LA FONTAINE DE CUL FROID
Par Pierre-Eric Deseigne
Episode n°1. Septembre 1999. |
Et maintenant ? 14 juillet 1999, dix ans plus tard, délaissant
les festivités et les lampions, première plongée dans la
vasque. De nombreux rochers, petits et très gros, encombrent le passage.
Des dalles de ciment se mêlent à ce foutoir minéral. Un
nettoyage commence avec un bi 12 litres sur le dos, pas très confortable !
Il est possible d’entrevoir la continuité mais une colonne et les nombreux
cailloux interdisent l’accès au conduit.
La galerie et de forts dépôts de vase et d’argile sont visibles.
Un courant marqué pousse le plongeur vers la surface, pas assez pour
le décourager. Petite désobstruction. 15 août Temps pluvieux
mais coeur heureux, nous revenons sur place. Deux plongées sont consacrées
à désobstruer l’entrée, facilitées par l’utilisation
d’un narguilé et d’un seau en métal. Ces quelques heures de travail
ouvrent le passage. Sous une pluie battante, nous troquons la combinaison en
néopréne contre une toile, moins encombrante. Sanglage à
l’anglaise, bi 7 litres en place, le plongeur accroche le fil et il se glisse
dans l’étroiture, très étroite et très vicieuse.
Ca racle de partout mais ça passe ! ! ! A l’époque,
nous ne connaissons pas l’historique de la cavité et nous osons croire
dans un élan d’optimisme naïf à la virginité des lieux.
La galerie se prolonge, pas de fil en place. De la première ! Whaouuu !
Quel pied ! Des tonnes d’argile dégringolent du plafond. Moins drôle !
La progression prudente dans cette conduite intime s’impose. La visibilité
est bonne tant que l’on avance. Derrière, c’est le brouillard total,
la soupe à la bouillasse. Le retour s’avère des plus folichon.....
Au bout de 10 mètres, on arrive dans une salle où une longue chevelure
de fines racines se balance dans le courant. Du plus joli effet, elles ondulent
langoureusement. Imaginez un retour sans visibilité, voir sans fil et
la rencontre avec cet écheveau filamenteux !
Deuxième surprise, un fil cassé et vieux, traîne
au plafond. Plus de première. Mais le plaisir ne faiblit pas. La seconde
étroiture se présente, toute aussi accueillante et chaleureuse.
Encore là, des éboulis de blocs noirs encombrent l’accès.
A priori pas franchissable. Sauf peut être pour un super cador, une grande
pointure, un dieu de la plongée spéléo. Quoi pas pour nous !
La tête casquée s’enfonce le plus loin possible. Un fil bien tendu
et tout aussi vieux s’en va et nargue le plongeur timide et prudent. Bravo pour
le prédécesseur qui a pu se faufiler dans ce trou de souris. A
oui, pour bien situer le contexte psychologique des plongeurs, chaque mouvement
noie la galerie dans d’épais nuages de touille. Les manos sont à
peine lisibles.
Le reste du temps et les deux autres plongées seront consacrées
à élargir une fois encore l’accès à la suite. Les
retours comme prévu, s’effectuent au fil. Comme nous l’aimons, ce bon
gros fil tendu, blanc et solide. Les sorties dans la pénombre totale
(les lampes sont pourtant allumées) sont sportives. L’étroiture
d’entrée (et de sortie) oblige le plongeur a se contorsionner en Z pour
pouvoir enfin regagner la surface. Les béquets se jettent sur les tuyaux
et autres fils, un régal. Nous aurons même droit aux applaudissements
chaleureux de randonneurs intrigués. Le rouge monte aux joues, heureusement
dissimulées par la cagoule. Qui a dit que les spéléos étaient
les travailleurs de l’ombre ?
11 Septembre 1999. Après avoir glané des informations sur la résurgence, nous voilà de retour. Bien décidé à aller voir de l’autre côté ce qui si passe. Deux objectifs sont fixés : le premier est d’aller le plus loin possible, tient c’est étonnant ! Le deuxième est de réduire, d’atomiser, d’éparpiller la première étroiture. Non mais ! Première plongée. C’est reparti, pieds en avant, cahin caha, ça passe. Le fil se déroule et nous suivons du coin de l’oeil l’ancienne cordelette, teinté par le temps. Elle s’arrête en effet rapidement. Ca y est, à priori, on pointe. Dépucelage de première, il était temps. Le palpitant s’excite. La galerie s’élargit confortablement (4 x 1), les talus d’argile aussi... Dix mètres plus loin, le sol se dérobe et un beau puits de 5 par 3 mètres s’ouvre sous nos yeux incrédules. Chaque amarrage soulève des volutes de poussière. Descendre, encore et encore. Arrêt à - 17, sur autonomie. Déjà ! Nous apercevons la suite, plus bas. Retour dans la mouise, complète. Instruments totalement illisibles. Amour démesuré pour le fil blanc. Nous déséquipons l’ancien fil, c’est plus prudent, vu le contexte. Entre temps, l’étroiture d’entrée se vide rapidement des monceaux de cailloux inutiles...Cela devient de plus en plus présentable.
Seconde plongée du week-end.
Un virage à gauche, nous remet vers le sud, à nouveau. La galerie découpée de 2 x 3 m est constituée d'une jolie roche marron. Et toujours autant d'argile... A -25, la galerie débouche sur un deuxième puits. La pente s'enfonce, vision jusqu'à 32 mètres environ. Ce sera pour une autre fois, hélas. Le temps du retour a sonné. Amarrage du fil, - 27, un dernier coup d'oeil et demi-tour. Retour dans la crasse absolue. Ca cogne souvent, merci le casque. La joie inonde l'esprit. Après cette course de 60 mètres, cette modeste première suffit à nous enchanter. Bien que jugée impénétrable et stressante, cette petite résurgence à l'aspect féerique mais peu prometteur semble pourtant vouloir offrir un potentiel sous estimé. Nous sommes parvenus à dégager l'entrée des blocs superflus, d'une pente instable, d'une arche de pierre fissurée et d'une colonne sans pieds pendu en son milieu. La feue première étroiture laissera dans les souvenirs de ceux qui l'ont connue, un souvenir inoubliable. Bilan très positif. Mais les traditionnelles questions sur la suite affluent! Le mélange profondeur croissante/ étroiture/ manque de visibilité, permettra t il de progresser encore longtemps?
Enfin les avis divergent sur ce trou, qualifié injustement par certain de pire trou de chiotte jamais vu dans toute vie de spéléo et de plein de charme par les autres. Pour conclure et sans vouloir jouer les gros bras, ce jolie petit trou de chiotte ne sera jamais une classique, jamais un siphon école, jamais un siphon à touristes, jamais une plongée à prendre à la légère. Les plus alarmistes pourraient le qualifier de très dangereux, tout est relatif. Ou lui donner une note de six sur une échelle de sept pour la qualité supérieure de sa touille. Ils n'auraient pas vraiment tort. Comme le disent nos mamans et nos femmes avant chaque départ : "fait bien attention à toi, mon petit". Cela a le don de nous énerver et pourtant, elles ont raisons.
Episode n°2.
Octobre 1999.
Avant dernier week-end d’octobre, délaissant femme, enfants et copains je retourne une fois de plus dans l’Indre. Seul pour mener à bien la suite de l’étude sur le prolongement de cette cavité. Départ le samedi matin de bonheur, la voiture remplie par la quantité phénoménale de matériel. Vous connaissez ! Après un passage au marché local pour effectuer le plein de fromage de chèvre, je rejoins la vasque sous une pluie battante. La France entière est submergée par la pluie, les siphons sont en crues un peu partout et je m’apprête à vivre une désillusion certaine. La Creuse et l’Anglin charrient des flots marrons attestant des quantités d’eau importantes tombées ici depuis une semaine. Je range la voiture et descend le chemin, impatient de savoir! Tout va bien. Miracle ! Cul Froid ne bouge pas, débit régulier à peine plus prononcé qu’à l’habitude. Superbe ! Je sorts le matériel et je m’équipe rapidement, entre deux averses. Je n’ai pas le temps de fermer ma combinaison et la pluie se remet à dégringoler. Que c’est chouette la plongée à l’automne. Je monte les détendeurs sur les 12 litres, sanglages à l’anglaise et mise à l’eau. Le fond de la vasque est recouvert d’une fine pellicule de vase, arrêtée par un barrage construit par des inconnus avec une partie des blocs sortis de l’entrée. Des cailloux jetés par des promeneurs inconscients du travail épuisant, encombrent déjà l’accès à la galerie.
Impatient d’en "découdre" avec Cul Froid,
je purge le vêtement et je me faufile sous la voûte rocheuse. Rien
n’a changé, je retrouve la vase et cette fois ci une visibilité
douteuse. Pourquoi ? Est-ce liè aux averses ? Non, juste au-dessus de
l’étroiture, une équipe de petits poissons besogneux fouillent
le substrat en quête de je ne sais quelle nourriture ? Les cochons, je
n’ai pas besoin de cela. Pieds en avant, je me glisse laborieusement à
travers le rétrécissement. C’est parti, je dégringole dans
le puits et file rapidement au dernier terminus. J’en profite quand même
pour effectuer des relevés topographiques. Je retrouve enfin mon fil
à -26 mètres. Je le raccorde au dévidoir et je glisse au-dessus
du talus d’argile. Je trouve facilement des amarrages. Pas toujours d’une solidité
exemplaire. Ils cèdent parfois sous la première traction de l’élastique.
Roche assez friable ! Pose du fil et topo, telles sont les deux mamelles du
plongeur spéléo.
La galerie s’enfonce régulièrement et conserve des dimensions
relativement confortables pour l’instant. (2 m x 3 m environ). Je m’arrête
sur autonomie à -36 mètres dans une sorte de salle assez large
où la suite est clairement visible sur la gauche, plein Est. Le dévidoir
planté dans la vase, je coupe le fil et je m’en retourne à mes
fromages de chèvres. Auparavant j’effectue des paliers dans l’étroiture,
calé à 6 mètres et ensuite à 3 mètres aux
côtés des petits poissons curieux. Ils me tiennent compagnie et
s’approchent de plus en plus. Bien évidemment le retour jusque là
s’est effectué dans la touille totale. Instruments illisibles dans l’étroiture.
Après une overdose de fromage et une bonne nuit réparatrice je
remets ça le lendemain matin. Chacun son cérémonial dominical.
Je parts avec mes deux douze litres, toujours montés en latéral,
plus un relais 6 litres. Il m’accompagne jusqu’à -23 mètres ou
je le dépose soigneusement (détendeur accroché et robinet
fermé), mousquetonné au fil. Je continue la topo et retrouve mon
dévidoir là où je l’avais oublié la veille. Je raboute
le fils et continue mon avancé, je me trouve à 100 mètres
de l’entrée. Au bout de 10 mètres environ, j’arrive aux pieds
d’une pente d’argile. Elle se dresse rectiligne et m’invite à la survoler
et non à la labourer. Ca remonte sec.! La faille se rétrécie
et semble finir en cul de sac (à merde de vase!). Je reviens sur mes
palmes tout en continuant la remontée. Un nuage d’argile me dégringole
dessus, décroché du plafond par les bulles. Cela confirme l’absence
de suite active de ce côté là. A 26 mètres une galerie
part perpendiculairement vers le sud. Je m’y engouffre, direction le Sud. La
promenade se termine, j’arrive sur mes limites d’air et à la fin du fil.
Le dévidoir est vide. Je me trouve dans une salle assez vaste pour cette
résurgence. Une galerie au diamètre nettement plus intime part
sur la gauche, plein Est. Un superbe monticule d’argile occupe une bonne partie
de l’entrée. Le courant est assez faible, il devrait peut être
y avoir un autre conduit ????? Suite au prochain épisode. Quelle série
trépidante! Comme toujours, retour dans la touille magistrale.
La plongée de l’après midi sera consacrée à la prospection plus approfondie dans la première partie de la galerie, jusqu’au bas du puits. Pas de surprise (pas de départ!) J’en profite pour nettoyer l’étroiture des blocs inutiles et gênant pour le passage. Bilan de cette exploration: 130 mètres de développement, point bas à 36 mètres et peut être une suite qui se présente soit par une galerie très intime ou par un autre départ manqué ????
Nous reviendrons!
Episode n°3.
Décembre 1999.
Comme d’habitude, le samedi à la première heure, courses au marché du Blanc pour effectuer le plein en fromage de chèvre. Nous arrivons à la source en milieu de matinée pour constater que l’Anglin est en crue. Le niveau de l’eau est carrément monté de 2 ou 3 mètres et les eaux de la source se mélange à celle de la rivière. La différence de coloration entre les deux eaux est très nette. Le débit de la source reste constant sans différence marquée par rapport aux précédentes visites.
Samedi matin.
Première plongée, en bi 12 et relais 7 litres. Le passage de l’étroiture avec tout ce matériel est toujours aussi pénible, longue et fastidieuse. Le terminus est atteint rapidement. Je fixe le fil est me glisse sur le talus d’argile qui obstrue en grande partie la galerie de gauche. Je me glisse dans ce conduit comme un suppositoire là où vous savez. Je parviens à passer au trois quart de l’autre côté pour constater que la galerie est courte et rapidement colmaté par un éboulis. Je m’extirpe laborieusement de cette tombe, dans une visibilité nulle. Je me retrouve dans la salle et dépité de ne pas avoir trouvé la suite de ce côté ci, je m’avance vers le fond de la salle pour m’assurer de ne pas passer à côté de quelque chose. Bien m’en a pris car la suite se trouve ici. Un ouverture encombrée de blocs se présente dans le plafond et le sol remonte d’une manière assez marquée. Il va falloir déblayer un bon coup pour passer. Pas de problème pour pousser las cailloux, entre Font Vive et Cul Froid, nous commençons par avoir de l’entraînement. Je déblaye autant que je le peux. Le passage se dégage rapidement, mais l’alarme symptomatique cérébrale des tiers vient de retentir. Ou lalala, il est grand temps de rentrer. Je fixe le dévidoir en urgence et m’en retourne en trombe vers la sortie. Je ne vous parle plus de la visibilité comme d’habitude toujours d’aussi mauvaise qualité. Si le débit ne change pas, les conditions de vison au retour non plus.
Deuxième plongée, en bi 10 et relais 7 litres. Arrivée au terminus les doigts dans le nez. Le passage partiellement dégagé est ouvert. La suite se trouve là. Une montée prononcée nous emmènera plus loin, demain car le temps du retour est arrivé. Paliers à l’oxy et sortie enthousiaste de cette petite progression. Nous chercherons demain la suite.
Samedi après midi.
Visite à la grotte de la Roche Noire. Nous fixons une échelle et une corde pour descendre dans la faille. L’eau dans le réseau est de la même couleur que l’Anglin en plus croupie, du plus pur style eau de chiotte mélangée à l’eau de lessive. Le réseau est très boueux, nous parcourons la première partie. Un siphon limpide mais avec une couche d'argile épaisse au sol est assez accueillant. Nous remontons après cette visite de reconnaissance. Le siphon terminal sera visité la prochaine fois avec peut être une plongée selon les débits.
Dimanche matin.
Première plongée.
Retour au passage fraîchement ouvert. La montée marquée conduit en haut d’un bon gros talus d’argile, un de plus. Il se situe dans une sorte de grande salle ou là encore pas de suite évidente se présente. Des ébauches de galeries se discernent par-ci par-là, mais sans rien de concluant. Après avoir effectuer un tour du propriétaire, le temps du retour a sonné, encore une fois. Le fil est attaché, le dévidoir est enfoncé dans la vase, bien comme il faut. Ca ressemble un petit peu au fil à découper le beurre cette histoire. Classique retour au touché dans la Touille.
Deuxième plongée.
Récupération du dévidoir, après
avoir arraché le fil à la motte de vase, il ne semble pas en effet
y avoir de suite dans la zone du sommet de la motte. Dégringolade au
pieds du monticule. Là une sorte de passage en forme de bouche entrouverte
ou de fente de tirelire se présente dans le sol. Pas de quoi rigoler,
un enfant avec un biberon aurait du mal à s’y glisser. Heureusement la
roche est friable et elle se casse facilement. Mais les précieuses minutes
défilent encore une fois dans ce travail de désobstruction et
la progression s’en trouve encore ralentie. Le passage à travers le plancher
est possible. On tombe dans une vaste galerie de 3 x 5 environ. L’eau est laiteuse
mais la visibilité reste bonne et le courant est marqué. La bonne
route ! Arrêt sur autonomie à environ 250 mètres de l’entrée,
la galerie remonte légèrement. Retour rapide, récupération
du relais 7 litres. Déco à l’oxy dans l’étroiture. Pour
éviter une autre plongée, je ressors avec les 2 douze litres,
le 7 litres et la bouteille d’oxy. Un peu chargé mais ça va le
faire..Au moins j’ai du gaz de réserve ! J’arrive au passage pour sortir
de ce fichu trou de sourie.
Je tente plusieurs fois de m’extraire de ce merdier, mais en vain. Je pose les
blocs, les pousse un peu. Je me dis que je suis réellement qu’une grosse
merde de parisien incapable de gérer ce genre d’étroiture. Non
là y a pas de doute ça ne passe pas. Rien à faire, le passage
est là, étroit, tellement que même une super pointure n’y
arriverait pas.Je ne vois qu’une chose, le plafond c’est effondré, obstruant
partiellement le passage. Alors à ce moment là, tout s’accélère
dans la caboche. L’éclair effroyable de se sentir coincé si prés
de la sortie illumine mon cerveau. Cette fois ça y est, j’y suis dans
la merde. Je ne comprends pas ce qu’il se passe. Je pense à ma femme
et à mes mômes Et j’ai pas envie de rester là. Tout ça
en quelques centièmes de secondes. Bon ça va je suis juste à
4 mètres de profondeur, j’ai 2 douze litres à 120 bars, et deux
7 litres, un 50 bars et l’autre à 70. Je peux tenir un siège.
Je glisse sur la droite et enfin trouve le passage. Quel con! Le plafond n’a
pas bougé. C’est le fil qui s’est déplacé. En voulant assurer
un meilleur amarrage je l’ai poussé sur la gauche sans me douter que
j’allais le positionner dans la partie étroite du passage. Enfin, j’expulse
les deux blocs et je m’arrache de là. Belle frayeur mais aussi c’est
là que l’on se rend compte de l’importance vitale du sang froid.
Conclusion de ce mini camps, encore du fil tiré, encore du développement possible. La spéléo plongée semble encore avoir de l’avenir à Cul Froid et c’est tant mieux. La prochaine visite sera consacrée en priorité à élargir l’entrée et surtout l’étroiture. D’une part on ne va pas se laisser emmerder longtemps et ensuite cela semble indispensable pour l’avenir de l’exploration du réseau. Les besoins en gaz augmentent pour l’exploration et pour la déco. Enfin pour sécuriser un peu plus l’ensemble, il sera plus confortable de passer à l’aise dans cet endroit, aussi bien pour le corps que pour l’esprit. Donc marteau et burin pour la prochaine fois. Ensuite et en parallèle, la topo complète du réseau sera effectué afin de mieux connaître l’ensemble de la cavité et de pouvoir mieux se situer à chaque endroit de la progression. Surtout pour le retour aux instruments.
Episode n°4.
Janvier 2000.
Première plongée de l’année dans la source. Le niveau de l’Anglin est haut mais sans recouvrir l’émergence. Le samedi matin nous nous répartissons les tâches. Equipe n°1 au gonflage, équipe n° 2 à la quête des fameux et mythiques fromages de chèvre ! Chacun son Graal. Enfin après les traditionnels et rituels préparatifs, nous effectuons une première plongée. Un bloc d’oxy est déposé pour les paliers. Un autre plongeur, valeureux topographe est parti relever les mensurations, parfois généreuses de la galerie. Un autre besogneux, armé d’un marteau et d’un burin (chacun ses symboles) entreprend l’élargissement et le "nettoyage " de l’étroiture. Ceci ne va pas améliorer la visibilité, momentanément. Pour le passage, en revanche ça s’améliore. Comme quoi il ne faut pas désespérer...! Une inspection plus approfondie de l’étroiture dans sa partie gauche est effectuée. En effet c’est étroit et boueux. Et nous confirmons, rien à signaler par-là bas. Tant mieux. Je vous passe le menu du midi et les non moins traditionnelles agapes paillardes et avinées. L’après midi, réconfortés par les trésors culinaires franchouillards, nous revêtons nos plus beaux habits spéléo et tels les quatre fantastiques, nous descendons dans la Grotte de la Roche Noire. (PS : pour ceux qui n’auraient pas suivi les précédents épisodes, la Roche noire ou La Poirelle est une perte de l’Anglin qui alimente modestement Cul Froid). Guidé par un spéléo accompli, nous fourbissons nos premières armes sous terre. La mutation continue. Du scubaba nous sommes devenus spéléoplongeurs (bien que certains doutent encore de nos capacités et de notre engagement moral réel à la Sainte et Noble Cause !). Et de spéléoplongeurs, nous allons peut être enfin finir en spéléo tout court (il y a encore un peu de boulot !) Qui après cela peut encore émettre le moindre doute sur l’évolution des espèces ? Bon, après le franchissement laborieux du fameux et célébrissime " Boyau Merdeux " (étroit, glaiseux, gluant, collant, superbe quoi..),
Nous parvenons enfin au siphon terminal. Merci au séléo du coin pour avoir désobstrué ce sphincter délirant. La perte de l’Anglin se traduit par un filet d’eau mince et chétif. Quant à l’eau, elle ressemble exactement au liquide des stations d’épuration. C’est cool la plongée.Ici au moins nous sommes tranquilles, aucun risque de voir débouler un charter de plongeurs en goguette. La prochaine fois, nous viendrons avec un équipement de plongée et tenterons de violer pour la première fois ce verrou liquide (comme on dit dans le milieu.) Le dimanche matin, après la fameuse et toute aussi célèbre bonne nuit réparatrice, une petite démangeaison titille certain. Le syndrome chronique du tirage de fil. Ne pouvant résister, poussé par la curiosité et par le désir impérieux d’aller plus loin, on va tirer un bout. C’est reparti, bi 18, relais 7 litres, ça avance. Dépassement du dernier terminus à 150 mètres. La galerie s’élargit et remonte lentement. Arrêt à 220 mètres sur une pente ascendante, profondeur -26 m. Comme toujours et sans surprise, demi-tour dans la touille, retour à fond les ballons pour limiter au maxi les temps de paliers, et pour ne pas traîner dans ces endroits si peu fréquentables. La zone d’évolution est comprise entre 36 et 26 mètres. Pas de quoi fouetter un plongeur mais suffisamment pour rester une bonne demi-heure à somnoler sous la roche. Comme d’habitude, notre barbu topographe a continué sa noble tâche. L’explo avance lentement mais comme on dit de l’autre côté des Alpes, qui va lentement, va sûrement !
Episode n°5.
Mars 2000.
Après un mois de fevrier calme, nous voilà reparti
pour de nouvelles aventures, et nous ne croyons pas si bien dire. Suréquipés
et ambitieux au possible, putain cette fois on va lui en mettre un coup auBi
18, relais, oxy, nitrox et tutiquanti. Elle va être belle la Pointe !
C’est parti, nous descendons sous des trombes d’eau vers l’Indre. Le 806 rempli,
traîne une remorque bien garnie. A l’abri assis dans les moelleux sièges
du monospace, les blagues fusent et les discussions vont bon train. En voilà
un de week end qui s’annonce bien. Et non ! Le destin et surtout cette
put... ! de remorque n’a pas imaginé l’histoire comme ça. Une
roue de la carriole explose, pulvérisée, gomme, roulements etc.
Bon c’est la merde ! Allez trouver une roue et des roulements à 10 heures du soir. Seule solution, transvaser.ça on sait faire. Avec force, méthode, le contenu de la remorque arrive dans la voiture. Croyez-moi, les constructeurs, ils doivent prendre des marges de sécurité sur les charges maximum. Bon ! les 19 blocs (dont un B50) le compresseur, les sacs, la bouffe etc. tout est entassé, comprimé dans la voiture. Nous parvenons à rallier la maison, toujours sous la pluie et en passant à travers la vigilance de nos services d’ordre. Ouf ! qu’il est bon le feu de bois dans la cheminée.
Le jour se lève, le ciel est bleu, le soleil brille. Et ben voilà, tout va bien ! L’équipe des fromages est partie. elle a juste rajouté à sa liste des roulements, un pneu et une chambre. A nous le gonflage et les transvasements. Encore ! Pas de problème, ou presque. 40 minutes pour ajuster 30 bars dans un 10 litres . Il se passe quelque chose si l’on peut dire. Le premier étage du compresseur fuit. Super ! Ecrou cassé, joint déchiré ! Ah elle est belle l’histoire ! Comme on est un peu con et qu’on a pris qu’un seul compresseur (et la redondance du con !) on est mal ! Heureusement nos Mac Gyver parviennent à réparer la machine.. C’est reparti. Ouf ! ! !
Nous voilà enfin à la source. L’Anglin n’a jamais été aussi haut (tient, il a plu ?) L’eau qui sort n’a jamais été aussi trouble (sans plongeurs dedans) j’entends bien ! Comme d’habitude, Mimi pose le 18 d’Oxy dans l’étroiture à 6 mètres, le barbu métré déroule son décamètre. Et la pointe est annulée, visibilité trop faible. En fait l’Anglin semble refouler la touille dans la source et contrarier son débit. Nous en profitons pour rééquiper correctement le réseau. Le fil a une fâcheuse habitude de se détendre en notre absence. OK ! nous ne sommes certainement pas des bêtes de l’équipement, mais quand même ! En fait les béquets rocheux cèdent les uns après les autres. Le fil pendouille. C’est l’idéal pour ce genre d’endroit. Donc les plongées seront dédiées à retendre et assurer les amarrages du fil. Ca a plus de gueule maintenant.
Le dimanche matin, une seule plongée (un seul plongeur) toujours pour rééquiper et puis sortir le 18 d’Oxy. Les plongées ont été effectuées au Nitrox. On ressort moins déglingué et surtout pour plus de temps au fond, on effectue le même temps de palier. Donc conclusion ça coûte pas cher et ça peut rapporter gros !
L’après midi, nous allons à la résurgence de Théol, où l’eau qui sort est marron. C’est joli l’eau marron ! Nous poussons quelques blocs pour faciliter le passage de notre vaillant et courageux plongeur. J’en profite pour percer le bottillon de mon volume. Comme je ne sais pas quoi faire les week-end ça va m’occuper ! L’entrée semble étroite. Vu l’heure tardive, la visibilité nulle et la combinaison humide, le barbu métreur renonce d’aller plus loin. A la prochaine ! Nous grimpons à nouveau dans la belle voiture et retour à la maison. Le week-end est fini ou presque. Ah non ! j’oubliais la remorque. Explosion 2. Et oui le pneu de cette putain de merde de remorque a encore explosé. GENIAL ! Allo dépannage ? Car bien sur nous n’avons pas trouvé de roue de secours. Tout compte fait c’était peut-être mieux de ne pas faire de pointe.
Episode n° 6.
Avril 2000.
Cul Froid me revoilà ! Seul. (En milieu de semaine, les candidats à la touille sont rares.)
Programme : deux plongées, une par jour. Quel programme ! La première sera consacrée à vérifier le fil et à l’assurer jusqu’au terminus. La seconde sera pour la topographie. Je pars avec deux 18 litres et un 12 litres en relais, le tout gonflé à 230 bars avec un nitrox 30%. On va limiter la casse pour les paliers. Au passage, je dépose un 12 litres d’oxy. La visibilité est excellente, 10 mètres environ, du jamais vu ! Le fil n’a pas bougé, les amarrages sont doublés, traductions dans les deux sens, ça semble tenir. La roche reste toujours aussi friable, des blocs de 70 cm x 80 cm environ se décrochent sans prévenir. Une petite traction de fil par exemple ou une main qui se pose. . Je tends le fil jusqu’au bout et observe quelque temps la salle du terminus actuel. Une butte d’argile ouvre sur le noir et la roche au-dessus de ma tête remonte à la verticale et se perd dans la nuit. Je reste perplexe devant la taille de cette salle. Il va falloir trouver la suite dans ce bazar. Voilà que maintenant Cul Froid ressemble à une cathédrale, on aura tout vu ! Je reste aussi perplexe face à l’étroiture à 132 mètres de l’entrée. Celle ci est jonchée et à demi fermée par des éboulis et un tas de gros blocs en équilibre. Il va falloir faire le ménage te sécuriser tout ça. J’ai pas envie que l’on finisse emmuré. A part ça tout va très bien. J’ai passé la moitié de la plongée à me demander ce que je foutais là, à me demander si je n’allais pas tout laissé tomber. Si avec deux mômes, ce n’était pas sérieux de venir risquer sa peau dans des coins aussi pourri que celui là. Et puis après un arrêt méditatif de quelques instants, l’orage est passé. Pour la plongée, j’avais prévu large. 50’ allée, 50’ retour. 40’ de déco. Qui peut le plus, peut le moins, comme on dit. Temps de plongée 45’, à une profondeur moyenne de 26 mètres. 10 minutes de palier à l’oxy et 8’ d’oxy aussi pour rejoindre la surface. Je suis ressorti avec 130 bars dans chaque bloc. Certains pourraient dire, tout ça pour ça. Ouhai ! Ouhai ! Le jour (si jour il y a) ou j’aurais à chercher le fil (peut être sans lumière qui sait ?) dans ce merdier, j’aimerais avoir assez d’air pour non seulement le retrouver mais en plus pouvoir sortir. Car autant certains endroits sont étroits, autant d’autres sont très vastes et compliqués. Alors peu importe. Le lendemain, comme prévu, je topographie 40 mètres de galerie. Je pars avec deux 18 litres et 2 relais 7 litres, toujours au Nitrox. Il pleut toujours des cailloux. Croyez-moi, l’Indre n’est pas une région tout à fait comme les autres Donc topo. C’est super la topo. Quel pieds. Nous sommes passés des dizaines de fois comme des bourins à un endroit sans réellement nous demander à quoi il ressemblait. Il s’agit juste d’une salle de 10 mètres de long par 9 de hauts et de 2 mètres de large. Pas mal pour un trou de chiotte ou l’on plonge à l’Anglaise. Ben tient, bien obligé avec cette saloperie d’étroiture. Ah oui, c’est vrai ! Autre surprise, je surprends une écrevisse de belle taille en goguette, à plus de 100 mètres de l’entrée. Je vous assure c’est sympa. Bon je vous jure, il n’y en avait qu’une. Alors je l’ai laissée là. Pas assez pour se faire un festin. Enfin au petit jeu du double décamètre, vous avez gagné une seconde salle grande et généreuse. Confirmation de la bien nommée salle du toboggan. Plus de 14 mètres de long, de -35 mètres à -26 mètres. Une superbe faille sans issue. Ce qui est bien dans ce genre d’endroit, c’est qu’avant même de toucher le plafond, vous savez que vous y êtes car vous ne voyez plus rien. Ah oui, il pleut de l’argile aussi dans l’Indre. Bon voilà comme d’habitude (comme c’est bon les habitudes pantouflardes, les mécanismes bien réglés.) Retour plein pot. Coups de boule dans les cailloux. Merci le casque. Temps de plongée 45’, déco au surox, 3’ à 6 mètres et 15’ à 3 mètres. Je ressors avec 140 bars dans les 18 litres et les deux 7 litres sont à 30 bars. Tout ça ! et wouiiiiiiii. De toute façon, j’avais pas envie de moisir trois plombes aux paliers. Bilan : un fil tendu, c’est chouette, la topo c’est super, car après on fait de joli dessins. Et surtout, on connaît un peu mieux son joli petit trou trou. Petite introspection nombrilisme ! Et en cas de perte de fil, trouillomètre à zéro, palpitant aux taquets, je pense que cela peut aider un shouilla. Enfin, la prochaine fois, on boucle la topo et on tire un max ! J’ai le dévidoir qui frétille, le kavatch qui se dilate. Et j’oubliais tout de même le plus important. Je suis allé au marché, chercher ma dose de fromage de chèvre.
Episode n°7.
Avril 2000, week-end de Pâques.
Le plongeur et le plongeur spéléo en particulier vit une histoire intime avec l’eau. Il la chérit plus que tout, elle est sa meilleure amie, pour elle, que ne ferait-il pas ? Des centaines, voir des milliers de kilomètres, abandonner le foyer familial, dépenser des fortunes, risquer sa vie même.Mais comme l’eau est très capricieuse, elle lui rend parfois bien mal cet amour. Cul Froid se laisse désirer et l’Anglin, la rivière qu’elle surplombe de quelques centimètres, s’allie à elle pour entraver nos efforts. Ce week-end s’annonce prometteur. La première journée se passe bien, dépose d’un relais au terminus, découverte d’une salle imposante qui remonte jusqu’à -7 mètres, soit 19 mètres de haut, de mieux en mieux. Le bloc d’oxy est déposé. Je pars effectuer une bonne petite séance de topo, mais mon phare me lâche, demi-tour après avoir laissé mon relais 7 litres pour la prochaine fois. Le lendemain, en pleine forme et prêt à tous les exploits, nous découvrons avec stupéfaction que l’Anglin, est monté de plus de 2.5 mètres dans la nuit. Il recouvre la source, une crue balaise. Le chemin pour descendre à la résurgence est inondé à moitié. Et pourtant, Cul Froid ne semble pas touchée par la brusque monté des eaux. La résurgence dort, la surface est lisse et plate comme une toile cirée à cet endroit. Un plongeur s’équipe et se met à l’eau pour voir si malgré tout, c’est plongeable ? L’eau ou plus exactement le liquide maronnasse, infâme et innommable.Le plongeur glisse jusqu’à l’étroiture. Aucune amélioration ! Zéro visibilité, impossible de lire les instruments. Pour le courant, rien. Encore moins que d’habitude. L’Anglin semble plutôt se déverser dans la cavité, contrarier son flux et " polluer " ses eaux (si limpides en temps normal) Donc dans ce contexte si enchanteur, demi-tour. Pointe, topo et toutiquanti annulés. Le coeur brisé, nous partons prospecter d’autres objectifs pour des jours meilleurs. Le lendemain, nous partons à l’aube pour constater que l’amplification de la crue. Le niveau de la rivière a encore monté. Il atteint maintenant 3.10 mètres au-dessus du niveau normal Nous décidons d’abandonner tout le matériel dans la galerie et de rentrer chez nous. Pas la peine de risquer un carton pour quelques blocs. Pour info, lors de la tempête du 26/12/1999, la rivière est montée de 4.6 mètres. ! Donc nous reviendrons et ce n’est pas ces quelques contre temps météorologiques qui auront raison de notre motivation.
Bien que je me pose la question :
Cul Froid ne serait-elle pas protégée par un esprit capricieux ? N’habite t il pas la source et ne la protège t il pas des trop impétueux envahisseurs ? Moi je vous le dis, il y a de la sorcellerie dans tout ça. !
Episode 7 bis.
Nous revenons à deux, deux jours plus tard pour sortir tous les blocs. La crue s’est arrêtée aussi vite qu’elle est apparue. La visibilité est assez moyenne, le débit plutôt soutenu. Nous récupérons les blocs laissés cinq jours plus tôt. Ils sont fortement couverts de vase mais après un bon nettoyage, ils retrouverons leur première jeunesse. Je démonterais tous les deuxièmes étages de détendeurs car ils étaient remplis de boue.Tiens s’est bizarre à Cul Froid !
Episode n°8.
Juillet 2000.
9h30 du matin, un parigo à la noix s’équipe au bord de la mondialement connu vasque de Cul Froid... Jour pour jour, heure pour heure, voici un an déjà que notre équipe de branquignoles spéléo tortille du Cul afin d’explorer cette mythique exurgence. Cette plongée anniversaire, solitaire, (les potes bronzent recto verso leurs chairs blanches sur les plages..) aura tout de même permis de ramener 30 mètres de topo : quelle performance. ! " Y a pas à dire, les jeunes, c’est plus ce que c’était " Néanmoins et nous nous contentons de peu, c’est toujours ça de pris et qui ne sera plus à faire. Pour justifier, excuser, notre piètre performance, nous avançons ceci : La visibilité plus que médiocre (des tonnes d’argile au retour), à tel point que par moment, on ne peut même plus voir le bout de notre crayon, la morphologie compliquée du réseau, les étroitures, les problèmes d’oreille.. Ou plus objectivement peut être, notre nullité et inefficacité tout aussi légendaire. C’est pas demain que les pigeons viendront chier sur les statues dressées à notre gloire.et c’est tant mieux car j’aime pas les pigeons. Si non, ou c’est y qu’on en est dans ce trou de chiotte universel ? 308 mètres ! Quoi ! Seulement 308 mètres en un an ! Pfffff, quelle misère ! Ca, c’est ce que je me dis les matins gris tout va mal, ciel plombé, froid, pluie, les gosses qui pleurent, le chien qui bave sur le falsard tout propre, le bol de thé qui tombe par terre, le gamin qui rempli sa couche juste avant le départ, les portes du train qui se ferment sous ton nez.. Mais en réfléchissant un shouilla, on peut voir les choses autrement (les matins ou tu échappes à la couche pleine de crotte) : 308 mètres, c’est pas si mal..(autosatisfaction avancée) On s’est mis sérieusement à la topo (il était temps..) Le fil est pas trop mal posé (j’espère) On s’est mis au Nitrox (not certified) L’équipe s’élargit, chacun avance à son rythme, enrichit ses techniques (surtout de piqué de tête dans la vase..) On se marre bien, à chaque fois, ils reviennent (en plus ils sont maso) On commence même à sortir des images ( 10 secondes pour 3 heures de tournage) Enfin si on mange tout d’un coup, qu’est ce que l’on va faire après ? On va s’emmerder pour un retrouver un aussi chouette. De toute façon, on n’est pas payé au mètre, même pas payés du tout, Que dire d’autre ? Observation du milieu, faune, hydrologie et patati et patata.. Approfondissement des connaissances en chévrologie. Etude comparative, selon les différentes origines. Et puis la fameuse plongée épique dans la non moins célèbre grotte de la Poirelle. Les photos le prouvent ! Nous ne sommes plus que les pauvres petits plongeurs de plages, scubabas en mal d’aventures. Quoique, peut on à jamais se défaire de ses origines douteuses ? Résultat de cette descente boueuse : 20 centimètres de première. ! ! ! ! ! !De mieux en mieux.. Mais nous allons y retourner ! Pour deux raisons : Refaire des images (en plus ils se filment.) Doubler le terminus et le pousser à 40 cm, au moins. ! L’avantage de ce genre de plongée, c’est que l’on peut y aller sans loupiotes. Visibilité nulle. Boue liquide. Essayez de plonger dans un bol de chocolat. En tous les cas, nous on s’en fiche des kilomètres de première, en bikini avec 3 biberons de 0.6 litres. On se marre à se faire péter les zygomatiques, le reste après tout.. Pour nos évolutions gastérodiennes, nous perdons beaucoup de temps car nous ne parvenons pas encore à tirer du fil, amarrer, observer et topoter en même temps.(" je ne suis pas un héros ! ") Et au retour, c’est pas qu’on veut pas, mais va topoter dans du chocolat liquide. Alors pour une plongée dite de pointe, il en faut 3 ou 4 pour ressortir la distance en topo.Ca permet de s’acclimater à la galerie. Pour la description de la galerie, ça monte, ça descend, ça se rétrécie, ça s’élargit et ça tournicote pas mal. Voir la topo C’est toujours aussi crade au retour, le juste quotidien de Cul Froid. En un an, le matos a vieilli de dix (pas les plongeurs, à première vue) Voilà, Cul Froid ça continue et c’est tant mieux.
Et puis quand ça s’arrêtera, nous avons déjà repéré d’autres tas de boue dans l’Indre.
Vive les sitcom sur la vie des bêtes
Episode n°9.
Mars 2001
Un plongeurs en hiver !
Depuis le début de l’année, nous sommes descendus trois fois dans notre source préférée. Nous avons pris une sorte de rythme de croisière ou notre migration mensuelle nous éloigne des effluves et des miasmes de la capitale.La plongée de janvier nous a emmenés vers un nouveau point bas à -49 mètres. Une descente quasi verticale à partir de 320 mètres de l’entrée emmène à un passage étroit (encore un !). La descente continue sur une belle pente d’argile. Et là, la tête un peu dans les étoiles, grisé par l’azote et par la fièvre de cette découverte, après 350 m de ballade, nous accrochons le fil. La galerie pas très haute ressemble à une conduite forcée, à cet endroit. Conduite dont plus de la moitié du volume est rempli par de l’argile, bien évidemment. Dans un sens c’est assez moelleux et confortable pour se poser. Enfin, quelle surprise à la sortie d’une faille très étroite, 80 centimètres de se retrouver dans un volume vertical si important et de dégringoler à cette profondeur déraisonnable. Comme d’habitude, demi-tour sur autonomie et dans la touille totale (à -49 m, c’est coton) Donc Cul Froid s’enrichit d’un nouveau trait de caractère, après les : touilleux, merdique, étroit, sinueux, vallonné, chiatique, la voilà profonde ! Et ben, mon gars, va falloir faire avec !
En février, nous avons installé une corde dans le puits d’entrée. A nous les bonnes décompressions confortables. Si ça continue, nous allons poser la télé câblée et une cloche de déco, avec chauffage ! Y a pas de raison que nous aussi nous n’ayons pas notre petit confort. Et puis impatient et curieux, nous y sommes retournés. Toujours le fameux syndrome du kavatck qui se dilate et du fille qui frétille ! La glissade recommence, à nouveau le point bas, toujours aussi bas, nous n’avions pas rêvé. Et encore des surprises. Au lieu de continuer comme ça à la même profondeur ou de descendre encore, la galerie remonte à nouveau. Nous avons tiré modestement 30 mètres de nylon et nous nous sommes arrêtés à -40 m sur une montagne d’argile, genre dune du Pilat. La dessus pas de surprise, c’est une constante. Et non contente de nous agacer avec ses variations altimètriques, Cul Froid nous réserve à ce point une salle avec de belles proportions. Car à part la dune et le bout de caillou où nous avons accroché le fil, rien n’est visible. La roche semble avoir disparue ? ! Nous apercevons le sommet de la colline, la suite doit se trouver derrière, plus bas certainement. De toute façon maintenant nous nous attendons à tout !
En mars, nous avons sagement topographié cent mètres de galerie. Quelle conscience. ! Le profil se précise et pour compliquer les choses, (et peut être les rendre encore plus excitante ?) au retour de cette zone profonde, nous devons remonter et passer par un point haut à -9 m. Ce qui risque de nous contraindre d’ici peu à effectuer la déco loin de l’entrée (à 280 m) avant de s’enquiller le reste du siphon. A moins de traverser les montagnes d’argile. Au passage, nous en avons profiter pour élargir deux étroitures, un bon moyen pour se réchauffer et pour gagner des secondes ou des minutes précieuses. La complexité (toute relative, on va pas sur la Lune tout de même.) s’accroît de plongée en plongée. Mais loin de nous décourager, elle attise au contraire notre intérêt et notre envie de déflorer un peu plus cette résurgence atypique. Pour info, la France entière pataugeait dans l’eau et toutes les sources vomissaient des torrents de liquide boueux. Cul Froid, calme et paisible nous accueillait sans difficulté. Le courant un peu plus marqué, tout de même, nous a ralentis dans notre progression mais sans néanmoins nous interdire la plongée. Voilà qui ne va pas nous aider à percer les mystères hydrogéologiques du réseau. Et en plus le problème est au retour de persuader les copains, restés chez eux à regarder dimanche Martin que vous pauvres crétins de parisien, vous êtes tout de même parvenu à tirer du fil à trois heures de chez vous !
Episode n°10.
Juillet 2001.
Comme tout le monde, la perspective de tirer du fil me plonge dans la joie et l’excitation d’un gamin à la veille de son anniversaire. Une plongée de préparation (et d’anniversaire, je viens de vous le dire, 2 ans d’exploration à Cul Froid) le jour des feux d’artifices nationaux me permet de déposer un bloc relais à 150 mètres et un autre à 280 mètres de l’entrée. En ce début de plongée, je décolle avec l’aisance d’une superforteresse chargée jusqu’à la gueule. Un bi 20 litres et deux 12 litres, le tout en latéral, vous imaginez l’hydrodynamisme ! Je retrouve un peu de légèreté après le premier largage, mais l’équilibre est rompu et je bataille dur pour conserver l’assiette. Bon, enfin, je lâche le deuxième colis et il s’écrase dans le coussin d’argile. Une semaine plus tard, le ciel bleu et le soleil embellissent cette journée d’été. Le jour J ! Je prépare toutes mes bouteilles, 2 pour la déco, une pour la sécurité et les 2 vingt litres pour le fond. Six blocs d’un coup ! Si, si, je vous promets, Cul Froid est truffée d’étroitures.
Sous le poids anormal de toutes ces bouteilles, le faux plancher, juste à l’entrée se dérobe d’un seul coup ! Trois mètres carrés de cailloux dégringolent d’un étage, un mètre plus bas. Quelle surprise bruyante et troublante ! Le micro cataclysme s’entend de l’extérieur et un nuage monstrueux d’argile s’échappe de l’entrée. Je quitte cet effondrement et je m’enquille le seconde étroiture, avec un soupçon d’inquiétude quant à la solidité de cette grotte. Je dépose un 18 litres d’oxygène et un 6 litres de sécurité à 6 mètres. Quel panard ! Je me jette dans le puits, la visibilité est grandiose, au moins 5 à 6 mètres. Je dépose un 7 litres de Nitrox 50% à 18 mètres pour la déco et en route vers l’inconnue et au-delà.
Soucieux de limiter la casse pour les paliers, je tartine afin de rejoindre le terminus au plus vite. Je négocie les virages au frein à main, je dévale les pentes bille en tête et malgré les étroitures je parviens avec 5 minutes d’avance sur la moyenne habituelle ! (Je vous promets j’ai pas pris d’EPO….) Je prends le dernier relais, je m’enquille dans un passage étroit, une faille de 3 à 4 mètres de haut, large d’à peine 80 centimètres. Je frotte, je racle, je me tracte avec les mains, je palme comme une brute, ça y est, je suis passé ! En dessous, le vide noir, gris anthracite, à peine perceptible dans le halo laiteux des phares. C’est parti. Je me laisse tomber vers le point bas. Je touche la pente composée d’un mélange de sable et d’argile. Je glisse au-dessus, léger comme un 747 au décollage. J’abandonne le relais à moins 45, avant un abaissement du plafond. Je passe le point bas et j’arrive enfin au terminus, j’accroche mon fil et allez on y va !
Bien évidemment, malgré une " flottabilité parfaite ", je baigne dans un nuage de brouillard jaunâtre. Je glisse en lévitation sur une dune d’argile repérée la dernière fois, persuadé de trouver la suite derrière. Erreur, la paroi s’élève verticale, à perte de vue ! Je vais vers la droite et je retrouve le courant. Une voûte s’ouvre au-dessus du sol, là sur la droite. Je m’enfonce dans la galerie et 20 mètres plus loin, je débouche à nouveau dans une grande salle. Et là, je perds à nouveau le courant. Forcément, j’effectue un tour en bas, au niveau de l’éternel matelas voluptueux. A priori rien ! ? Bon, je grimpe. ! Je quitte mon amarrage à moins 40 et je remonte lentement le long de la paroi. Moins 35, rien, moins 30, rien, moins 28, rien ! Ou du moins, un gros nuage me tombe dessus, lentement mais irrémédiablement. Le plafond ne se trouve certainement pas très loin. J’effectue plusieurs tours dans la salle, 4 x 4 environ.
Bon j’ai atteint la profondeur maxi au-dessus de laquelle je ne veux pas aller. J’arrive sur mes cinquième. Je barbotte dans le brouillard, allez je me casse.
Je rembobine, l’étiquette 410 mètres rentre dans le bobinot. Je retourne en bas, je coupe le fil et je redescends vers le point bas. Comme d’habitude, mon cocon de coton m’accompagne tout le long du retour. Je traîne les deux relais le plus loin possible. Je récupère les 2 Nitrox et j’abandonne le 12 litres air à 150 mètres. Je taille la route, plein pot. Je me jette la tête la première dans la faille au niveau du toboggan d’argile. Je calcule ma trajectoire au plus large. Car je me vois mal avec mes 4 blocs, la tête en bas et les pieds en l’air. J’imagine déjà la suée et la grosse colère pour sortir d’un traquenard pareil. Enfin, je passe le point à moins 36. A partir de là, c’est fini. Temps aller et retour, 70 minutes. J’entame la déco. Je remonte doucement. Arrêt à 21 mètres, à 18, à 15, à 12, à 9 et à 6. Et là pendant presque une heure, je médite sur ma pointe de radin. Trente mètres de découverts ! Quelle misère ! Tu parles d’un pointeur ! Pacotille ! 70 minutes pour parcourir 800 mètres, 10 mètres minute, tu parles d’une moyenne ! Bon si je veux me trouver des circonstances atténuantes, je peux toujours mettre en avant les étroitures, les nombreux passages qui raclent, les Yo-Yo, etc. Mais bon quand même.
J’oscille comme ça entre la joie d’avoir découvert 30 mètres de plus, deux salles magnifiques, encore une parcelle de terra incognita ! Mais en même temps, la déception de ne pas avoir trouvé la suite, de voir encore une fois la galerie nous prendre pour des wagonnets de montagnes russes, m’exaspèrent.
Bon, après trois heures dix de plongée dont 100 de paliers, je ressors en pleine forme. Je marche… Vu le profil spécial petite bulle coinceuse, je blinde la déco. Plutôt trois fois plus ! J’exagère ! Oui, oui, mais je préfère me les peler un peu plus longtemps et reculer l’éventualité d’une visite au caisson. Il est 5 heures du soir, le soleil s’éclate encore dans le ciel bleu. L’Anglin coule peinard. Les petits oiseaux gazouillent, je repense à tout là bas et déjà je regarde la prochaine plongée où je retournerais au fond pour voir encore un peu plus loin comment ce sera. Voilà une belle ballade souterraine et une belle journée d’été. Le lendemain, je replonge peinard pour vider la source des 2 dernières bouteilles. J’emmène un Nikonos et je grille une pellicule. Je ne me fais pas des illusions sur les résultats, mais bon, il faut bien essayer. J’expérimente les joies du fil, de la touille, de le flottabilité, du courant, du flash, de l’appareil.. Avec ça, si je parviens à sortir 2 ou 3 clichés potables, je serais heureux. Bon, bien maintenant, il ne nous reste plus qu’à méditer sur la prochaine pointe. Comment améliorer les gaz, optimiser la déco, etc. Et puis la prochaine fois, je me fendrais peut être d’un peu plus de distance
Episode n°11.
Mai 2002. Week-end de l’Ascension.
Mercredi et jeudi, nous avons déposé les blocs de déco, de sécurité et les relais pour la plongée d'exploration". Vendredi, POINTE..... !
Résultat des courses : 100 mètres de plus dans les sous-sols berrichons. Ancien Terminus à 400 mètres, Profondeur 39 mètres. Nouveau à 490 mètres, Profondeur 48 mètres. (10 mètres de plus ont été tiré, mais sans trouver de suite évidente, alors 1/2 tour et renbobinage...) Profondeur moyenne d'évolution dans cette zone, 38 mètres. Samedi, finir de vider la source de toutes nos bouteilles. Dimanche, ballade et tentatives de prises de vues vidéo...!?
Résumé (rapide) de l'exploration: Nous nous étions arrêté en bas d'une montagne d'argile, dans une salle assez grande. La suite se trouve derrière cette dune, en bas de la pente, un rétrécissement conduit à une seconde salle, encore plus grande. A nouveau une dune se dresse devant nous. Progression dans le vide, rien à droite, rien au-dessus, rien en dessous à part l'argile au loin.(dimensions de la salle 20 m de haut au moins, 15 m de large, 30 m de long...) La paroi est retrouvée à gauche elle descend progressivement. Arrêt sur autonomie à - 48, avec vue à - 50. Le passage devrait peut être se trouver entre la paroi rocheuse et le bas de la dune... Plus on s'enfonce dans les galeries, plus c'est grand et plus c'est beau. Une farouche envie d'y revenir...
Les particularités et difficultés majeures sont : La lenteur de progression, liée aux nombreux passages étroits à franchir. Six étroitures sur 300 mètres! La vitesse de progression tourne autour des 10 m/minute. Le profil en montagnes russes impose de nombreuses variations de niveaux et de flottabilité. De plus, il pose un gros problème au niveau de la décompression. Le passage d’un premier point bas à -36 m, d’un point haut à -9 m et d’un nouveau point bas à -48 m ne nous offre pas un profil très favorable. Cette remontée à -9 m va nous contraindre à déposer une ligne de décompression entre les point -9 m et -30 m, soit entre 300 et 360 m de l’entrée. Ceci implique de nombreuses plongées de préparation.
PLONGEURS AYANT PARTICIPES AUX EXPLORATIONS BULLES MANIACS :
Michel Dessenne. Serge Cesarano, Hervé Cordier, Marc Ferrante, Joël Raimbourg, Philippe Wohrer, PE Deseigne.
UN GRAND MERCI AUX SPELEOLOGUES AYANTS SOUTENUS NOS ACTIONS :
M Tricoche pour ses info sur le passé glorieux de cette région. A Thierry Masson et Yvan Gillard, pour leur accueil et leur soutien. Et en guest star, Jean Luc Rouy et Christophe Gault pour leur aide souterraine.
COMMUNICATION :
La volonté de communiquer sur nos actions afin de valoriser le travail de chacun et de valoriser et/ou d’améliorer notre "image". Un reportage a été réalisé et diffusé sur FR3 Berry, au 19/20.
Articles dans Le Fil.
Articles dans Info Plongée.
BIBLIOGRAPHIE :
La grotte de la Roche Noire. J et C Lorenz. 1984. L’association des amis de Mérigny.
Plein Gaz. (Bulletin Périodique du CLAC). N°11 1989/190.
Plein Gaz. (Bulletin Périodique du CLAC). N°09 1987.
Plein Gaz. (Bulletin Périodique du CLAC). N°08 1986.
Nous remercions nos partenaires qui nous aident dans la réalisation de nos explorations :
FFESSM. Soutien matériel et financier.
VIEUX CAMPEUR. Equipement en matériel de plongée et de spéléo.
BIGATA. Equipement plongée haute pression.
PLONGESPACE. Pour le matériel photographique.
CLUB LATONICCIA. Aide matériel, compresseur.