Fontaine de NIMES
Nemausa VII
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(Cliche J.PEY) |
Sur invitation de l'Association Spéléologique Nimoise, qui travaille depuis prés de trente ans sur ce ma-gnifique réseau, nous avons réalisé trois plongées dans la Fontaine de Nimes les 2, 3 et 4 mai 1980. C'est le rapport de ces plongées que le lecteur trouvera ci-dessous ainsi que des considérations sur le matériel et les techniques employées.
Ont participé aux plongées
François AUBERT (A.S. Nimoise) Jean-Yves BOSCHI (A.S. Nimoise) Marceau LACROIX (A.S. Nimoise) Bertran LEGER (G.Se la Tronche) Frédéric POGGIA (Individuel)
Vendredi 2 mai 1980 : première pointe au réseau Nord, B. LEGER, F. POGGIA.
A 19 h 33, bardés de bouteilles de relais, nous disparaissons
dans la vasque après y avoir entreposé un sca-phandre supplémentaire
destiné aux paliers de décompression. But de la plongée
: poursuivre l'exploration du puits noyé atteint en septembre à
795 mètres de l'entrée de la Fontaine, à l'extrémité
du réseau Nord. Descendu jusqu'à 30 mètres, vu jusqu'à
- 40 mètres ce puits nous promet assurément une plon-gée
profonde avec longue décompression à la clef. Mais nous sommes
bien équipés, pourvus d'un important stock d'air et habitués
à plonger ensemble après de nombreuses explorations
communes. Le parcours du début du collecteur Ouest, jusqu'au carrefour
avec la branche Nord, achève de nous motiver: c'est du très
beau siphon où nous rencontrons, par place, des épa-ves des
grands pompages de 14A.S.N. : fûts métalliques, frag-ments de
tuyaux, scellements dans les parois, etc ...
Une fois engagés dans la branche Nord, la visibi-lité devient
médiocre : trois à quatre mètres tout au plus ; cette
laitance est certainement due à une crue récente. A environ
150 mètres du départ du réseau Nord, nous effectuons
notre premier relais de bouteille ; à partir de ce point l'as-pect
du conduit noyé est très spectaculaire : c'est une haute diaclase
se stabilisant vers la cote - 9 mètres et dont les parois recèlent
de nombreux lits de chailles qui saillent en relief. Nous passons rapidement
trois poches d'air et, après deux brusques décrochements vers
l'est, le siphon change bru-talement de direction de 180o et repart plein
sud. Second relais de bouteille que nous abandonnons, mousquetonnés
sur le fil d'ariane ; à partir de ce point l'exploration sera ré-alisée
uniquement avec nos scaphandres dorsaux.
L'approche du puits noyé est impressionnante : un carrefour de fils
d'ariane se présente à nous : l'un d'eux, détendu, plonge
vers la lèvre d'un trou noir ; l'autre par
une galerie latérale circulaire nous amène à l'aplomb
du puits. C'est une imposante diaclase subverticale de 2 mètres de
large pour 6 mètres de longueur environ. Flottants en apesanteur au
dessus de cette masse d'eau, nous amarrons notre cordelette et nous laissons
basculer dans le puits. A 38 mètres de profon-deur, nous atterrissons
sur un talus de sable pentu qui marque la fin du puits. Frédéric,
qui a de sérieux problèmes avec son inflateur de volume depuis
le début de la plongée, doit renon-cer la rage au coeur à
poursuivre plus loin. Pour moi, je franchis une étroiture en joint
à - 40 mètres et débouche dans une confortable diaclase
noyée de 6 à 7 mètres de haut pour 2 à 3 mètres
de large. Un coup d'oeil rapide au compas : le si-phon a de nouveau obliqué
de 180° et file maintenant plein Nord. De grandes dunes sableuses tapissent
le plancher de la galerie. Sans hâte, savourant pleinement ce moment
de joie intense, je parcours 150 mètres de conduit pratiquement rectiligne.
A 955 mètres de l'entrée de la fontaine, après un examen
des mano-mètres de plongée, je décide d'en rester là
pour aujourd'hui.
Au terminus la galerie accuse une légère remontée : cote
- 34 mètres. J'amarre le fil d'Ariane sur un bloc et fait demi--tour.
Dix minutes de paliers à - 6 mètres, au sommet du puits noyé
puis je retrouve Frédéric qui m'attend dans une poche d'air.
Ensemble nous entamons le long retour avec une visi-bilité meilleure
qu'à l'aller, l'eau ayant décantée dans les passages
argileux du réseau Nord ; nous récupérons au passage
nos scaphandres relais et parvenons dans la vasque après 2 h 34 minutes
de plongée. Il nous faudra effectuer encore 20 minutes de paliers avant
de pouvoir annoncer les résultats à tous nos collègues
de l'A.S.N., avides de nouvelles...
Fiche technique de la plongée du 2 mai Scaphandres utilisés : F.
POGGIA, 4 bouteilles 12 1 à 210 bars. |
Samedi 3 mai seconde pointe au réseau Nord,
F. AUBERT, M. LACROIX, B. LEGER, F. POGGIA.
cette seconde exploration aurait été pratiquement
irréalisable sans l'aide spontanée de nos collègues nîmois
F. AUBERT et M. LACROIX qui ont accepté le rôle ingrat de sherpas
porteurs de relais de bouteille ; qu'ils en soient encore vivement remerciés
ici. La fin de la matinée et une bon-ne partie de l'après-midi
sont un véritable gymkhana démentiel navette pour le gonflage
entre la caserne des pompiers et le compresseur de Frédéric
installé sur les gradins de la Fontaine (qui tourne à plein
rendement 1 ), discussion avec Guilhem des
possibilités hydrogéologiques du réseau, repas pris à
la sau-vette au café de la Fontaine, préparation fébrile
du matériel...
Enfin, François et Marceau peuvent plonger em-menant avec eux deux
monstrueuses bouteilles de 15 litres qu'ils ont mission de porter le plus
loin possible dans le réseau Nord. Frédéric et moi avons
aussi notre comptant de bouteilles : scaphandre dorsaux de 4 m3, bouteille
de 12 litres à la bretelle, petit mono de 8 litres à la ceinture
au total 170 kilos d'équipement à nous deux 1 C'est avec soulagement
que nous nous immergeons à 19 h 30 sous le regard curieux d'une bonne
centaine de personnes.
photo J. Pey
Au
palier nous croisons les collègues qui nous font signe que tout va
bien. L'eau est restée claire dans le Grand Collecteur Ouest mais dés
l'embranchement Nord nous rencontrons une eau très chargée et
une visibilité d'environ un mètre. Trio lente progression, toute
au fil d'Ariane, jusqu'au premier re-lais de bouteille à 450 mètres
de l'entrée. Nous abandonnons là nos 12 litres et empoignons
les grosses 15 litres ; ainsi chargés, et avec cette visibilité
réduite, le parcours jusqu'au puits est pénible. Second relais
de bouteille sur la margelle du puits à - 6 mètres, car nous
prévoyons une longue décompres-sion à cet endroit. Avec
mon détendeur, je purge et remplis d'eau une bouteille d'échantillon
pour Guilhem ; deux autres prise seront effectuées par François
et Marceau dans le Collec-teur Ouest.
Nous nous laissons glisser dans le puits : descente rapide jusqu'à
- 40, passage de l'étroiture ; avec soulagement nous retrouvons dans
la diaclase qui fait suite une bien meil-leure visibilité.
Mon unique passage d'hier n'a pas troublé l'eau. A 915 mètres,
nous effectuons notre troisième et dernier relais de bouteille et bien
vite nous arrivons au terminus pré-cédent. Pendant que j'amarre
le nouveau fil, Frédéric commence à dévider dans
la galerie. La diaclase continue, toujours rectiligne, et la monotonie de
son fond sableux est seulement rom-pue de place en place par des amas de gros
blocs où je peux fixer le fil d'Ariane. Mais la galerie remonte doucement
suivant un pendage infime. A 1055 mètres, nous avons regagné
la c8te - 20 mètres et bient8t la pente s'accentue mais dans le bon
sens. Des amas de graviers et cailloutis commencent n faire leur ap-parition.
Bruits familiers de décompression dans les oreilles, purge du volume
constant, nous remontons toujours ; à 1100 mètres environ nous
sommes à - 6 mètres, direction Nord-Nord- Est. L'idée
du franchissement commence à nous effleurer, je la réfrène
en songeant à tant d'autres siphons où un plongement brutal
du conduit noyé a mis fin à toue les espoirs d'émersion.
Brusquement, la diaclase que nous suivions jusqu'ici prend fin colmatée
mais quelques mètres en aval un nouveau conduit noyé s'offre
à nous de direction Ouest et de section totalement différente
: c'est une galerie elliptique qui se pince à chaque extrémité.
Nous parcourons 100 mètres dans ce couloir où, après
quelques décrochements Est et Ouest, nous reprenons la direction générale
Nord. Nos consommations en air sont négligeables car toute cette portion
du siphon, nous navi-guons entre - 6 et - 3 mètres.
Bientôt je vois Frédéric ralentir ; levant la tête
j'aperçois un reflet argenté : c'est le miroir de la surface,
agité par un léger courant. Encore quelques coups de palme et
nous émergeons : le siphon Nord est franchi 1 Coup d'oeil au dévidoir
: nous avons déroulé 320 mètres de fil d'Ariane et le
siphon mesure donc 1275 mètres.
Une cascatelle tombe du plafond, devant nous, nous apercevons sur une vingtaine
de mètres la rivière qui coule en diaclase. Nos décompressimètres
sont dans la zone rouge des paliers et il nous faut faire vite : un dernier
regard sur l'amont vierge de la Fontaine et nous replongeons.
Retour émaillé d'incidents : après un palier de dix minutes
à - 6 mètres au sommet du puits, nous nous installons au palier
de 3 mètres peu avant la première poche d'air ; Fré-déric
a un de ses détendeurs qui fait l'eau : je le démonte, la membrane
d'expiration est hors d'usage. Sous l'eau, nous permutons deux détendeurs.
Au dernier relais, nous hésitons un moment à revenir avec les
trois scaphandres ; finalement une bouteille à la ceinture, une autre
à la bretelle et une autre à la main nous ressortons très
lentement. A 21 h 50, nous som-mes au fond de la vasque dans une myriade de
petits poissons affolés par nos phares. Palier - 9, - 6 mètres,
Jean-Yves nous rejoint et commence à évacuer nos bouteilles
relais. Sur ma plan-chette, je lui montre les résultats obtenus, il
lève vigoureusement le pouce et file vers la surface. Palier - 3, j'avale
un tube de Rescap dans un nuage noirâtre. A 22 h 20, après 3
h 50 d'immersion, nous achevons cette plongée mémorable. A coté
du de la Fontaine, dans un immense chapiteau, ces messieurs du Rotary Club
écoutent sagement Leprince Ringuet mais pour nous la joie est complète...
Fiche technique de la plongée du 3 mai Scaphandres utilisés:
Fil d'Ariane déroulé : 320 mètres. |
Dimanche 4 mai 1980 : Collecteur Ouest, visite de
la trémie ; M. LACROIX, B. LEGER, F. POGGIA.
Nous avions réservé cette exploration pour le dernier jour car
nous étions assez pessimistes quant aux possibi-lités de découvrir
du nouveau dans ce secteur L'expédition de septembre avait sondé
la trémie terminale en tous sens, y effectuant un remarquable travail
de prospection.
Mais nous ne voulions pas quitter la Fontaine sans avoir visité dans
son intégralité le Grand Collecteur Ouest. Frédéric
optimiste , emmène en supplément un petit monobouteille de 8
1 au cas où...
A 15 h 19, une fois n'est pas coutume, nous nous mettons â l'eau. Marceau,
indisposé, fait demi-tour à 80 m de l'entrée. Frédéric
abandonne son petit bloc au carrefour Nord ; la galerie plongeant vers la
trémie est de toute beauté : c'est une conduite forcée
en joint qui descend brusquement à - 20 mètres et vient mourir
sur un amas dantesque de gros blocs. Quatre fils d'Ariane rayonnent à
partir du fond attentant l'acharnement des plongées de l'été
dernier.
Nous nous glissons dans une étroite diaclase en rive droite de la trémie qui remonte par crans successifs à - 6 mètres, puis replonge. Ce conduit avait déjà été exploré par Daniel en septembre et Frédéric s'arrête comme lui sur une étroi-ture impénétrable. C'est dommage car un très faible courant est perceptible dans la diaclase. Une fois ressortis de ces étroitures, je laisse mon phare 50 Watts à Frédéric et fais demi tours car j'arrive à la limite de sécurité en autonomie.
Frédéric continue à inspecter la trémie, minutieu-sement, mais sans rien découvrir de nouveau ; une seule étroiture lui résiste car il ne peut la franchir avec le bi 4 m3 capelé. C'est vraisemblablement celle franchie par Christian et Jean-Luc et elle reste à revoir, scaphandre décapelé.
Je revient en "ballade", visitant toutes les poches d'air du réseau Ouest ; Frédéric me rattrape au niveau de la galerie Mazauric et nous achevons ensemble la plongée. Une vision de toute beauté nous attend au fond de la vasque : sortant, pour une fois, en plein jour nous assistons au jeu féérique des ra-yons de soleil dans l'eau de la Fontaine. Pour notre palier de 3 mètre, pendant au bout d'une corde, nous attend notre ultime bouteille... de Champagne !
Fiche technique de la plongée du 4 mai Scaphandres utilisés :
Durée totale-de la plongée-: 1 h 11 mn. Décompression : 5 mn. Parcours-total-effectué sous-l'eau-:
700 mètres. |
BILAN DES PLONGEES, AVENIR DE L' EXPLORATIONS A LA
FONTAINE DE NIMES
La campagne de plongées du 1er mai aura vu un point positif
:le franchissement du siphon du réseau Nord. Côté Col-lecteur
Ouest, nous avons marqué le pas. Tout espoir de conti-nuation n'est
pourtant pas perdu de ce côté, il réside pour nous en
deux points. D'abord par plongée, revoir l'étroiture "MASIA"
en réalisant cette tentative scaphandre décapelé. Techniquement,
cette opération ne présente pas trop de dangers ; en effet,
l'existence d'une poche d'air au droit de la galerie plongeant vers la trémie
offre une sécurité. La présence d'un plongeur en soutient
au niveau de l'étroiture serait toutefois souhaitable.
Quant à la désobstruction en plongée, compte tenu du
volume de blocs à évacuer, elle semble plutôt utopique
(mal-gré la tentative "héroique" de Marceau au Tirefor).
Il ne s'agi-rait plus d'exploration mais d'un véritable chantier de
travaux publics sous-marins. Hors d'eau, après pompage, une opération
de cet ordre parait plus réalisable mais sans pouvoir augurer des résultats
et surtout de la durée de l'entreprise.
Coté siphon Nord, les perspectives sont nettement plus favorables.
Les tableaux de consommations des plongées montrent clairement qu'une
nouvelle exploration au delà du si-phon est possible en utilisant uniquement
deux relais de bouteil-le. Les plongeurs auront vraisemblablement un palier
de 5 minutes à 10 minutes avant de pouvoir émerger côté
amont. Quand à l'ex-ploration post-siphon, c'est l'inconnu... Livrera-t-elle
un impor-tant réseau exondé ou butera-t-elle sur une nouvelle
zone noyée rapidement ? Les paris sont en cours...
Quoiqu'il en soit, nous garderons un excellent sou-venir de ce week-end nîmois.
En dehors des plaisirs de l'explo-ration elle mime, un accueil et une organisation
hors pair, des spéléos passionnés par les découvertes
réalisées dans la Fontaine, une gentillesse de tous les instants,
tout cela aura contribué à faire de ces trois jours une réussite.
Non, Nîmes ne nous a pas déçu et nous reviendrons très
vite continuer l'ex-ploration de ce réseau noyé hors du commun.
Fontaine de NIMES
Nemausa VIII
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(Cliche J.PEY) |
" ....Ainsi un siphon théorique, de quarante mètre,
formé de deux branches en V inclinées à 45°, constitue
déjà un obstacle presque infranchissable et par la suite, il
sera trés difficile de passer un siphon naturel de trente mètres
de profondeur et à peu prés impossible de poursuivre l'exploration
au-delà." Guy de LAVAUR, 1954.
EXPLORATION DU RESEAU NORD, AU-DELA DU SIPHON 1 (1275 mètres, - 4O) Bertrant LEGER, Frédéric POGGIA, NUIT DU 14 AU 15 JUIN 1980
Aprés le franchissement du grand siphon du réseau Nord de la
Fontaine lors de l'expédition Némausa VII, nous n'avions qu'une
envie : explorer la rivière et la galerie au-delà. Nos amis
de l'A.S.N. ayant fait le nécessaire avec diligence, nous nous retrouvions
sur place le week-end du 14 juin.
A l'origine, nous comptions franchir le siphon à trois plongeurs mais
des ennuis matériels sérieux ont contraint Jean-Louis Camus
à renoncer et à faire demi-tour à 650 mètres de
l'entrée.
Comme lors de nos explorations précédentes, George Bernieu,
Jean-Yves Boschi et Marceau Lacroix nous ont prêté main forte
pour acheminer nos bouteilles relais. Afin de gagner du temps dans la partie
de collecteur jusqu'au carrefour avec la branche Nord, nous avons utilisé
deux scooters sous-marins.
Commencée le samedi 14 à 22h 38, l'exploration s'achevait le
dimanche 15 à 6 h 50 soit après 8 h 12 passées dans la
Fontaine dont 4 h 04 d'immersion. A notre connaissance, c'est la première
fois qu'une exploration spéléo est réalisée derrière
un siphon de quarante mètres de profondeur.
1. LE RESEAU DE GALERIES AU-DELA DU SIPHON 1.
Il débute par un lac de 65 mètres de longueur, possédant
quel-ques hauts fonds créés par des blocs et dalles effondrés.
A l'extrémité de ce plan d'eau, nous franchissons une voûte
mou-illante de 12 mètres de long amorcée sous un mètre
d'eau (S.2). C'est à nouveau un lac, de 90 mètres de long celui-ci,
qui vient mourir sur une pente de dalles. L'eau circule en sous écoulement
dans un éboulis qui occupe une salle assez vaste : une dizaine de mètres
de largeur pour cinq à six mètres de haut. Une fois redescendus
de l'autre coté de ce chaos de blocs instables nous retrouvons le ruisseau
qui coule sur un seuil ; ceci nous permet d'évaluer pour la première
fois son débit : environ 2 à 3 litres/ seconde. Quelques mètres
plus loin, un bief profond précède le troisième siphon.
Ce S.3 est long de 65 mètres, avec un point bas à - 6 m ; dans
l'ensemble ce siphon est bas, tortueux et encombré de blocs épars.
L'émersion s'effectue dans une rue d'eau profonde, beaucoup plus sympathique
où la progression à la nage est aisée. Pas pour longtemps,
car après 80 mètres de bassin, nous butons sur un nouvel éboulis,
à la base duquel le ruisseau provient d'un joint bas incliné,
encombré de blocs et impénétrable. Une remontée
dans une salle chaotique, une descente par ressauts et nous parve-nons à
l'orée d'une galerie fossile confortable, présentant de forts
beaux témoins d'érosion : marmites de géants, lames d'éro-sion
saillant des parois. Très vite, nous entendons puis re-trouvons le
ruisseau qui s'est enfoncé par un surcreusement mini-ature dans le
plancher de roche en place de la galerie. Un moment, nous croyons que la partie
est gagnée et que nous avons atteints la fin de la zone noyée.
Après un passage bas sur quelques mètres, le conduit redevient
spacieux et file en direction N.N.W.
A 335 mètres de la sortie du S.3, nous nous heurtons à une nouvelle
zone d'éboulis ; à cet endroit la galerie en section à
la forme d'un joint plat incliné à main gauche et dont la partie
supérieure est encombrée de gros blocs. Dans le fond du joint
de strate, un nouveau conduit noyé nous attend : le S.4. Retour à
la vasque du troisième siphon, portage des scaphandres, équipe-ment
plongée ; le S.4 n'offre guère de résistance : 10 mètres
de long pour 2 mètres de profondeur. Nous émergeons dans une
diaclase étroite avec un plafond à fleur d'eau, franchement
sinistre. Une étroiture entre blocs semble être la seule continuation.
Déséquipés, nous nous y étirons laborieusement
et parvenons à la fran-chir : comme il fallait s'y attendre, quelques
mètres plus loin, le conduit repique vers l'Ouest et siphonne à
nouveau. Il est 3 heures du matin ; transporter un des gros bi-bouteille et
tout l'équipement plongée à travers l'étroiture
nous demanderait encore plusieurs heures d'efforts ininterrompus. Nous renonçons
: pour nous ce cinquième siphon sera le terminus du réseau Nord
de la Fontaine, à environ 1920 mètres de la vasque extérieure
dont 1360 mètres de siphons.
Au retour, nous évaluons au pas les distances des galeries entre siphons
et à la brassée les longueurs de fil d'Ariane dans les conduits
noyés. Nous éprouvons une gêne respiratoire crois-sante
car depuis la sortie du 5.1, le gaz carbonique est présent dans le
réseau avec une assez forte concentration : maux de tête, essoufflements
lors des portages. Dans l'enthousiasme de la premi-ère, nous n'avons
pas réfléchi à un danger très grave inhérent
à la présence de ce C02. Lors du retour dans le grand siphon,
dans la partie profonde à - 40 mètres, la pression partielle
du dioxyde de carbonne dans nos organismes pouvait entraîner une bruta1e
syncope au C02, sans signe précurseur et irréversible. Mais
il y a un dieu pour les plongeurs spéléos...
Réseau découvert au
delà du S.1 : environ 670 mètres dont 87 mètres
de siphons.
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BILAN DE NEMAUSA VII ET VIII, AVENIR DU RESEAU NORD.
Nos trois plongées dans la Fontaine de Nîmes auront
permis une progression importante dans la connaissance du réseau Nord
puisque celui-ci est passé de 795 mètres connus à environ
1900 mètres explorés. Nous n'avons toutefois pas levés
la topographie de la nouvelle partie et il reste là une tache importante,
mais ingrate, à accomplir. Si les distances annoncées pour les
conduits noyés, données par les longueurs de fil d'Ariane métré,
sont relativement précises, il n'en est pas de même pour le réseau
exondé entre siphons où la longueur a été simplement
estimé au pas dans les parties sèches et évalué
dans les passages à la nage ; la "précision" pour
cette partie doit être de l'ordre de 20%.
Pour nous l'exploration du réseau Nord est terminée ; mais il
est certain qu'il est possible de poursuivre au-delà en em-menant des
petites bouteilles (2x6 l ou 2x4 l par exemple) de l'autre coté du
grand siphon. En raison de la concentration importante du C02 au-delà
du S.1, il est vital d'emporter égale-ment des scaphandres à
régénération d'oxygène pur sans lesquels toute
tentative de pousser plus loin serait du suicide.
Une exploration de cette envergure demandera donc de très gros moyens
en hommes et en matériel et il serait à notre avis plus raisonnable
d'essayer auparavant de jonctionner avec la tête du réseau Nord
par les cavités connues dans ce secteur Puits des neuf arcades, Aven
de Roquemaillère. Le terminus atteint lors de l'expédition du
14-15 juin doit en être tout proche.
Pour terminer, nous renouvellerons ici tous nos remerciements à toute
l'équipe de l'A.S.N. dont le soutient moral (et matériel !)
a été exemplaire et a largement contribué aux résultats
de nos plongées. Sans vouloir polémiquer, nous tenons toutefois
à formuler un regret concernant l'expédition Némausa
VI : une dizaine de plongeurs engagés, plus de deux semaines de camp
de plongée, une intendance et un accueil qui n'ont à notre connaissance
jamais été égalé dans une expédition de
plongée souterraine et bien peu de résultats. Il nous semble
que lorsque l'on vous apporte autant de facilités et de possibilités,
sur un plateau, on devrait avoir à coeur de se montrer à la
hauteur de l'entreprise...