Goul du Pont - 2003 Par Xavier Méniscus |
Nous nous retrouvons ce vendredi 3 janvier 2003 avec toute l'équipe au bord de la vasque du " Goul du Pont " à Bourg St Andéol en Ardèche, pour préparer la plongée du lendemain, en allant installer les gaz pour la décompression. C'est un projet national de la CNPS (commission nationale de plongée souterraine) de la FFESSM, organisé par notre association de plongée souterraine " Les fils d'Ariane ". |
Depuis l'année dernière, nous avons désobstrué
l'entrée de la source, et nous avons réalisé de nombreuses
plongées pour explorer cette cavité, dont les dimensions ne dépassent
pas 2,50m à 3m de diamètre, au plus large. Elle se caractérise
par une descente très rapide jusqu'à -120m avec de petites galeries
d'une trentaine de mètres à -18m, -80m et -110m. Puis une galerie
profonde d'une longueur de 140m qui descend en pente douce à une profondeur
de -140,10m, se situant à une distance de 380m de l'entrée, notre
terminus actuel. Plongée réalisée au mois de juin 2002.
Nous sommes ici, aujourd'hui, pour continuer l'exploration dans la zone des
-150m. Pour cela, nous allons installer une douzaine de bouteilles de gros volume
composé de trimix, trimix hyperoxique, nitrox, et oxygène que
je vais utiliser pour ma décompression, ainsi qu'une petite cloche à
-6m (le volume de la cavité ne permet pas d'installer une véritable
cloche de décompression pour finir les paliers au sec). C'est tout d'abord
notre président (commission souterraine FFESSM de la région RABA)
David BIANZANI, qui ouvrira les hostilités par une plongée au
trimix de dépose de relais à -80m. Il sera assisté sur
cette plongée par Gilles FROMENT et Stéphane SIMONET, en même
temps que la dépose de ma déco, puis Laurent YLLA et Christian
ANDRE, qui installeront ensuite la cloche. Le soir nous nous retrouverons chez
moi, pour mettre au point les derniers détails, après un passage
au magasin de plongée O BLEU de Christian, sur Bourg les Valence, pour
gonfler les bouteilles utilisées aujourd'hui.
Nous arrivons le samedi 4 janvier 2003, à l'aube devant la résurgence
du " Grand Goul " pour finir les derniers préparatifs.
Laurent et David installent les dernières bouteilles et le narguilé
O2, puis descendent au fond pour vérifier une dernière fois
ma ligne de déco. Une fois remontés, tout étant parfaitement
près, je m'habille de mon étanche et j'endosse mon tri 20
l dorsal, qui me servira à progresser dans la galerie profonde. Une
fois dans l'eau pour soulager le poids des bouteilles, consciencieusement,
je continue à m'équiper : palmes, instruments, masque et casque
avec ses puissants phares . Puis, je positionne sur le coté les relais
pour la descente jusqu'à -120m. Au total, j'ai sur moi, 8 bouteilles
de gros volume qu'il va falloir traîner à la palme, plus les
bouteilles déjà déposées, soit un total d'une
dizaine de mélanges différents répartis dans une vingtaine
de bouteilles. Nous voici au moment tant attendu du départ. Cela fait 2 mois que je prépare cette plongée, dont les quinze derniers jours, à fabriquer les mélanges dans mon garage. Un petit signe de la main à toute mon équipe et à ma femme, et à 9h47, c'est parti ! |
Pour ma progression dans la trémie de départ, je suis assisté par David, qui m'aidera à passer l'étroiture à -12m, puis je continue dans la galerie à -18m. Je ne suis pas très hydrodynamique avec toutes ses bouteilles autour de moi, et j'avance péniblement jusqu'au premier puits , un peu comme un 38 tonnes sur une route de montagne. Je suis néanmoins en avance sur mon " run-time ", et je reste quelques minutes à -18m pour vérifier mon équilibrage. David m'écrit un petit message d'encouragement sur sa plaquette, et je commence seul ma descente. Arrivé à -52m, je dépose un premier relais, et je reprends doucement ma descente. A -63m, je retrouve une zone étroite qui a été agrandie la veille, en prévision de mon passage. Je continue par une succession de petits puits en chicanes jusqu'à -78m, et je palme maintenant lourdement dans la galerie. Arrivé au bout, je dépose un autre relais, et me voyant toujours en avance sur mes tables, je m'arrête quelques instant pour reprendre mon souffle, avant de descendre dans le puits qui me conduira dans la galerie à -110m. Je longe une longue fracture verticale pour arriver finalement à -120m, ou je dépose mes deux derniers relais. Je prends le temps de les poser verticalement, contre la paroi, pour éviter qu'ils se prennent dans le fil . Puis je me retourne, je note sur ma plaquette mon top départ, et je commence ma progression, plein sud, dans la galerie profonde. Malgré les crues de septembre, le fil est toujours en place. Je palme en le suivant des yeux. Ici commence une morphologie totalement différente. La roche est plus claire et la section en forme de lentille. Dans le sol on aperçoit des restes de coquillages fossiles. Je suis étonnamment lucide, et à chaque coup de palme, je retrouve de petites marches, qui, avec mes 2 puissants phares et leur éclairage rasant, présageraient que la pente va s'accentuer, mais ce n'est qu'un effet d'optique. Les changements de direction sont fréquents, mais jamais très importants.
A mi chemin, je retrouve, sur le coté, mon ancien dévidoir, que j'avais déposé lors de ma dernière plongée à -140m ; je le place au milieu, sur le fil, pour le récupérer au retour. Arrivé à mon ancien terminus, je prends un nouveau dévidoir, pour attacher un fil neuf et je commence enfin une véritable exploration. Toujours ce mélange de tension et d'excitation, tout en gardant ma concentration, pour engranger le maximum d'informations et gérer de nombreux paramètres de plongée. A cette profondeur, sous plafond, la moindre erreur prendrait vite une tournure dramatique. En examinant les manomètres de pression et les aiguilles qui descendent à vu d'oeil, on prend conscience très vite que l'on est ici en sursis. Maintenant la pente de la galerie s'accentue, elle prend des dimensions un peu plus grandes, et les changements de direction sont beaucoup plus marqués. Arrivé dans une belle salle, en haut d'un ressaut, à la profondeur de -149m, je trouve un virage de 90° sur la gauche avec une petite marche en bas. J'examine mes instruments et mes manos, et je décide de descendre pour m'y arrêter. Je trouve un becquet rocheux, je suis étonné de prendre encore du temps pour y attacher mon fil d'Ariane, de regarder la galerie qui continue à l'horizontale, sur une vingtaine de mètres, la portée de mes deux phare HID et allogène. Je suis très concentré et très lucide à la fois. Je respire sans difficulté dans mes bons vieux Tekstar, et je ne ressent absolument pas la profondeur. Je viens de dérouler 70m de fil, pour arriver à la profondeur de -153m, dans une galerie profonde de 200m, à 450m de l'entrée, qu'il va falloir refaire en sens inverse pour ressortir. |
Mais le plus dur reste à faire. La remontée et la longue décompression.
Après avoir validé mes paramètres, j'entame mon retour.
Le temps compte à cette profondeur, et je palme rapidement pour retrouver
mes bouteilles relais à -120m, après avoir parcouru au total 400m
sur mon tri dorsal. J'ai vraiment pris conscience de la distance lors du retour
que j'ai trouvé très long !
J'entame maintenant ma remontée, avec un mélange plus riche en
O2 sur une 20 l relais et je m'arrête à -90m, une profondeur inhabituelle,
pour commencer mes premiers paliers. Tout au long de ma lente remontée
dans le puits jusqu'à -78m, j'examine ces parois, pour trouver de nouvelles
galeries, mais beaucoup trop petites pour qu'un plongeur puisse y passer. Arrivé
en haut du puits, de nouveau, je reprends un mélange plus riche en O2,
et je continue ma progression dans la galerie, avec 4 bouteilles relais de 18
et 20 l, sur moi. Arrivée à -70m, j'aperçois mon premier
plongeur de soutien, Frédéric BADIER, venu passer du temps près
de moi, avec son recycleur. Rendez vous initialement prévu vers -80m,
mais je suis en avance sur mes tables. Je lui fais signe que tous va très
bien, et je lui montre mes instruments. Il me félicite par une franche
poignée de mains, et il me tend une planchette pour que j'y écrive
mes paramètres de plongée pour la gestion de mon équipe
d'assistance. Puis je lui donnerai 2 relais qui ne me servent plus pour qu'il
les remonte. Nouvelle poignée de mains, et Fréd commence sa remontée.
C'est Jean Pierre BAUDU qui fera son assistance et remontera mes relais, avec
les infos. En surface, un grand cri de joie et de soulagement retentira devant
la lecture de la planchette. David, qui avait pris le poste de directeur de
plongée avec Gaby HUDE, me dira plus tard qu'il avait été
encore plus stressé que moi, de me voir partir seul pour une plongée
aussi profonde. Mais très vite, l'équipe s'organise, et c'est
au tour de Jean Claude PINNA de venir me voir vers -53m, avec un trimix léger,
pour récupérer 3 nouvelles bouteilles relais. Un peu plus haut,
je branche mon chauffage, a l'aide d'une batterie que l'on vient de m'apporter
avec de l'eau et de la nourriture. Cela fait du bien, car j'ai encore beaucoup
d'hélium dans mes mélanges. Puis c'est au tour de Frank VASSEUR
de venir me voir. Il restera un bon moment avec moi vers -30m. Nous discuterons
par planchettes interposées, et lui aussi repartira avec des bouteilles
vides.
Puis les plongeurs d'assistance s'enchaînent, Gaby avec Philippe NIEL, Régis BRAHIC. Puis arrivé à mon palier de -15m, avec l'aide de Yves BILLAUD, je décapellerais sous l'eau mon tri 20 afin d' être plus à l'aise pour terminer ma décompression et j'enfilerais un baudrier de plombs à la place. C'est David, après de longues congratulations, qui remontera en surface mon dorsal. Puis suivront Laurent, Jean Claude ANCELIN, m'apportant nourritures, boissons et batteries. Arrivé à - 6m, je passe sous O2 et avec l'aide de Frank, nous descendons la cloche, qui avait été placée un peu plus haut pour me permettre de passer dessous, lors de la descente. Une fois en place, je mets la tête à l'intérieur pour enfiler un facial, et je commence à communiquer avec la surface. |
Tous, viennent parler avec moi, même ma femme Hélène,
pour me faire passer le temps. J'ai 200mn sous O2 avant de pouvoir sortir. Laurent
restera avec moi presque 2 heures, faisant les aller retour pour m'apporter
quelques petites collations, dont bien sûr, une part de galette des rois,
en ce week-end d'épiphanie. C'est pas moi qui ai eu la fève !
Arrivé à la fin de ma longue décompression, m'ennuyant
un peu, je rangerai les dernières bouteilles, et je démonterai
avec l'aide de Laurent, la cloche. Puis tout doucement, je refais surface, après
presque 8 heures de décompression et 500mn de plongée, dans une
forme physique vraiment bonne, après un tel profil de plongée.
Dans les heures et les jours qui suivront, aucun signes d'accidents de décompression,
n'apparaîtront.
Avec toute l'équipe, qui a réalisé un énorme travail,
fait à la perfection, car aucun incident n'est venu perturbé cette
plongée, nous fêterons, au bord de la vasque et au champagne, cette
belle exploration.
Remerciements : - O BLEU, magasin de plongée à Bourg
les Valence, pour le prêt de matériel de plongée Tek,
et le gonflage - BIANZANI David Sans oublier ma femme, Hélène, pour son soutien logistique et moral, et le conseil municipal de la ville de Bourg St Andéol, pour son autorisation, qui possède un site magnifique, avec " le Petit Goul ", et " le Grand Goul ", respectivement 2ème et maintenant 5ème résurgences les plus profondes de France. |
Tables de décompressions, calculées sur Décoplanner, GF Lo. : 20 / GF Hi. : 50 Gaz utilisés : soit un total de 32m3 respirés - Oxygène ( décompression : -6m ) |
Un grand MERCI à tous les plongeurs qui ont participé depuis l'année dernière à ce projet, dont les comptes rendus et les topographies sont disponibles sur le très beau site web de plongée souterraine de Frank Vasseur et Jean Marc Belin : http://plongeesout.free.fr/, rubrique site de plongée, Ardèche, Goul du Pont.
Conclusion :
Le Goul du Pont n'a pas encore livré tous ses secrets, mais nous continuerons à travailler dessus pour finir la topographie que nous avons poussé jusqu'à -120m, où l'on s'aperçoit que la galerie profonde part vers le sud, alors que le bassin d'alimentation se trouve au Nord-Ouest. Et nous continuerons à poursuivre son exploration, si possible, encore plus loin.
MENISCUS Xavier, avec l'aide de Frank Vasseur et David Bianzani
0660847768, xavier.meniscus@wanadoo.fr