en opposition, une désescalade et un laminoir aquatique, une magnifique petite rivière.
Puis la galerie s'abaisse légèrement pour, 95 mètres après le S.5, dominer de 1,5m une vasque. La désescalade avec les bouteilles de 10l est prohibée, car problématique à remonter. Après être descendu "à vide" et avoir constaté l'amorce étroite d'un conduit noyé, je rebrousse chemin en organisant déjà mentalement la prochaine exploration.
Deux mois plus tard, nous revoilà avec un équipement plus léger. Pour cela, j'ai du recomposer mon matériel en augmentant le nombre de bouteilles-relais (4 au total) déposées dans les cinq premiers siphons.
La descente du ressaut dominant le S.6 se fait sans finesse, pour atterrir dans la vasque encombrée d'une large dalle. En glissant sur le côté, deux amorces de conduit: en face, à -2, un laminoir étroit semble se prolonger, alors qu'au sol, une fracture étriquée se développe en profondeur.
Penchant vers le plus accessible, je m'engage dans ce laminoir suivi d'une baïonnette et d'un seuil étroit (diaclase) qui émerge (35m;-2) dans un laminoir aquatique
Sur la droite, une petite vasque incite à l'investigation. Palmes en avant, je glisse en ondulant jusqu'à une étroiture sous un bloc. Derrière le méat, le conduit remonte brusquement tant et si bien que me voilà palmes par-dessus tête, sans possibilité de rétablissement.
Stop ! J'ai perdu l'actif et une autre galerie est à voir au fond de la vasque d'entrée.
Revenu sous le miroir, je m'enfile verticalement dans le méandre étroit et sinueux plongeant à -9. Ici, la progression s'apparente à un cheminement exondé. Fini la délicieuse sensation d'apesanteur, le corps racle et la moindre avancée se négocie. Le fil est régulièrement amarré afin de prévenir les difficultés du retour, une fois l'argile mise en suspension. Car il y en a. A reculons, je me faufile jusqu'à bloquer de toutes parts, évoluant dans un nuage opaque. Plus d'espoir non plus de ce côté là.
Ce sixième siphon n'aura pas été à la hauteur de nos espérances, l'actif semble provenir d'un interstrate impénétrable dans la vasque.
Toutefois, l'aventure fut belle, même si le réseau ne mesure que 1480m (-86m), même s'il ne reste rien de prometteur pour d'éventuelles explorations ultérieures.
Ceci dit, je persiste à croire qu'une cavité n'est jamais terminée, et qui sait, peut-être retournerons-nous, d'ici quelques années, effectuer un pèlerinage dans l'amont de l'évent N°1 ?
Frank Vasseur