PAR L GIODARNO ET B. POINARD.
L'aventure de la Fontaiaine des Chartreux a commencé, pour nous, il y a deux ans ; deux longues années de préparation physique el psychologique, où les plongées se sonl enchaînées, afin de rééquiper la galerie avec du fil d'Ariane neuf et se familiariser avec la cavité.
"Divona", comme son nom l'indique, est située sur la voie romaine. En 1990, des fouilles archéologiques ont été menées, permettant de remonter des milliers de pièces d'époques. Benoit a participé aux opérations, attrapant ainsi le virus de la plongée spéléo et le désir de pouvoir lin jour dévoiler les secrets de la source. Celle-ci se situe au bord du Lot, en plein coeur de la ville de Cahors, qu'elle alimente en eau potable. Son accès est donc réglementé et prolégé.
Les explorations ont débuté en 1947. Guy De Lavaur, le CRSA, la SOGETRAM, précéderont Claude Touloumdjian qui poursuivit l'exploration jusqu'à -133 métres en 1988, pour un développement de 250 m. La même année Cyril Brandt porta le point final a -137 métrés à 300 mètres de l'entrée. Hubert Foucard a exploré la base du puits (-100/-110 m) afïn de chercher d'éventuels départs, sans succès. Pendant dix ans, les explorations sont restées en l'état car les techniques n'étaient pas assez élaborées, de même que les équipes pas suffisamment structurées pour prétendre à quelque exploration au delà de ce terminus.
Début 1996, nous commençons par une plongée de reconnaissance dans la zone des -115 m, pour réaliser que l'équipement de nos prédécesseurs avait fini par lâche. Nous avons donc rééquipé méticuleusement cette portion en quatre plongées, le puits étant déjà muni d'une bonne corde de montagne.
Débui 1997, nous effectuons notre première plongée, à deux dans cette cavité, atteignant les -127 m. Nous avons choisi l'option du binôme pour gagner du temps dans l'équipement : le fond du conduit est couvert d'argile. L'un déroule le fil d'Ariane el l'autre se concentre sur les aliaches. Cette technique s'est révélée très efficace. Benoît est un de mes meilleurs compagnon de plongée depuis des années ; nous nous sommes déjà immergés ensemble en dessous de -100 m de nombreuses fois, dans des conditions parfois difficiles, élaborant ainsi une technique d'assistance mutuelle convaincante, une sorte de communion.
Bouteilles à très grande capacité
A la sortie de celte plongée, nous nous sentions fin prêts pour la grande aventure. Il nous fallait maintenant régler les problèmes techniques les uns- après les autres.
Une semaine de préparation pour fabriquer nos quinze Nitrox et nos vingt Trirnix, sans compter celles nécessaires aux plongées d'équipement et d'assistance.
Samedi 21 février 1998, réunion entre tous les plongeurs de Cahors et notre équipe habituelle composée de huit personnes. Pascal Bernabé va déposer quatre bouteilles à -115 m. Gérald Beyrand, deux blocs à -100 m et moi quatre autres bouteilles à -75 m. Les nouvelles du fond ne sont pas très réjouissantes puisque la visibilité ne dépasse guère les quatre vingt centimètres. Il est vrai que de fortes pluies sont tombées trois semaines auparavant. Celle inertie s'explique par un vaste bassin d'alimentation. Nous décidons de ne point remettre notre entreprise pour autant : en une semaine, les conditions peuvent changer de tout au tout.
La pression monte
Le vendredi suivant, nous sommes fin prêts. Bonne surprise, en arrivant au bord de la vasque, l'eau y est limpide. Les collègues de Cahors déposent les dernières bouteilles de décompression. La galerie est enfin complètement équipée.
Tôt, le matin, la pression monte. Les journalistes sont déjà là, ainsi que les représentants de fa municipalité et une équipe de cadreurs. Avec Benoît, nous essayons de nous isoler quelques instants afin de parfaire la concentration et de répéter une ultime fois les manipulations des bouteilles et du fil d'Ariane. Gestes décisifs pour espérer dépasser le terminus connu, mais également, et surtout, pour notre sécurité. Le moment de s'habiller arrive très vite. C'est avec quatre épaisseurs de fourrure polaire sous notre Néopréne que nous nous mettons à l'eau.
Le bric à brac du parfait plongeur
A -30 m, changement de gaz, ajustement du matériel, déclenchement du chronomètre, et c'est parti !
En parfaite harmonie, nous commençons à prendre de la vitesse, nous croisons les bouteilles de -75 m ; très vite, nous voici à -100 m. Nous palmons toujours vers le fond, la première, l'inconnu...
Cela fait six minutes que nous avons déclenché le chrono et. déjà nous sommes rendus à nos relais de -115m. Nous échangeons la cinquième bouteille de notre scaphandre qui doit nous permettre d'atteindre le point final de notre équipement
là, commencent les longs développements de la zone, des -120/-125 m. La galerie y est si haute que nous ne voyons plus le plafond. Nous gardons à l'oeil la paroi droite. Celle de gauche est bien souvent en limite de visibilité. Nous finissons par rejoindre notre terminus précédent à -127 m. Nous déposons le relais et déroulons notre cordelette en nous déportant de l'équipement de nos prédécesseurs, dont il ne reste que des bribes éparses.
Le piquet final, enfin...
Nous enfonçons nos piquets sur plus d'un mètre dans l'argile sans difficulté.
Vers -128 m, la galerie se rétrécit sensiblement, ne faisant plus que quatre ou cinq mètres de large, le sol se transforme en un champ de blocs d'argile compacts. Le palmage est délicat, la visibilité catastrophique.
Le premier dévidoir terminé, nous amarrons le second que je commence à dérouler, Je le trouve dur. et pour cause : je n'ai pas enlevé le frein ! Nous apercevons, enfin, le piquet d'amarrage final de Cyril Brandt, l'émotion est immense, nous partons vers l'inconnu.
Soudain, une implosion vient troubler notre concentration,
le phare de Benoit n'a pas aimé la pression. Heureusement, la deuxième
parabole reste intacte. Une différence morphologique de la galerie attire
notre attention : la glaise du fond a laissé la place à une roche
bien propre. Pas de doute possible, nous sommes bien dans la galerie principale,
là où l'eau fraye son chemin depuis des millénaires.
Nous palmons en aveugle
Cela descend tranquillement, néanmoins la pente semble s'accentuer, en limite de visibilité. Nous avons parcouru un peu plus de 40 mètres de première a -138m, il est bien temps de faire demi-tour. De Benoit qui palme devant moi, j'entends la respiration et je ne vois rien, sinon la cordelette que je tiens précieusement dans la main. Nous palmons en aveugle...
Le retour est pénible, en récupérant les blocs au passage, pour nous éviter une nouvelle de plongée de récupération du matériel, beaucoup trop pénalisante en temps de décompression.
Nous arrivons au premier palier à -100m, heureux du résultat, mais dubitatifs sur le choix de notre table. En effet, cela fait plus de 60 minutes que nous sommes entre -100 et-138 m, et no us avons palmé 500 mètres! Nous partons donc sur 486 minutes de paliers, pensant que cela pourrait être suffisant.
A -50 m, Pascal vient à notre rencontre, pour nous délester d'une dizaine de blocs, nous commençons à savourer notre victoire...
Le reste de la décompression s'est déroulée sans encombre (si ce n'est un détendeur qui a explosé !), entrecoupée de la visite des copains, du cameraman et du photographe. I.es deux dernières heures se sont faites à l'oxygène pur, nous étions assistés tout du long par un collègue. Une assistance de haute qualité orchestrée en surface par Gérald Beyrand.
Nous sortons du liquide à Ï3 h 15, après 10 heures d'immersion dans l'eau à 12°C.
Douleurs articulaires
La plongée ne s'est pas achevée si facilement que ça puisque trois heures après notre sortie, nous souffrons tous deux de douleurs articulaires au genou. Selon Jean-Pierre Imberi, il s'agit d'un léger ;'bend" dû au long temps passé au fond, cumulé avec l'effort du pal-mage. Nous étions en limite de table. Pour la prochaine exploration, il lui faudra donc les modifier en augmentant la PPO2 au palier et en allongeant les temps d'oxygène.
PLONGEE DES CHARTREUX
La fontaine des Chartreux n'a pas fini de nous révéler ses secrets, d'autres expéditions sont prévues en 98/99 pour nettoyer la zone des -90 m, -115 m, et poursuivre l'exploration au-delà de notre terminus, Ces plongées expérimentales (temps passé au fond, durée des paliers...) ne manqueront pas à moyen terme de faire évoluer la plongée sportive en général (nouveau matériel, nouvelles tables, nouvelles procédures...) grâce au soutien de professionnels et de passionnés sans qui rien ne serait possible.
Un nouveau bulletin : " Le Fil " Le Fil attend vos articles pour le
prochain numéro, en attendant bonne lecture du ifl de juin 98 et
bonne plongées... Responsable de la publication : Claude Touloumdjian -125. rue faubert -13005 Marseille - Tél. : 0491489710. Rédaction et diffusion : Laurent Caillere -1, rue Pkiiippe-Bellocq - 67450 Mumdolshein - Tél. : 03 88 202010. |
team Octopus Plongée Extrême à Cahors |
Au total, plus d'une vingtaine de personnes se trouvaient là, dont une dizaine de nouveaux membres du Team. Ceux-ci ont pu assister en direct à la préparation et à la mise à l'eau des plongeurs de pointe, à toutes les plongées d'assistance qui se sont déroulées au cours de la première journée, jusqu'à la sortie des deux plongeurs, dix heures après leur immersion.
Les nouveaux membres du Team ont été particulièrement impressionnés par la quantité de matériel mis en oeuvre pour une telle plongée : il a fallu 2 semaines de préparation, 36 bouteilles de mélanges aul total, dont 14 de trimix, une plongée à -115 mètres de Pascal Bernabé, deux plongées à -100 mètres de Gérald Beyrand, une douzaine de plongées entre -60 et -6 mètres pour installer les bouteilles de nitrox pour la décompression. Ajoutez une dizaine de plongées d'assistance au cours de l'opération et encore autant le lendemain pour évacuer le matériel et vous aurez une idée de l'ampleur de l'opération...
Après la sortie des deux plongeurs, à 23 heures, autour d'une bonne table, l'assistance a pu écouter le récit à chaud de l'exploration : un conduit immense, dont les deux plongeurs ne voyaient pas le plafond, allant en se resserrant vers la fin, des plaques de glaise qui, progressivement, laissent la place à un sol rocailleux. Le lendemain, les nouveaux membres du Team qui étaient présents ont pu goûter aux émotions de la plongée souterraine par une petite immersion d'initiation dans la vasque. Certains y ont même pris goût et en ont redemandé... De l'avis de tous, cette expédition a été une réussite. Vivement la prochaine !
Plongeurs ayant participé à l'expédition :
Ludovic Giordano, Benoit Poinard, Pascal Bernabé, Gérald Beyrand, Jean-Baptiste! Beyrand, Renaud Boutinon, FrançoisJ Altabaz, Bruno Maître, Philippe Bompa, Christophe Coudouin, Arnaud Legros, Paul Poivert.