Revêtement siphon

 

Par Michel Wienin

concressionnement par Frank Vasseur

 

A plusieurs reprises (Source des Eygues –12, exsurgence du Tibre -48) des plongeurs avaient observé, dans les siphons, une sorte de concrétionnement uniforme (sol, parois, plafond) assez particulier et limité uniquement aux parties noyées.

Interrogé sur l'origine et les raisons de ce phénomène, Michel Wienin nous répond.

Ce revêtement mamelonné doit correspondre, sous réserve d'études physico-chimiques, à un dépôt de type « entartrage » comparable à ce qui se passe dans un tuyau d'eau chaude (1).

Ce phénomène a lieu lorsque de l'eau très chargée en minéraux, du carbonate de calcium dans notre cas, atteint la limite de solubilité qui dépend de divers paramètres (température, pression, équilibre ionique…) : le minéral surabondant précipite alors (comme la vapeur d'eau qui se transforme en gouttelettes de pluie) et se dépose en partie sur les parois (2).. Ce cas est celui d'une eau ayant circulé assez longuement à une profondeur relativement importante, surtout si elle est à l'origine relativement acide et chargée en CO2, ce qui lui permet de dissoudre une quantité importante de calcaire. Au cours de sa remontée, elle se refroidit légèrement et surtout sa pression diminue, ce qui abaisse la quantité de CaCO 3 susceptible de demeurer en solution(3).. Si ce seuil tombe au dessous de la quantité réellement présente dans l'eau, l'excès précipite, en général à partir de germes cristallins préexistants, donc sur les parois(4). .

Si cette explication est bonne, on doit avoir ou avoir eu à la sortie :

- une eau saturée en carbonate de calcium, au moins en période d'étiage,

- une eau un peu « tiède » (au dessus de la moyenne locale qui doit être voisine de 10°) par suite d'apports profonds relativement importants.

(1) Il peut se rencontrer dans d'autres cas, en particulier une alternance de phases noyées et exondées avec dessèchement (d'où dépôt), ce qui pourrait correspondre à un régime ancien de l'exsurgence. On le trouve aussi (et même surtout) au voisinage de petites cascades par suite de la projection de gouttelettes et parfois même de la formation de brouillards de chute si celle-ci est assez haute.

(2)Avec des températures et des pressions bien plus importantes (quelques centaines de degrés et bars), susceptibles de dissoudre des sels métalliques, ce phénomène est à l'origine de la formation des filons de minerais (blende, pyrite, galène…) qui peuvent ainsi être considérés comme des sources thermo-minérales fossiles.

(3) Corrélativement, cela signifie que l'eau est plus agressive chimiquement sous forte pression que près de la surface : un siphon profond a normalement tendance à s'élargir davantage par dissolution des parois dans sa partie la plus basse, en particulier pour sa branche remontante. Inversement, la dissolution est faible près du déversoir et peut même, comme dans le cas du Tibre, céder la place à une re-déposition.

(4) La taille des mamelons diminue rapidement quand la température ou le courant augmentent. Ceux visibles au Tibre paraissent assez gros. On peut en déduire que l'eau n'est quand même pas très chaude et le courant assez faible, au moins en période de dépôt.

 



 

par Frank Vasseur