GROTTE DE SAINT MARCEL BIDON, ARDÈCHE par Philippe Brunet |
|
CONTEXTE Le réseau des grottes de Saint Marcel d'Ardèche est l'un des plus grand de France (43 km en 2002). Son exploration a débuté il y a plus d'un siècle par les grandes galeries du réseau 1, dont une partie est aujourd'hui aménagée. Depuis, et en particulier dans les années 1970, de nombreuses découvertes permirent de connaître les réseaux 2, 3 et 4. En plusieurs points, parfois très éloignés les uns des autres, l'eau était atteinte sans que le niveau noyé ne soit connu. Les mises en charges et les décrues à priori peu cohérentes laissaient imaginer une structure complexe avec une alimentation multiple provenant de l'Ardèche et par plusieurs origines, des plateaux de Gras. Depuis 1994, les explorations ont principalement porté sur le réseau noyé. Les premières et topographies réalisées en siphon et post siphon à cette occasion dans le système « Saint Marcel, et des pertes et résurgences proches représentent près de 13 km, dont 7 km pour ce qui devient le réseau 5, c'est à dire l'actif actuel de Saint Marcel. Les terminus de 6 siphons, perte de la Cadière, source de Deloly, source du Bateau et P70 de St Marcel sont à moins de 500 mètres les uns des autres, parfois à moins de 100 m et à des profondeurs proches. Les jonctions restent à faire. PRINCIPAUX RESULTATS 2002 Le projet Saint Marcel faisait partie des explorations retenues au niveau national par la Commission Nationale de Plongée Souterraine de la FFESSM et reçoit à ce titre une aide financière de la FFESSM. Les explorations du projet St Marcel se sont déroulées sur des WE souvent prolongés, en avril, juin, juillet, août et septembre. En 2002, l'exploration s'est poursuivie d'une part aux pertes de la Cadière qui alimentent en partie les réseaux noyés de Saint Marcel d'Ardèche et d'autre part aux siphons du « P70 » situé à l'ouest du réseau de Saint Marcel. La météo cette année encore n'a pas été favorable aux plongeurs spéléos, avec un temps médiocre et souvent froid. La mise en chômage (nettoyage) du lac barrage en amont de Vallon pont d'arc, a interrompu la régulation habituelle l'été, de la rivière Ardèche. Ainsi des petites crues d'environ 1 mètre gênaient régulièrement les explorations. Les plongées prévues le we du 7 et 8 septembre ont du être ajournées malgré la présence du matériel dans la grotte à 7 m au dessus de l'eau au fond du réseau 3, car les pluies régulières en cette fin de l'été, avaient refermé les siphons temporaires qui en défendent l'accès. Une crue exceptionnelle le week end du 7 septembre 2002 dans le réseau actif de Saint Marcel, a permis d'observer la résurgence des eaux de Saint Marcel par la sortie historique en excavant le remplissage en place. Ce phénomène n'avait jamais été décrit. La mise en charge dans le réseau a atteint près de 47 mètres. Il est certain que les siphons et les galeries d'accès auront été fortement modifiés par cette crue. 15 plongées ont été réalisées, 8 pour le P70, 7 pour les pertes de la Cadière. Ces plongées ont été précédées ou suivies par l'équipement des puits verticaux et le transport du matériel nécessaire aux plongées. Un week end a été consacré à l'observation de la crue exceptionnelle sur le plateau de Saint Marcel et de ses conséquences et un week end a permis de réaliser la restitution des explorations vers les différentes autorités. Malgré les conditions de plongées très difficiles (il ne s'agissait que de plongées en pertes et l'abondance des pluies avait provoqué la turbidité de l'eau et augmenté la force du courant), 993 mètres de premières et 1097 mètres de topographie (une galerie plongée en 2001 n'avait pas été topographiée) ont été réalisés. L'actif s'avère très complexe à l'image de la partie exondée baptisée "le labyrinthe" dans le réseau 2.
L'ensemble des résultats ont pu être présentés à 2 membres du comité scientifique de la réserve, aux maires de Saint Marcel et de Bidon, au directeur de la réserve et au président du CDS 07, lors du colloque ARSPAN sur l'environnement souterrain qui s'est tenu à Saint Marcel au début novembre2002. P 70 ou la rivière des Gras Le P70 est situé dans le réseau 3. Son accès se fait après 3 kilomètres de galeries dont un ramping de 400 mètres. Le puits proprement dit, (série de puits totalisant un dénivelé de près de 70 m) débouche à l'une des extrémité d'une rivière exondée de 110 m de longueur . Celle ci donne accès à des siphons amont (205m, - 19) et aval (415 m, -35 m). L'accès délicat (distance, « ramping » et puits d'accès) et la mise à l'eau à partir d'un ressaut glaiseux situé 7 m au dessus de la rivière, compliquent l'exploration. Le P70 cache bien son jeu. Pour l'atteindre, les 400 m de ramping font en réalité 700 m entrecoupés heureusement de quelques portions normales qui font rêver. La galerie des lacs s'est asséchée. Il ne reste plus de l'équipement des années 70 que des câbles clairs en vires, incongrus, et un pont suspendu métallique enjambant un lac qui se franchit aujourd'hui sans péage en se mouillant à peine les bottes. Juste après, alors que la galerie est désormais très haute, le plafond s'abaisse brusquement pour un nouveau ramping. Le P70 ne totalise qu'un peu plus de 50 m de dénivelé et encore par crans successifs. Ce serait presque agréable s'il n'y avait cet enduit gluant qui macule les cordes, graisse et enrobe descendeur puis croll, alourdissant homme et matériel. Les topographies seraient plus réalistes si les distances s'étiraient en fonction du temps mis à parcourir les galeries et non pas en fonction des longueurs réelles. Ici la boue est omniprésente, épaisse, grasse, collante, noire. Ce n'est plus l'aridité du causse, les ciselures minérales d'une corrosion actuelle mais les reliefs de crues nourricières. Le limon est riche, abondant, renouvelé chaque année par l'ardèche. Car l'Ardèche est là, du moins elle vient jusque là. Les déchets plastiques en témoignent, emballage de lions échoués 8 m au dessus de la rivière. La préparation se fait sur le dernier palier du puits en pataugeant dans un cloaque légèrement putride. Une dernière descente sur corde, palmes aux pieds aboutie dans l'eau, la rivière est là, large de 8 mètres. Les mouvements libèrent de la vase de belles bulles de méthane odorantes. La jonction avec la perte de l'Ardèche est à l'amont, forcément, compte tenu des nombreuses traces. Car pas de doute, il y a ici un aval et un amont. L'amont donc, vers l'ouest débute paisiblement par une rivière haute de 4 à 8 m, large de 8 mètres, bordée de talus argileux. Une salle proche du départ s'ouvre vers l'Est. A partir de là, l'eau n'arrive plus qu'aux genoux, elle est peu profonde cette année et il faut marcher lourdement dans un sol préhensible. Après 100 mètres de succion, un puits rocheux tranche dans cet univers mou. Il descend d'un jet jusqu'à 18 mètres. Puis le conduit se redresse et débute une remonté lente. Le courant se fait sentir très nettement au fond alors qu'il n'est pas sensible dans la partie exondé. La visibilité ne permet pas de voir où il se perd. Le conduit est vaste, de section circulaire avec par endroit une zone de lames horizontales bien marquées à mi hauteur. A 207 m, pour 16 mètres, une belle arche fracturée barre la rivière fournissant un amarrage remarquable. Christophe arrête l'exploration à 302 mètres pour une profondeur de 10 mètres, l'eau étant toujours sale et fraîche (14 °C). A l'aval , au droit de la mise à l'eau, le siphon plonge immédiatement. L'eau est sale. Sale bien sur puisque perte alimentée par l'Ardèche, sale aussi car poissonneuse. Le directeur de la réserve naturelle dit rencontrer des difficultés pour l'évaluation des poissons vivants dans la rivière. La pêche électrique utilisée pour les comptages est de faible portée et n'attire que les plus petits spécimens. Ici, au calme, toutes les tailles sont représentées dans une extrême diversité. Aloses égarés, alosons brillants, anguilles sinueuses, poissons chats verts ou noirs, carpes musculeuses, barbeaux massifs, chevesnes, perches colorées mais pas de truites. Tous ces poissons dansent autours du plongeur, s'approchent, l'évitent, reviennent tour à tour attirés puis repoussés par la lumière. Ils ne font pour autant aucune attention à leurs déplacements, d'une nageoire énergique ou d'un souple déhanchement, ils voguent dans un nuage de « touille ». Ce n'est pas le plongeur qui perturbe l'onde mais le poisson ! Paradoxe. Je préfère pourtant leurs divagations brouillonnes à l'immobilité putride de leurs congénères occis par la pollution de Noël 2001, qui impriment un peu plus bas, à 60 m de profondeur, leur empreinte dans la vase molle de la source du bateau. Elle deviendra pour les hôtes de la terre du futur une superbe dalle de poissons fossiles, témoin d'un cataclysme éphémère. La perte aval débute à faible profondeur, les amarrages se faisant sur la voûte à 2 m, là où se trouvent de nombreux becquets. Après 100 m environ, à 6 mètres, le plafond remonte alors qu'un puits perfore le sol de la galerie. Ce ressaut ne descend que de 5 mètres pour aboutir dans une galerie de même faciès que l'amont noyé présentant une pente prononcée (10 %). A 200 mètres, un nouveau puits glisse de 20 mètres à 35 mètres. La roche est lisse et ne présente aucune aspérité permettant de fixer le fil d'ariane. Pour la deuxième fois (c'était le cas en haut du puits) il faut sculpter une lame d'érosion afin d'y creuser deux entailles. Le dérouleur parisien montre une autre facette de sa polyvalence, même si l'alu fatigue. Attention, il faut maintenir le fil tendu afin de ne pas le couper entre la roche/enclume et la flasque/marteau. La galerie prend alors une direction opposée à celle du début et tourne de façon étonnante vers le Nord. Un dernier virage vers l'Est amène à 35 mètres à 419 mètres du départ du siphon. La visibilité exécrable ne donne aucune certitude d'autant plus que l'espace est vaste. La recherche, vaine, de prises au sol puis sur la paroi permet d'estimer à 4 ou 5 mètres la hauteur de la galerie. La largeur semble approcher les 6 à 8 mètres, ce qui correspond à la partie exondée. Au terminus toutefois, l'impression est d'être au bord d'un espace encore plus grand. Amont du bateau ? Amont de « l'Aval profond » découvert il y a quelques années au nadir de la cathédrale ? ou simple psychotage ? L'avenir le dira peut être ! La dernière plongée à durée 2 heures dont 1 heure de paliers bien froids. Les plongées suivantes devront se faire en partie au nitrox et intégrer des paliers oxy. Ceci va alourdir les plongées et obliger à des portages encore plus conséquents. Il faut noter que la turbidité de l'eau empêche le plus souvent de pouvoir lire les informations des manomètres, de la table ou de l'ordinateur. Le risque compte tenu de la profondeur, du courant, de la turbidité rend les plongées .. étonnantes., et un tantinet engagées. En 2002, nous avons subit lors d'une plongée les pannes successives de la fenzy, d'un détendeur puis de l'ordinateur. Pertes de la Cadière (lien cavité ) Les pertes de la Cadière sont atteintes en remontant l'Ardèche sur 2 km. L'arbre de 20 mètres de long qui avait été perché en 2001, juste devant la faille donnant accès à la cavité, à 10 m au dessus de l'Ardèche, est reparti. Par contre un feu a été allumé par un original ! dans les branchages entassés qui gênaient l'accès. Bien sur le résultat est nul les branchages étant toujours présents, si ce n'est de nous salir à chaque passage !. Le siphon 1 ayant été totalement comblé cette année par les crues, nous sommes passés par le diverticule latéral découvert heureusement en 2001. Malheureusement, cet accès est plus long, impose 500 m de ramping pénible dans une zone comportant plusieurs poissons morts, au fumet prononcé! Le terminus a été prolongé de près de 200m et est aujourd'hui à 917 m de l'entrée pour une profondeur maximum de 15 m. Compte tenu des galeries parallèles découvertes, cette distance est donnée en mesurant le parcours « théorique » le plus court de l'entrée au terminus. Ceci ne traduit pas la réalité de la distance parcourue pour aller au terminus qui est en réalité de 1100 mètres environ. Deux galeries exondées ont été découvertes. L'une est une galerie parallèle à un siphon, l'autre un affluent remontant, d'une longueur de 150 m alternant des boyaux étroits et de vastes salles de décantation (l6 m x L20 m x h 6m). Arrêt sur siphon vierge. La poursuite de l'exploration sur le coté Sud de la galerie terminale n'a pas donné de bons résultats : les prises sont inexistantes, le fil de l'année passée arraché et la galerie semble tourner vers le Nord. La turbidité de l'eau finit par empêcher toute progression, la suite est perdue devant ce qui semble être un mur de vase. Demi tour pour de vagues prises de direction en rembobinant le fil déroulé. La reprise de l'exploration sur le flanc Nord de la galerie donne de meilleurs résultats : Le fil cassé de 2001 est rapidement retrouvé. Le becquet qui finissait idéalement l'exploration précédente a parfaitement rempli son rôle. Il se trouvait auparavant en haut d'une montée sableuse au milieu d'un vaste laminoir bas dont le sol meuble semblait vouloir engloutir la voûte. Aujourd'hui le passage est plus vaste, la dune a bougé, s'est étalée vers l'ouest à l'opposé du sens de la perte ! La section du conduit, au delà est plus vaste, du moins au retour puisque l'aller s'est fait en rampant le long d'une paroi dans une « section piège ». Ce plafond intermédiaire abandonné, la galerie devient plus haute que large, déchiquetée. Ici, les prises sont trouvées facilement. Une diaclase, sans doute une faille est le lieu de plusieurs départs éventuels. Pas de courant pour aider dans le choix et toujours une visibilité médiocre. La rivière par vers le Nord puis un décrochement repart à l'Est. La profondeur est stable, raisonnable et l'eau reste chaude (17 °C). Toutes les conditions sont réunies pour pouvoir traîner malgré l'éloignement. La fin 2002 sera dans une cheminée aveugle qui remonte à 6 m. La suite est perdue, mais se trouve sans doute au bas de la cheminée. En fait l'ensemble du conduit est envahit de sédiments qui se déplacent au gré des crues. Les pertes de la Cadière sont tour à tour pertes et résurgence selon les apports respectifs des eaux météoriques et de l'Ardèche. Au départ du siphon 3, (actuel siphon terminal) une langue d'alluvion se profile au sol, au milieu de la galerie. Ceci suggère irrésistiblement la présence d'un affluent latéral. En effet, celui ci se trouve derrière un décrochement sur le coté Sud. La galerie de 2 mètres de diamètre se poursuit par une belle galerie exondée « en conduite forcée » ascendante vers l'Ouest. Celle ci s'arrête après 100 m au milieu d'une faille transversale. L'eau envahit le fond de celle ci 4 mètres en contrebas. En transparence, un fil raye l'eau. Ce conduit est un shunt du siphon 2 et aboutit dans la cloche qui se situe exactement au milieu du « siphon shunt », tout près de la salle du lac. Pour autant ce raccourcis est inutilisable car perché à l'étiage et implongeable lors des crues. Il permet cependant de raccourcir formellement la distance au terminus de plus de 100 m. Dans l'axe de la faille, mais dans la galerie menant au siphon 2, un affluent exondé provient du Nord et serpente entre des talus d'argile. Frédéric tente de passer et y arrive. Derrière, les rampings caillouteux succèdent aux salles de décantation. Un ruisseau très clair coule en cascadant sur le sol. Après 150 mètres, le terminus est atteint au bord d'un nouveau siphon. Le report topographique montre que cet affluent se développe exactement sous l'aven Noël. Le développement du réseau en septembre 2002 est de 1850 m. La visibilité exécrable dans la perte et les branchages noyés gênent considérablement les explorations de cette cavité complexe. Déroutant, oui le réseau 5 de Saint Marcel est déroutant. Dans les années 70, il était pressentit, intrigant et excitant la curiosité des explorateurs qui l'égratignaient parfois, comme au Solvay sans jamais le déflorer réellement. Dans les années 80, quelques plongeurs pénétraient des siphons très éloignés les uns des autres. L'absence de topographies et de synthèse laissaient orphelines ces pièces de puzzles abandonnés. A partir des années 90, AVENS reprit l'exploration systématique des siphons. Les topographies laissèrent supposer des jonctions qui se firent peu à peu. L'actif, étriqué dans ses anciennes limites grandit de toute part pour former un réseau de plusieurs kilomètres, et laissant espérer plus de 10 km très prochainement. Du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, il sous mine et double parfaitement son aîné. Certes, ce n'est plus un géant quoique souvent de belle taille mais du moins il s'étend très largement, allant au delà des limites du St Marcel exondé ; Déroutant car ce réseau 5 est une alliance, une convergence de plusieurs rivières qui s'évitent puis se mêlent avant de s'écouler vers des horizons très différents. La première rivière que nous avons explorée en 1994 est l'Eau Noire . Noire, certes elle l'est, pourtant sous nos lampes elle scintille et nous émerveille. Première, elle l'est naturellement, car elle s'écoule de l'Est directement du plateau de Saint Marcel. L'Eau Noire est la rivière de Saint Marcel qui coule aux tréfonds du bois des géantes. On accède à cette rivière à partir du « réseau A », par une galerie d'équilibre. L'argile qui se dépose là à chaque crue s'amoncèle d'année en année tentant patiemment de combler le passage. Cas d'école, les traces d'écoulement sont clairement dirigées vers l'amont. C'est qu'ici elles se sculptent lors de la décrue, lorsque la rivière regagne son lit. De ces épisodes humides reste un lac suspendu qui défend l'accès, obligeant les porteurs naturistes à « s'immerger » jusqu'au cou avant de déraper vers la vasque au sol mouvant qui marque l'étiage. La suite est logique, les 150 premiers mètres de siphon ne dépaysent pas et garantissent un retour onirique. L'argile est là, omniprésente en talus profond. La surprise vient après un dernier virage, brutale, minérale. Le collecteur est là, propre !. Pas seulement propre ou clair, mais acéré, corrodé et vaste. Il s'agit bien d'une véritable rivière. L'absence de toutes traces d'argile ou de sable, le peu de rochers posés au sol témoignent des flots tumultueux qui doivent passer là. Le cours se remonte en s'enfonçant de plus en plus dans une boucle étrange. L'eau surgit de l'amont, du fond d'un puits énorme, « l' AVENS » qui occupe tout le sol de la galerie. De là, l'eau s'écoule en se divisant, au Nord par la galerie oubliée et au Sud par la galerie du Forez . Deux puits opposés font revenir à 20 m puis les galeries se rejoignent au niveau de l'accès par la galerie d'équilibre. Vers le Nord Ouest, l'aval se poursuit. A l'exact opposé, au bas de l'AVENS, le collecteur a encore forcit. Il coule durant 400 mètres à une profondeur d'environ - 60 m. La roche toujours propre, très blanche et l'eau cristalline font de ce parcours d'1 km un véritable plaisir que les porteurs ne peuvent pas imaginer. Eux doivent attendre en tremblant de froid dans la boue. L'exploration s'arrête à 30 m dans une série de puits remontants. Plus à l'Est encore, la rivière est de nouveau retrouvée au bas d'un vaste puits dans un collecteur exondé qui s'ennoie périodiquement. L'amont qui reste à découvrir est au delà d'un nouveau siphon. La rivière du Solvay est plus modeste. Elle rejoint l'Eau Noire quelques centaines de mètres après la galerie d'accès. La rivière du Solvay est une rivière temporaire formée de galeries exondées séparées par des siphons suspendus. Tout comme l'Eau Noire, la taille humaine des galeries soit 2 m par 3m environ, montrent la faible étendue du « bassin d'alimentation ». Elle vient du Nord, du village de Bidon. Plus jeune, sans réserve, elle dépend rapidement des pluies qui tombent sur la cuvette de Bidon (Voir plus loin, la crue du 7 septembre 2002.). Elle aussi surgit d'un puits profond encore vierge de toute plongée. Car le réseau 5 quelque soit son origine, semble toujours venir des profondeurs. Pourtant, l'eau doit descendre rapidement du plateau pour rejoindre en crans successifs l'actuel niveau de base local, là où jadis les 3 grands réseaux préexistants se rejoignaient. Après avoir reçu l'affluent du Solvay, la rivière de Saint Marcel coule vers l'Ouest. La galerie a une section d'environ 6 m par 3 m. Elle s'assèche après quelques centaines de mètres et se poursuit à l'air libre, c'est « le grand passage ». Pourtant l'actif n'est pas perdu. Il part au Sud par une petite galerie d'1 mètre de haut d'abord exondée, parcourue en permanence d'1 filet d'eau puis noyée. La taille des galeries prouvent qu'un fort débit est impossible ici. Le fil d'ariane systématiquement déchiqueté montre la violence des courants de crue. Cette galerie qui est l'exutoire d'étiage aboutit à une faille qui s'enfonce très rapidement jusqu'à 60 mètres où coule un fleuve souterrain majestueux : l Aval Profond . Ce Styx est large de 10 mètres pour 5 mètres de haut. Les voûtes sont ornés des vagues caractéristiques de Saint Marcel. L'eau est chaude ou froide selon la saison, toujours trouble. Il s'agit de l'Ardèche souterraine ! La galerie exondée, « le grand passage » se poursuit vers le Nord Ouest sur 1 km environ. Une bifurcation descend sur la crypte qui se termine sur une faille emplie d'eau. A l'ouest la galerie qui a fortement diminuée de section prend un caractère plus juvénile. Des arrivés d'eau au plafond montrent les zones d'alimentation. Enfin le terminus est atteint également sur une faille, la même qu'à la crypte. La descente est plus longue avant d'atteindre l' antichambre où un dernier puits donne sur l'eau. Ce Grand Passage voit passer l'eau dans tous les 2 sens selon les débits respectifs des différents affluents et les capacités d'absorption des exutoires. La troisième rivière est boréale, nordique, vive, fraîche, permanente, abondante et cristalline. Elle bondit du plateau des gras et creuse sans complexe une galerie digne des temps anciens. La Rivière des Gras descend de la dent de Retz, elle surgit pourtant aux frontières Nord des grottes de Saint Marcel du fond d'un puits déchiqueté exploré jusqu'à 65 m. Elle remonte peu à peu et se divise à 40 m de profondeur. Une galerie sans courant aboutit après 300 m à une faille qui remonte rapidement vers la Crypte. Vers le Sud, l'aval se poursuit à une température de 13 °C. La suite de la rivière s'atteint par le P80 pour 455 m de rivière toujours claire mais où des talus d'argile dure bordent les parois. La suite est rejointe encore plus loin par le P70. Là, la rivière est sale et plus chaude. Les poissons font également leur apparition. Nous sommes pourtant encore à plus d'1 km de l'Ardèche en ligne droite !! Les eaux d'une perte de l'Ardèche ont donc rejoint la rivière des gras. D'ailleurs la température de l'eau a augmenté d'1 °C. Les pertes de la cadière et leurs eaux à 17 °C sont toutes proches (400 m) mais semblent trop au Sud vers l'aval. Une autre arrivée doit être située dans la portion de galerie restant à explorer entre la rivière du P70 et celle du P80. L'extrémité de la grotte Deloly et son siphon d'1 km située à moins de 100 m de là et qui sert d'exutoire de crue reste lui aussi à jonctionner. La crue exceptionnelle du 7 septembre 2002 résultant des pluies abondantes sur la cuvette de Bidon a confirmé nos hypothèses sur les écoulements. Le réseau 5 se dessine peu à peu même si la Source du Bateau n'est pas encore atteinte, ni le collecteur principal. Encore une fois une campagne d'exploration se termine avec encore plus de siphons à explorer. CRUE EXCEPTIONNELLE DE L'ARDECHE, LE LUNDI 9 SEPTEMBRE 2002 Dimanche le centre de veille indiquait "pas de crues prévues sur l'Ardèche ». Une crue d'1 m avait eu lieu le mardi 3 septembre puis de nouveau Mercredi 4 septembre. L'eau de l'Ardèche était alors verte, les sources du bateau et de l'écluse montant en crue avec une eau cristalline. Le niveau était redescendu samedi 7 septembre et dimanche 8 septembre à + 50 cm, l'eau des résurgence étant toujours cristalline. Dimanche 8 septembre, La pluie a commencé vers midi, j'explorais avec un collègue depuis 11h du mat, les pertes de la Cadière qui se développent à 1 m au dessus du niveau d'étiage de la rivière. Nous sommes sortis à 16 heures pour "assurer" sans avoir fini d'explorer les galeries découvertes. L'Ardèche est alors stable, voir en légère décrue. L'orage se déclare vers 18 heures puis s'accentue. Toute la nuit il pleut très fort sur le plateau de Gras. L'Ardèche est toujours calme vers minuit, mais les sources du Bateau et de l'écluse sont en crue, l'eau étant marron. A 5 h du matin, l'eau de la rivière est montée de 4 à 5 mètres. A 8 heures du matin l'eau est montée de 6 m de plus (soit 2 m par heure) puis cela se ralentit sur le dernier mètre. La grotte Deloly située environ 17 m au dessus de l'étiage vomit un flot d'eau boueuse (début dans la nuit) de plusieurs m3/s. A 8 heures, le mur fermant l'entrée naturelle de St Marcel se sous mine par une excavation qui fera 5 m par 0,5 m. Un torrent furieux en sort et monte à plus de 2 m de haut (les grilles des fouilles sont arrachées) des arbres sont arrachés. A 10 heures cette rivière coule. A 11 heures Frédéric Bonacossa et Philippe Brunet évaluent à 5 m3/s le débit. Le torrent se tarie peu à peu. A 17 heure il reste 10 cm d'eau par 5 m de large. Cela ne coule plus a 18 heures, le fond du trou est visible. Le samedi la rivière des Gras nouvellement découverte à l'ouest du réseau ne subissait (comme l'Ardèche ) qu'une crue de + 1 m environ. Les lacs et voûtes mouillantes temporaires du réseau 3 étaient totalement remplis. (le dimanche précédent tout était sec!). Enfin, A Bourg st Andéol, les gouls étaient encore en crue à 15 heures. L'eau allant de la tannerie au mur du parking, l'eau étant montée de 1 m dans le lavoir, soit a mi parapet du pont. Le petit goul coulant dans la totalité du vallon jusqu'en haut de la balustrade de la passerelle et dans le square du dieu Mithra pour 1 m. Le mur de clôture effondré permettait à l'eau de rejoindre le pont. Le grand Goul étant a 15 heures remplit jusqu'à la voûte. Ceci montre la vitesse de la montée des eaux et l'absence de certitude obtenu par le centre de veille anti crues. Il semble que seule la cote d'alerte de + 10 m (il est interdit de camper dans cette zone) soit réellement prise en compte. Autre élément à noter, le renforcement important du courant dans les pertes, et la fermeture de certains accès spéléos exondés, même si cela reste exceptionnel. ET EN MEME TEMPS En juin, le président du SGF nous contacte pour savoir si nous acceptons qu'ils fassent une plongée dans le réseau 3. Le S. G. Forez est le club qui effectua dans les années 70 un grand nombre d'explorations, en particulier dans ce réseau 3 où ils sont revenus récemment. Par ailleurs ils ont plongé en premier le réseau A avant de m'y conduire 10 ans plus tard. Nous acceptons donc volontiers cette plongée, sous réserve de disposer rapidement de la topographie des parties qui seraient découvertes malgré nos explorations en cours toutes proches. La plongée a lieu au début de l'été et est relatée le lendemain sur internet, « 455 mètres de galeries claires, peu profondes et fraîches ont été explorées. La topographie est faite et donne un amont de 350 m au Nord et un aval de 100 m vers le Sud ». Ceci semble placer cette galerie toute proche des terminus amont de la rivière des Gras et de l'aval du réseau de la Crypte. Malheureusement, nous n'obtiendrons les données topos indispensables à la poursuite de nos explorations qu'à la fin de l'été, après notre campagne de plongée. La galerie avale est en fait Sud-Est. A la demande du plongeur le détail n'apparaît pas dans notre rapport de 2002. En 2003, nous devrons refaire la topographie levée, compte tenu de son imprécision (certaines visées font 70 mètres voire 100 m !!). Pour la suite, compte tenu de ce comportement d'un plongeur, nous ne souhaitons pas que d'autres plongées soient faites à proximité de nos explorations par des plongeurs extérieurs au groupe AVENS qui explore avec succès et sans interruption Saint Marcel depuis 1994. REMERCIEMENTS Nous remercions la FFESSM et la DDJS 94 qui nous ont accordé leur aide financière essentielle pour pouvoir réaliser notre projet, Annie Flahaut pour son soutien constant et son accueil ainsi que le maire de Saint Marcel, celui de Bidon et les gestionaires de la réserve. Les explorations de 2002 ont existé grâce à une équipe de spéléologues et de plongeurs tour à tour porteurs et « canoistes » émérites, dont Frédéric Roux, Philippe Imbert, Anne Dutheillet, Pierre Boudinet, Frédéric Bonacossa, Philippe Brunet, Christophe Depin, Annie Flahaut, Eric Mabille, Guillaume Vermorel, Marc Faverjon, Stéphane Vigouroux, Pierre Remy Pichon. Mais l'attente interminable au bas des puits est certainement l'épreuve la plus difficile que le plongeur leur impose. Merci à tous.
|
|