Guide d'apprentissage
des opérations du recycleur à circuit fermé
Par Richard L. Pyle (texte original : http://www.bishopmuseum.org/research/treks/palautz97/lgrb.html
Traduit de l’anglais par Jean-Marc Belin avec l'aimable autorisation de l'auteur
mai 2003
A l'origine, ce document a été diffusé en septembre 1996 sur le Forum Recycleur et il a été reproduit ici avec l'autorisation de Richard L. Pyle et les gestionnaires du forum. Cet article fait partie d'un ensemble d'articles publiés sur le Forum Recycleur et qui contiennent également des informations utiles sur les recycleurs.
Sujet
J’ai utilisé un recycleur à circuit fermé Cis-Lunar Mk-4P à partir de 1994 pour explorer les récifs coralliens entre 60 et 120 mètres de profondeur (la zone crépusculaire). Lors d’une récente expédition en Papouasie Nouvelle-Guinée, mon compagnon de plongée et moi avons découvert près de 30 nouvelles espèces de poissons de récif ainsi que quelques nouveaux invertébrés. Parmi les plus importantes leçons que j’ai appris à propos des plongées avec décompression en circuit fermé, il y a :
1) L’importance de connaître la pression partielle d’oxygène de la boucle respiratoire à tout moment.
2) Toute l’expérience accumulée en plongée circuit ouvert n’aidera pas celui qui veut plonger en recycleur autant que le feront de solides connaissances en physique des gaz et en physiologie de la plongée.
3) Les cursus de formation recycleur devraient mettre l’accent sur les opérations manuelles et les procédures de secours.
4) Les plongeurs devraient toujours avoir une alternative leur permettant de rejoindre la surface en toute sécurité, même en cas d’incident catastrophique comme la défaillance irrécupérable de la boucle respiratoire. J’ai élaboré toute une série de protocoles pour réaliser des plongées recycleur avec décompression faisant intervenir différents mélanges comme diluant, ainsi que des procédures applicables pour différentes situations d’urgence. Je crois qu’il est essentiel que les plongeurs en recycleur, passés, présents ou futurs, maintiennent une ligne de communication afin de partager des techniques et des expériences qui participeront à minimiser l’éventualité de blessures ou d’accidents fatals.
Introduction
Mon intérêt pour les techniques de plongée aux mélanges, y compris les recycleurs à circuit fermé, est le prolongement d’efforts continus visant à étudier le mode de vie de la faune marine des récifs coralliens profonds. Les biologistes qui utilisent des scaphandres à air traditionnels, ont été limités dans leurs explorations à des zones de profondeurs maximales de 40 à 57m. Initialement, les chercheurs scientifiques utilisant des submersibles pour eaux profondes, ont focalisés leurs recherches sur des zones excédant 150m. Entre les deux, la région dont j’ai fait référence en tant que ‘zone crépusculaire’ (Fig. 1) demeure largement inexplorée (Pyle, 1991 ; 1992a ; 1996a ; 1996b Montres Rolex S.A., 1996).
Afin de pouvoir investiguer cette région en toute sécurité, j’ai conçu une méthode de plongée aux mélanges en circuit ouvert qui comprenait deux bouteilles de forte capacité, deux petites bouteilles annexes, cinq détendeurs et un système d’alimentation d’oxygène depuis la surface pour la décompression (Pyle, 1992b ; 1996c ; Sharkey & Pyle, 1993). Avec cette méthode en circuit ouvert, Charles " Chip " Boyle et moi-même avons découvert plus d’une douzaine de nouvelles espèces de poissons de récif vivant sur la barrière corallienne de Rarotonga dans les îles Cook (voir Pyle, 1991 ; 1994 ; Pyle & Randall, 1992). La réussite de ces découvertes était remarquable, pas seulement à cause des temps passés au fond extrêmement limités (12-15 minutes par plongée), mais surtout parce que Rarotonga est loin d’être le centre de la diversité des espèces des barrières de corail. (Fig. 2).
Vu la richesse inattendue de la diversité de la " zone crépusculaire ", il devenait clair que j’allais avoir besoin d’effectuer des plongées beaucoup plus longues afin, d’une part, d’explorer cette région plus à fond, mais surtout si j’allais examiner les barrières profondes du pacifique ouest encore plus riches en espèce. Malheureusement, il pouvait être extrêmement coûteux de transporter de grosses quantités d’oxygène et d’hélium dans des îles éloignées et la logistique allait être difficile, voire impossible. Il devenait évident que la solution passait par la technologie du recycleur à circuit fermé aux mélanges.
En 1994, le laboratoire de développement Cis-Lunar m’a fourni deux de leurs recycleurs mélanges à circuit fermé MK-4P, ainsi, mon compagnon de plongée John Earle et moi avons pu poursuivre nos explorations des récifs coralliens profonds. Après pratiquement une année d’entraînement à hawaï, nous avons transporté les recycleurs par bateau jusqu’en Papouasie Nouvelle-Guinée pour une série de plongées d’explorations sur les tombant de récifs profonds. Plongeant à partir du MV Telita (le bateau où nous vivions), nous avons effectué un total de 96 heures sur les recycleurs, y compris 28 plongées trimix à des profondeurs comprises entre 60 et 120 mètres. Bien que durant cette expédition nous n’avions prévu que des plongées préliminaires d’observations, nous avons néanmoins découvert près de trente nouvelles espèces de poissons et plusieurs nouvelles espèces d’invertébrés. (voir Gil et al., dans la presse, Earle & Pyle dans la presse, Allen & Randall dans la presse, Randall & Fourmanoir dans la presse).
Rester en vie avec un recycleur à circuit fermé
Ayant passé les deux dernières années à développer mes propres procédures et protocoles pour la plongée en recycleur à circuit fermé, j’ai retenu quelques leçons importantes (Comper & Remley, 1996 ; Pyle, 1996d). Après mes 10 premières heures sur un recycleur, j’étais un vrai expert. Une quarantaine d’heures de plongée plus tard, je me considérais comme un novice. Lorsque j’ai accumulé environ 100 heures de plongée, je réalisais que je n’étais qu’un débutant.
Aujourd’hui, alors que j’ai effectué plus de 200 heures de plongée avec ce système à circuit fermé, il est clair que je suis toujours un novice. D’après mon expérience, la qualité essentielle que doivent posséder les plongeurs est la discipline. La première étape d’entraînement à cette discipline est de réaliser qu’il va falloir accumuler pas mal d’expérience avec le recycleur juste pour comprendre où sont vos propres limites. Vous devrez conserver une bonne marge de sécurité entre ce que vous pensez être vos limitations, et les types de plongée que vous effectuez réellement. Pour aider les nouveaux plongeurs recycleur à survivre pendant l’étape de trop grande confiance, je propose ces suggestions :
1. Connaître sa PpO2 à tout instant.
Il ne fait aucun doute, que l'aspect le plus dangereux des recycleurs à circuit fermé réside dans le fait que la quantité d'oxygène du mélange respiratoire est dynamique. Avec les scaphandres à circuit ouvert, le pourcentage des gaz respirés demeure constant. Par conséquent, aussi longtemps que les mélanges gazeux ne sont pas respirés en dehors de leurs limites de profondeur respectives (en supposant qu'ils aient été correctement fabriqués, et qu'une procédure de vérification des mélanges ait eu lieu), le plongeur en circuit ouvert peut être sûr que le mélange respiré sera viable.
Un des avantages fondamentaux des recycleurs à circuit fermé, est sa capacité à conserver une composition optimale des gaz à toutes les profondeurs. Cependant, l'inconvénient de ce système dynamique des gaz est qu'il est possible que la quantité d'oxygène chute en deça, ou excède les niveaux limites de sécurité sans qu'il y ait de variation de profondeur. Le vrai danger réside dans la nature insidieuse de l'hypoxie et de l'hyperoxie. Aucun de ces deux dangers ne présentent de symptôme d'alerte fiable (voir également Pyle. 1995), et les deux peuvent être mortels une fois sous l'eau. Il est donc de la plus haute importance que les plongeurs en recycleur aient toujours connaissance de la pression partielle d'oxygène qui règne dans la boucle respiratoire.
Se contenter de regarder régulièrement la console d'instrumentation primaire ne suffit pas. La plupart des recycleurs à contrôle électronique intègrent au moins trois capteurs d'oxygène, et la plupart proposent au plongeur au moins deux affichages différents des valeurs fournies par les sondes oxygène. De nombreux plongeurs y font référence en tant qu'affichage "principal" et "secours"; cependant je préfère le terme "secondaire" à celui de "secours" car la plupart des équipements de secours ne sont utilisés que lors d'une défaillance du principal. Alors que l'affichage d'oxygène secondaire d'un recycleur à circuit fermé devrait être contrôlé pratiquement aussi souvent que le principal, afin de vérifier que les deux consoles affichent les mêmes valeurs.
Paradoxalement, le recycleur le plus sûr peut potentiellement être le plus dangereux pour un plongeur indiscipliné. Si le contrôle d'oxygène principal ne tombe virtuellement jamais en panne, alors le plongeur peut devenir négligent quant à la vérification de l'affichage secondaire. A cause de la nature ironique de la phrase "l'électronique meure en bonne santé" (et particulièrement dans les conditions sous-marines), cette sorte de négligence peut avoir des conséquences désastreuses.
2. L'expérience du circuit ouvert pour la plongée au recycleur n'est pas aussi utile qu'une bonne dose de physique et physiologie de la plongée.
De nombreux plongeurs expérimentés en circuit ouvert risquent de tomber dans le piège de la suffisance. Tandis qu’une grosse expérience en plongée à circuit ouvert permet à une personne d’augmenter son aquaticité dans l’eau et lui permet de mieux appréhender les dangers inhérents aux incursions subaquatiques, ces qualités seules sont insuffisantes pour assurer la survie en recycleur. La plongée en circuit ouvert diffère considérablement de la plongée en recycleur, et ce de plusieurs manières qui vont des méthodes de contrôle de la flottabilité aux habitudes de gestion des gaz, en passant par les procédures d’urgence. L’apprentissage de ses propres connaissances, habiletés et expériences nécessite du temps et de la pratique, et n’a aucun rapport avec le nombre de plongée en circuit ouvert (que ce soit aux mélanges ou autre) qu’on a pu réaliser jusqu’alors.
La période qui est vraisemblablement la plus dangereuse dans la vie d’un plongeur en recycleur, intervient relativement tôt. Après suffisamment de temps pour se sentir à l’aise avec les opérations de base de l’unité, mais avant qu’il ait acquis suffisamment de pratique et d’expérience pour avoir une réponse adaptée aux problèmes et les corriger avant qu’il ne deviennent plus sérieux (la période où la confiance dépasse les capacités). D’une certaine manière, quand il s’agit d’apprendre à plonger en recycleur, les plongeurs possédant l’expérience du circuit ouvert peuvent se trouver en plus grand danger que les non-plongeurs car l’écart initial entre confiance et capacité sera plus important.
D’un autre coté, de solides connaissances en physique des gaz et en physiologie de la plongée sont certainement plus importantes pour la plongée en recycleur que pour la plongée aux mélanges à circuit ouvert. Les recycleurs à circuit fermés bien conçus fourniront aux utilisateurs plusieurs moyens de contrôler les gaz de la boucle respiratoire et les plongeurs doivent posséder une compréhension intuitive des effets que leurs actions (ajout de gaz, purge de la boucle, changement de profondeur, etc.) auront sur le gaz respiratoire et les implications sur la décompression. Dans un circuit fermé, le plongeur a la possibilité de gérer la composition du gaz respiratoire, ce qui l’oblige à une grande discipline et à la maîtrise des dynamiques invoquées.
3. L’entraînement devrait être axé sur la détection de panne, le contrôl manuel et les procédures de secours
Lorsque le système fonctionne correctement, il est relativement facile de plonger avec un recycleur en circuit fermé. Détecter les défaillances avant qu’elles n’entraînent des problèmes plus sérieux et connaître la réponse la plus appropriée est un peu plus compliqué. La réponse à un problème doit être du type réflexe ; Les régimes d’entraînement devraient passer beaucoup de temps pour simuler des situations de panne et pour acquérir des réponses appropriées
Le contrôle manuel du recycleur est sans doute la compétence la plus importante à acquérir, j’irai même jusqu’à recommander que le débutant commence par contrôler manuellement son unité et qu’il ne soit autorisé à activer le système de contrôle automatique qu’une fois le contrôle manuel maîtrisé. Malheureusement, même les compétences les mieux exercées et les meilleurs système de secours du monde ne servent à rien si on a affaire à un plongeur inconscient. Aussi, encore plus important que de connaître la bonne réponse à un problème, faut-il apprendre à reconnaître le problème avant qu’il ne soit trop tard.
Les conditions de défaillance les plus critiques qu’un plongeur en recycleur puisse rencontrer sont l’hypoxie, l’hyperoxie et l’hypercapnie (du à une panne du filtre absorbant). Bien que dans les deux premiers cas on n’ait pas d’avertissement physiologique fiable, il y a des personnes, dans certaines circonstances, qui arrivent à détecter ces problèmes avant que survienne la syncope ou la convulsion.
Les articles décrivant les symptômes précurseurs possibles peuvent aider mais, comme le savent tous les enseignants, sa propre expérience est beaucoup plus utile. La question qui se pose est : faut-il exposer le plongeur en recycleur à une hypoxie et hyperoxie contrôlée durant sa formation ? (il est vraisemblable que "les conditions contrôlées" ne signifie pas forcément qu'elles doivent être réalisées sous l'eau ou sans encadrement formé). Les symptômes de l'hypoxie sont probablement plus évidents que ceux de l'hyperoxie. De plus, il est facile d'expérimenter l'hypoxie au sec en utilisant un recycleur dont on aura annihilé le système d'injection d'oxygène, alors que l'hyperoxie (jusqu'au point de convulsion) nécessiterait un caisson hyperbare.
Donc, il semble que l'expérience sur l'hypoxie soit plus utile et plus facile à mettre en place durant une séance d'entraînement que pour l'hyperoxie. Néanmoins, même pour l'hypoxie, la question n'est pas évidente. Alors qu'il y a des situations où le fait d'avoir expérimenté les symptômes peut sauver la vie du plongeur, cela pourrait également pousser le plongeur à une trop grande confiance dans sa capacité à détecter les prémices de telles attaques (impliquerait un optimisme exagéré). Une autre considération est que chaque exposition hypoxique conduit à la mort de cellules du cerveau (et d'autres). Aussi, même en instaurant une discipline permettant d'éviter l'excès de confiance en soi, il n'est pas évident que les bénéfices d'une expérience visant à faire apparaître d'éventuels symptômes lors d'une session "d'expérience hypoxique" valent la perte de cellules du cerveau . Pour ma part, je pense que le jeu en vaut la chandelle.
Il y a moins d'ambiguïté concernant l'hypercapnie. Bien que des tests conduits par l'U.S. Navy montrent qu'on ne peut pas considérer les symptômes d'hypercapnie comme étant précurseurs de syncope, l'expérience en recycleur de plusieurs plongeurs civils (moi y compris) montre qu'ils peuvent être fiables. Une explication possible de cette divergence d'expérience peut être attribué aux variations individuelles. Il se peut que certains individus (qu'on appelle rétenteurs de CO2) ne puissent pas détecter les attaques de l'hypercapnie alors que d'autres (peut-être y compris les plongeurs au recycleur civils mentionnés auparavant) le peuvent. Si cela se vérifiait, il serait alors judicieux d'inclure une exposition délibérée à l'hypercapnie (à nouveau sous contrôle) dans le cursus recycleur. Ceci peut facilement s'effectuer au sec en respirant sur un recycleur dont on aurait retiré la cartouche d'absorbant.
4. Assurez vos arrières
C'est sans doute le conseil le plus important que m'ait donné mon instructeur recycleur : Bill Stone. Ce point ne nécessite pas d'explication particulière mais il est néanmoins vital pour la survie en recycleur. Fondamentalement, c'est le même principe que celui que les plongeurs souterrains ou aux mélanges connaissent déjà : toujours assurer une alternative pour le retour en surface. Pour les plongeurs en circuit ouvert, cela signifie avoir un second détendeur et respecter la règle des tiers pour la consommation des gaz.
Pour les plongées au recycleur, particulièrement pour celles nécessitant de longues décompressions, il se peut que la logistique assurant un retour surface en toute sécurité, en cas de situation catastrophique ou de défaillance irrécupérable de la boucle respiratoire, puisse être difficile à mettre en place. Voir au chapitre des procédures de secours plus loin, pour une description de quelques solutions que j'ai élaboré pour mes plongées au recycleur.
Procédures et protocoles pour la plongée au recycleur en circuit
fermé.
Les procédures et protocoles de la plongée en recycleur varieront en fonction des caractéristiques spécifiques au modèle de recycleur ainsi que des conditions de plongée particulières et des objectifs. Dans ce paragraphe, je vais développer les procédures et protocoles que j’ai élaboré pour le modèle de recycleur que j’utilise et pour l’environnement où je l’utilise.
I. Configuration du système & équipement
1. Plongées sans palier
La plupart des plongées en recycleur qui ne nécessitent pas de palier (obligatoire) seront effectuées avec un seul gaz diluant (habituellement de l’azote ou de l’hélium). Si, pour une telle plongée, le plongeur n’emmène qu’une bouteille autre que l’oxygène, celle-ci doit pouvoir être utilisée en circuit ouvert avec un détendeur et le mélange contenu dans la bouteille doit contenir un pourcentage d’oxygène qui permettra la survie du plongeur à toutes les profondeurs de la plongée (l’air est habituellement le choix le plus facile). De plus, il faut que la bouteille ait une capacité suffisante pour assurer le gonflage du système de flottabilité, de la combinaison étanche (si il y a lieu), assurer les besoins en gaz du recycleur et tout ceci avec une marge de sécurité suffisante pour permettre une remontée contrôlée en circuit ouvert jusqu’à la surface
2. Plongées avec paliers de décompression (nécessaires)
Les plongées en recycleur qui nécessitent des temps de décompression substantiels impliquent souvent (mais pas toujours) l’utilisation de plusieurs type de gaz diluant (habituellement de l’azote, de l’hélium ou une combinaison des deux). Très souvent, le plongeur sera pratiquement incapable d’emporter un stock de gaz suffisamment important pour prévoir une décompression complète en circuit ouvert. Cela laisse deux options :
1° le plongeur emmène un deuxième recycleur complètement indépendant (y compris une boucle respiratoire indépendante, des faux poumons et un filtre absorbant).
2° Le plongeur transporte un stock de gaz suffisant pour atteindre en circuit ouvert, et en toute sécurité, une ligne de décompression pré-positionnée (ce peut être un autre recycleur, un stock de gaz supplémentaire en circuit ouvert, une cloche de décompression, etc.)
Avec l’option n°1, la difficulté ne réside pas seulement dans l’emplacement physique du deuxième recycleur, mais également dans le besoin de visualiser et contrôler la qualité du gaz de la boucle secondaire lors des changements de profondeur. La plupart du temps, c’est une des formes de l’option n°2 qui sera retenue et dans ce cas, c’est une question de quantité et de nature de gaz transportée par le plongeur et placée sur la ligne de décompression qui va se poser. De nombreuses variables peuvent affecter ce ratio, selon, entre autres choses, qu’on dispose ou non d’un partenaire fiable sur lequel on peut s’appuyer pour le dépannage en circuit ouvert, selon qu’on a un masque facial ou non, selon qu’on a installé un fil d’ariane physiquement relié entre le plongeur et la ligne de décompression, selon la profondeur et la durée max de la plongée, selon le courant.
Le pourcentage d’oxygène des diluants doivent être tels que le plongeur ait toujours accès à au moins un mélange circuit ouvert viable à n’importe quel moment de sa plongée. Le choix d’une configuration optimale de diluant qui réponde aux besoins de la plongée est un des aspects les plus difficiles à résoudre en plongée au recycleur.
J’ai expérimenté un grand nombre de configurations avant de m’arrêter sur une configuration de base que j’utilise pour pratiquement toutes les plongées dont la profondeur excède 66m et dont le temps total de décompression dépasse 15 minutes. Cette configuration se compose de 11 litres de gaz répartis entre 3 bouteilles : une 3 litres interne et deux 4l externes. Une des 4l contient un trimix qui permet de respirer à la profondeur maximale. Parmi les deux autres bouteilles, une contiendra de l’air et l’autre de l’héliox –10 (10% d’oxygène et 90% d’hélium) ; c’est le profil de décompression de la plongée qui décidera quel est le gaz qu’on met dans quelle bouteille. L’emplacement des blocs relais dépendra de nombreux facteurs (qu’on verra plus loin dans le chapitre " Secours ").
B. L’oxygène
La plupart des plongées ne nécessitant pas de palier de décompression, peuvent être effectuées avec une seule bouteille d’oxygène. Si cette unique bouteille d’oxygène est accessible en circuit ouvert, alors il est également possible d’effectuer des plongées avec une décompression " raisonnable " en toute sécurité avec une seule bouteille d’oxygène (limité par le fait que la quantité d’oxygène soit suffisante pour permettre au plongeur d’effectuer la totalité de son dernier palier de décompression avec une certaine marge de sécurité).
Bien qu’on puisse effectuer des plongées nécessitant des paliers de décompression avec une seule bouteille d'oxygène, il est habituellement préférable, pour de telles plongées, d’emporter une bouteille d’oxygène de secours. Si à un endroit quelconque du circuit, le système d’alimentation en oxygène du recycleur est défaillant, alors le plongeur sera forcé de passer sur le circuit ouvert de secours (ou d’utiliser une forme de secours en semi-fermé), au moins aussi longtemps qu’il faudra pour atteindre un recycleur à oxygène de secours. Pour les plongées nécessitant de longues décompressions, j’emporte deux sources d’oxygène indépendantes sous forme de bouteille de 1,5l. Chaque bouteille contient assez d’oxygène pour effectuer la totalité de la plongée en mode fermé et toute les deux peuvent être accédées en circuit ouvert si besoin est.
Le fait de savoir si on doit ou non utiliser un masque facial lors d’une plongée en recycleur dépend de plusieurs facteurs ; Tout d’abord, va-t-on utiliser un système de communication, va-t-on plonger seul ou avec des partenaires, et jusqu’à quelles extrémités un plongeur doit-il aller " en aveugle " jusqu’à son stock de gaz supplémentaire (que ce soit un circuit ouvert ou fermé). Dans la plupart des cas, un masque facial est préférable. Mais tout cela a un prix.
Si on compte utiliser un système de communication sous-marine durant la plongée, alors il semble évident qu'on aura besoin d'un masque facial. Un masque facial peut faire toute la différence entre la vie et la mort en cas d'hypoxie ou d'hyperoxie du plongeur, mais cet avantage est moindre en cas de plongée solitaire (particulièrement en ce qui concerne l'hypoxie) ou en cas de plongée avec un coéquipier peu attentionné. A l'opposé, un masque facial peut augmenter le risque de noyade si le plongeur est obligé d'évoluer en aveugle après avoir retiré le masque pour utiliser ses gaz de secours (si la nécessité survient de passer en circuit ouvert de secours, ce n'est vraiment pas le meilleur moment de perdre l'usage de la vue).
Il est possible de diminuer considérablement le risque en utilisant des masques et embouts qui permettent d'accéder au circuit ouvert sans avoir besoin de retirer le masque (ou la partie du masque qui permet au plongeur de voir). Dans tous les cas, si le plongeur utilise un facial, alors il faut emmener un masque de secours.
Une fois qu'on a pris la décision d'utiliser un masque facial, reste la question de savoir quel masque utiliser. Certains masques faciaux possède un volume unique qui englobe à la fois les yeux, le nez et la bouche. D'autres divisent le volume en deux compartiments distincts; un pour la bouche et un autre pour le nez et les yeux. Ce dernier type de masque (souvent appelé demi-masque) est mieux adapté à la plongée en recycleur pour trois raisons principales.
Premièrement, un masque intégral à compartiment unique augmente le volume mort de la boucle respiratoire (particulièrement si la jupe orale/nasale ne joint pas parfaitement), ce qui présente un risque d'augmentation du taux de CO2 dans le masque. Deuxièmement (ainsi qu'il est détaillé plus loin), une manière pratique d'éliminer le gaz en excès est de souffler par le nez; si le compartiment qui fait étanchéité autour du nez du plongeur fait partie de la boucle respiratoire, alors il faudra utiliser une autre solution pour purger le gaz en excès. Troisièmement, le masque entier peut réagir comme un diaphragme en se contractant et se relâchant lors des inhalations et expirations, augmentant ainsi le travail respiratoire. (Rod Farb communications personnelles). Les coûts et bénéfices relatifs aux masques faciaux devront être pris en compte pour chaque type de plongée.
D. Parachute et ligne de secours
Chaque plongeur emporte un dévidoir et un parachute d'une sorte ou d'une autre. La longueur du fil du dévidoir dépendra d'abord de la profondeur de la plongée ainsi que de la profondeur du premier palier de décompression, mais habituellement on aura un minimum de 60m. Pour les types de plongée que j'effectue, le parachute d'urgence idéal est gonflable, cylindrique, d'environ 1 à 2m de longueur et 5 à 15 cm de diamètre, de couleur orange vif et possède une soupape de surpression. Il est également utile d'avoir une petite ardoise avec son propre crayon attaché au parachute; Ce parachute est principalement utilisé pour alerter l'équipe d'assistance en surface que le plongeur a entamé une procédure de secours (voir détails plus loin).
E. L'équipe d'assistance
pour toutes les plongées qui nécessite une décompression importante, on aura habituellement besoin de matériel supplémentaire en association avec l'équipe d'assistance du bateau.
Une ligne de décompression élémentaire comporte une bouée relativement grosse, une ligne relativement solide et un lestage. La longueur de la ligne dépend du profil de décompression envisagé, mais habituellement elle sera aussi profonde que le premier palier de décompression planifié. Une bouée est fixée à une extrémité et à l'autre extrémité on fixe un poids qui n'excédera pas 2kg. Sur l'extrémité de la ligne, à coté du lest, on fixera un anneau (l'idéal serait une boucle inox ou un mousqueton). Parfois, on étalonne la ligne avec des marques tous les 3m. Cette ligne sert de "station" de décompression (sur laquelle on pourra fixer du matériel supplémentaire et des bouteilles de mélange), et sera ou ne sera pas déployées avant la plongée.
C'est toujours une bonne idée que de conserver du gaz supplémentaire à bord du bateau support en cas de situation de secours sur circuit ouvert. Dans la plupart des cas, on conservera à portée de main à la fois de l'oxygène et des mélanges oxygène-azote (air ou EAN) ainsi que des mélanges comportant de l'hélium dont on pourrait avoir besoin lors des plongées très engagées. Parfois, certaines, voire toutes, les bouteilles seront installées avant la plongée, mais dans d'autres cas, elles pourront être conservées sur le bateau d'assistance surface si on en a besoin. En cas de besoin, il est d'une importance capitale que le plongeur puisse facilement atteindre le gaz supplémentaire, avec au moins 30% de marge d'erreur. S'il n'y a qu'un plongeur à faire une plongée au recycleur nécessitant une décompression, (dans le cas d'une plongée solo par exemple), la quantité totale de gaz doit être du double de celle nécessaire à une décompression complète sur circuit ouvert. Si il y deux plongeurs en même temps, la quantité total de gaz devra être trois fois le besoin d'un plongeur pour effectuer sa décompression complète en circuit ouvert. Des équipes de trois plongeurs ou plus nécessitent des quantités de gaz encore plus importantes.
L'alimentation d'oxygène de secours en circuit ouvert peut également inclure un système d'alimentation depuis la surface. Un tel système réduit l'amoncellement de matériel dans l'eau, ce qui peut être intéressant lors des longs paliers de décompressions à faible profondeur (particulièrement pour les traitement d'ADD par recompression dans l'eau). Une discussion approfondie de ce système sort du champ de cet article, mais ce qu'il faut retenir ici c'est que si deux plongeurs, ou plus, effectuent simultanément une plongée avec décompression, alors les besoins minimum seront d'au moins une bouteille d'oxygène autonome par plongeur pour se prémunir de l'éventualité où deux plongeurs séparés (voire plus) auraient besoin d'être alimentés en oxygène supplémentaire.
3. Autre équipement
L'équipement supplémentaire nécessaire aux plongées impliquant des recycleurs à circuit fermé dépend des objectifs particuliers et des conditions d'environnement. Il y a deux objets que la plupart des plongeurs devraient emporter : un couteau tranchant bien affûté et un, ou plusieurs jeux de tables de décompression. Le couteau doit être petit et facilement accessible de n'importe quelle main tandis que les tables doivent être prévues pour différentes profondeurs et temps fonds ainsi que pour des profils circuit fermé (pression partielle d'oxygène constante) et circuit ouvert (pourcentage d'oxygène fixe) et ce, pour différents mélanges gazeux.
II. Avant la plongée
En plus des opérations habituelles en plongée aux mélanges comme l'essai du matériel, la préparation de l'équipement, le briefing de l'équipe et autres préparatifs qui s'imposent, les plongeurs en recycleur doivent effectuer plusieurs autres vérifications.
Il est un test essentiel que tout plongeur en recycleur doit effectuer avant la plongée, c'est le test d'étanchéité (ou test de surpression). Cette étape consiste à ajouter du gaz dans la boucle jusqu'à ce que la soupape de surpression se déclenche, puis à guetter une éventuelle chute de volume ou de pression dans la boucle, ce qui indiquerait une mauvaise connexion ou une fuite quelque part dans la boucle.
Un autre test avant de commencer la plongée consiste à vérifier le fonctionnement du système de contrôle de l'oxygène. Ce test comporte, à minima, le rinçage de la boucle au diluant, l'activation du système de contrôle de l'oxygène et la vérification que le solénoïde injecte correctement. Si l'unité autorise le plongeur à modifier facilement le set-point PpO2, alors il faut effectuer le test avec un set-point bas (par exemple 0,3 atm) afin de vérifier que le solénoïde cesse d'injecter une fois que la valeur du set-point a été atteinte. Si ce test est effectué, il est absolument nécessaire de ramener le set-point à une valeur correcte avant la plongée.
Au delà des check listes standard fréquemment utilisées par les plongeurs aux mélanges en circuit ouvert, il faudra élaborer des check listes spécifiques pour chaque type de recycleur utilisé. Cette check liste devra inclure, à minima : la vérification du type d'absorbant et de la durée de vie restante du filtre, un étalonnage précis des sondes oxygène, l'affectation d'un set-point PpO2 correct, la vérification de la pression des bouteilles d'oxygène et de diluant, l'analyse des gaz diluants et la position correcte des différentes vannes du système. Il est possible que certains recycleurs nécessitent d'autres vérifications spécifiques supplémentaires.
III. La descente
Si la descente est abrupte (descente directe et rapide jusqu'au fond), la boucle respiratoire devrait être rincée au diluant avant de commencer la plongée. Si on autorise l'augmentation de la pression partielle d'oxygène en surface (par exemple sous l’action du solénoïde qui va injecter de l’oxygène), il y a un risque, lors d’une descente rapide, pour que la pression partielle d’oxygène de la boucle dépasse les limites de sécurité. Pour corriger cela, on pourrait injecter du diluant dans la boucle, mais cela aurait pour résultat de gaspiller inutilement du gaz qui pourrait servir en circuit ouvert.
Si on envisage une plongée dont la partie profonde ne serait effectuée qu’avec de l’oxygène et de l’hélium, il serait souhaitable de rincer la boucle à l’héliox avant d’entamer la descente. Certains plongeurs (moi y compris) ont ressenti une altération de la concentration lors du passage sur l’héliox vers 75m, après une descente rapide. Ces troubles semblent être allégés quand on maintien la pression partielle d’azote de la boucle respiratoire aux environs de 2,5 – 3,0 atm (ce qui reste au dessous des niveaux où on subit habituellement une narcose significative).
Il y a deux méthodes de base pour introduire le trimix dans la boucle respiratoire. La plus évidente est d’utiliser une bouteille de diluant trimix. L’avantage de cette méthode est que le ratio hélium/azote reste relativement constant. L’inconvénient est que la pression partielle d’azote dans la boucle respiratoire augmente avec la profondeur (aussi faut-il fabriquer son trimix en fonction de la profondeur max de la plongée, et il ne sera idéal que pour cette profondeur maximale). Une autre méthode moins évidente consiste à fabriquer le trimix à partir de deux bouteilles distinctes d’air et d’héliox. Avec cette méthode, la descente commence avec une boucle remplie d’air et avec la bouteille d’air comme diluant. Une fois qu’on a atteint la profondeur d’environ 30m et qu’on a laissé la pression partielle d’oxygène atteindre le set-point, on change le diluant pour l’héliox et on poursuit la descente. Ceci conduit à avoir une pression partielle d’azote relativement constante dans la boucle respiratoire (elle vaut : [pression ambiante au moment du changement de diluant] moins [pression partielle d’oxygène au même instant]).
L’avantage de cette méthode est que la pression partielle d’azote n’augmente pas avec la profondeur. L’inconvénient est qu’il peut y avoir une dérive de la pression partielle d’azote en cas de fluctuation du volume de la boucle ou de perte de gaz (comme lors d’un vidage de masque, etc.). On peut également utiliser une combinaison de ces deux méthodes, mais quelle que soit la méthode retenue, il est essentiel que le logiciel utilisé pour calculer le profil de décompression (que ce soit une décompression en temps réel ou pour l’élaboration de tables de secours) prenne en compte les fluctuations prévisibles du ratio hélium/azote.
IV. Système de surveillance et Contrôles
Sur un recycleur à circuit fermé, l’information la plus critique à surveiller est la pression partielle d’oxygène régnant dans la boucle respiratoire. Il ne faut pas que le set-point PpO2 soit inférieur à 0,5 atm, ni qu’il soit supérieur à 1,4 atm. La limite inférieure conserve une marge d’erreur pour rester au dessus du niveau hypoxique tandis que la limite supérieure conserve une marge d’erreur pour demeurer au dessous du niveau hyperoxique.
Bien qu’il existe des standards autorisant la respiration d’oxygène jusqu’à une pression partielle de 1,6 atm, il serait dangereux d’utiliser de telles pressions partielles comme set-point sur les recycleurs à circuit fermé pour deux raisons. Premièrement, la pression partielle d’oxygène de la boucle respiratoire peut ponctuellement dépasser la valeur du set-point lors d’une descente courte et rapide ; et deuxièmement, les plongeurs en recycleur devraient conserver une limite de pression partielle d’oxygène plus conservative qu’en circuit ouvert due au fait que le plongeur est exposé à cette pression partielle durant toute la plongée (contrairement aux plongées en circuit ouvert où la PpO2 limite n’est subie qu’à la profondeur maxi d’utilisation de chaque mélange).
Chaque plongeur en recycleur devrait être intimement familier avec le taux auquel leur métabolisme affecte la pression partielle dans la boucle respiratoire selon l’intensité de l’effort fourni et selon le type de recycleur que le plongeur envisage d’utiliser. Par exemple, sur le modèle de recycleur que j’utilise, lorsque le système de contrôle de l’oxygène est débranché, la pression partielle d’oxygène chute de 1,4 atm à 0,2 atm en 30 à 40 minutes, pour un niveau d’effort faible à modéré. Pour une même intensité d’effort, mon coéquipier consomme environ deux fois plus d’oxygène que moi, et par conséquent, la même chute de PpO2 interviendra en 15 à 20 minutes, dans les mêmes conditions d’effort.
Une fois que le plongeur connaît son taux de consommation d’oxygène, la valeur de la PpO2 de la boucle ne devrait pas être vérifiée à une fréquence inférieure à la moitié du temps nécessaire pour que la PpO2 chute à des niveaux dangereux. En reprenant l’exemple précédent, si le set-point PpO2 était de 1,4 atm, je vérifierai la PpO2 de la boucle respiratoire au moins toutes les 15 minutes et mon compagnon devrait vérifier la sienne au moins toutes les 7 ou 8 minutes. Il faut également regarder la valeur de la PpO2 après chaque variation substantielle de profondeur.
Les plongeurs devraient également s’habituer à fréquemment comparer les valeurs de l’affichage PpO2 primaire et secondaire, devraient faire attention si toutes les sondes sont ou ne sont pas cohérentes, et si les indications sont dynamiques ou statiques (un affichage statique est souvent synonyme d’une défaillance quelconque des capteurs d’oxygène). Certains recycleurs sont conçus pour permettre au plongeur de vérifier l’exactitude des valeurs fournies par les sondes ; de tels essais devraient être effectués périodiquement tout au long de la plongée, même sans qu’il y ait de raison de douter de l’exactitude des données.
Alors qu’en circuit ouvert, la pression des blocs est d’une importance capitale, elle l’est nettement moins pour les plongeurs en circuit fermé. La pression des diluants doit être surveillée afin de s’assurer qu’un passage sur circuit ouvert de secours sera toujours possible à n’importe quel moment de la plongée. La pression du (ou des) bloc d’oxygène doit être surveillée afin de s’assurer qu’il reste suffisamment d’oxygène dans chaque bouteille pour effectuer le reste de la plongée en circuit fermé (avec une marge d’erreur confortable).
Le temps pendant lequel un filtre absorbant de CO2 donné pourra maintenir un plongeur en vie doit être parfaitement connu avant toute plongée. Pour les plongées nécessitant une décompression conséquente, il est préférable de se conserver une marge de 50% en cas d’erreur, voire même 100% (ce qui signifie qu’un filtre absorbant doit durer une fois et demi à deux fois plus longtemps que la durée estimée de la plongée).
En l’absence d’un capteur de CO2 fiable, il est difficile de prévoir précisément la durée de vie restante de la cartouche d’absorbant. La méthode la plus usitée est de comptabiliser les temps d’utilisation de la cartouche d’absorbant. Malheureusement, la durée de fonctionnement peut varier, selon les plongeurs et le niveau d’effort, d’un facteur dix. Dans le même laps de temps, un plongeur peut avoir complètement épuisé son absorbant, tandis qu’un autre n’en aura consommé que 10%. (en considérant des cas plausibles extrêmes).
Au lieu de comptabiliser les durées d’utilisation du filtre, une méthode alternative consiste à comptabiliser la quantité d’oxygène consommé. Ceci inclus la totalité de l’oxygène introduit dans la boucle, à la fois à partir de l’oxygène et du diluant. L’étalonnage de cette valeur peut être fait empiriquement dans des conditions maîtrisées (en évacuant le minimum de gaz possible de la boucle), pour chaque type de filtre de chaque recycleur (les valeurs ne peuvent pas être forcément extrapolées en fonction du volume du matériau absorbant). Le dimensionnement des valeurs empiriques d’échantillonnage doit être suffisamment large pour que l’échelle des variations soit fiable. La purge des gaz dans la boucle pendant les plongées (par exemple lors des remontées, des vidages de masque, etc.) aura pour conséquence une estimation pessimiste de la durée de vie du filtre. Si elle est effectuée correctement, cette méthode de détermination de la durée de vie restante du filtre est parmi les plus précises (en supposant que le remplissage du filtre soit correctement effectué et que la qualité de l’absorbant soit bonne).
Les plongeurs devraient rester vigilant tout au long de la plongée concernant les éventuels symptômes d’hypercapnie (essoufflement, mal de tête, malaise, nausée, bouffée de chaleur, etc.). Si on suspecte de tels symptômes, il faut immédiatement interrompre la plongée et entamer la remontée. La disparition des symptômes lors de la remontée ne doit pas être interprétée comme une preuve que le filtre fonctionne correctement car la remontée provoque une chute inhérente de la pression partielle de CO2 dans la boucle respiratoire, et s’accompagne souvent d’une réduction de la charge de travail (donc de la production de CO2).
L’hypercapnie peut également résulter d’une mauvaise technique de respiration (comme les petites apnées que font souvent les plongeurs en circuit ouvert et qui, bien entendu, n’apportent absolument aucun avantage au plongeur en recycleur). On peut tester le filtre en exécutant de courtes périodes d’efforts importants (en eau peu profonde). Si, après de telles périodes de brèves activités intenses, le plongeur ressent un essoufflement anormal, c’est que le filtre est certainement arrivé en fin de vie (notez que ces périodes d’activités intenses doivent rester brèves afin de ne pas gaspiller inutilement l’absorbant). Ainsi qu’on l’a vu précédemment, il est sans doute intéressant que les " apprentis recycleux " expérimentent les symptômes d’hypercapnie lors de leur entraînement de base.
Le volume de gaz contenu dans la boucle d’un recycleur (flexibles, filtre et faux-poumons du recycleur plus les poumons du plongeur) est rarement fixe. J’ai défini le volume minimum de la boucle comme étant le volume de gaz contenu dans la boucle du recycleur lorsque les faux-poumons sont complètement écrasés et que le plongeur a vidé ses poumons par une expiration forcée. Inversement, le volume maximum de la boucle est le volume de gaz respiratoire de la boucle lorsque les faux-poumons sont gonflés au maximum et que le plongeur a rempli ses poumons. Bien que l’amplitude de la différence entre ces deux volumes ([Vmax] [Vmin]) varie d’une conception de recycleur à l’autre, elle ne sera jamais nulle.
Pour chaque modèle de recycleur, le plongeur devra apprendre à maintenir le volume de la boucle à un niveau optimal. Si le volume est trop proche de Vmin, les faux-poumons auront tendance à s’écraser lors d’une inspiration conséquente du plongeur. Si le volume de la boucle est trop proche de Vmax, la soupape de surpression aura tendance à se déclencher lors d’une expiration prononcée du plongeur. De plus, à cause des forces hydrostatiques, le volume total de la boucle influe sur le travail respiratoire.
Sur les modèles de recycleur ayant une amplitude [Vmax] [Vmin] importante, le volume optimal serait proche de Vmin ; pour les modèles ayant une amplitude relativement modeste, le volume optimal de la boucle se situe idéalement entre les deux valeurs. Quelque soit le cas, le plongeur devrait maintenir le volume de la boucle à une valeur pour laquelle on a un travail respiratoire minime et une perte de gaz minimum.
Les plongeurs en scaphandre possèdent deux éléments de " flottabilité compressible " qui sont le gilet et la combinaison. A ceci, les plongeurs en recycleur doivent ajouter un troisième composant de " flottabilité compressible " qui est la boucle respiratoire. De nombreux plongeurs en recycleur utilisent les fluctuations du volume de la boucle respiratoire pour affiner le contrôle de leur flottabilité. Pour maintenir une PpO2 constante ainsi qu’un volume constant dans la boucle lors des changements de profondeur, les plongeurs doivent être parfaitement affûtés aux techniques de purge et d’ajustement du gaz.
Pendant la descente, la plupart des recycleurs vont automatiquement compenser la chute du volume de la boucle par ajout de diluant. Selon le pourcentage d’oxygène entrant dans la composition du diluant, ceci peut provoquer une chute concomitante de la PpO2 de la boucle Ceci déclenche le solénoïde et provoque une injection substantielle d’oxygène dans la boucle, ce qui entraîne une augmentation du volume de celle-ci. (L’ajout de diluant ne devrait jamais entraîner d’augmentation de la PpO2 dans la boucle, car la PpO2 du diluant utilisé à pression atmosphérique ne doit pas être supérieure au set-point de PpO2 de la boucle).
Les plongeurs en recycleur expérimentés devraient être capable de détecter indirectement la diminution du volume de la boucle à partir des variations de flottabilité et d’efforts respiratoires. On peut augmenter le volume de la boucle en ajoutant du diluant ou de l’oxygène (selon que la PpO2 est supérieure ou inférieure au set-point de PpO2). On peut diminuer le volume de la boucle en purgeant manuellement du gaz de la boucle en procédant de la sorte : soit en expirant par le nez (sauf avec certains types de masque facial), soit en laissant échapper du gaz autour de l’embout buccal, soit en actionnant une purge située quelque par sur le circuit de la boucle. De manière idéale, un plongeur tout équipé devrait avoir une flottabilité neutre en surface (ou très légèrement négative), un volume de la boucle optimal et un gilet vide. Si ces conditions sont respectées, on n’aura besoin d’ajouter du gaz dans le gilet que pour compenser l’écrasement de la combinaison (si on en a une). Dans tous les cas, le lestage du plongeur devrait être calculé pour qu’il (ou elle) ait une flottabilité presque neutre lorsque le volume de la boucle respiratoire est proche de l’optimal.
V. La remontée
Lorsqu’on remonte d’une plongée en recycleur, et particulièrement d’une plongée profonde, la pression partielle d’oxygène de la boucle va chuter (à cause de la diminution de la pression ambiante). Le système de contrôle d’oxygène va commencer à compenser cette chute en injectant de l’oxygène ; cependant, il est vraisemblable que le solénoïde n’arrive pas à compenser la chute de PpO2 due à la baisse de la pression ambiante suffisamment vite. Aussi, le plongeur peut-être tenté " d’aider " le solénoïde à atteindre son set-point de PpO2, en ajoutant manuellement de l’oxygène dans la boucle, ce qui, dans la plupart des cas, n’est pas forcément une bonne idée.
Pendant la remontée, le gaz de la boucle va subir une expansion et il va être partiellement purgé de la boucle respiratoire. La partie diluant de ce gaz perdu est irrécupérable (on ne peut pas le remettre dans les blocs, et il n’a pas été utilisé par l’organisme), et en supposant qu’on continue à remonter, on n’aura plus besoin d’ajouter de diluant dans la boucle pendant tout le reste de la plongée.
La partie oxygène du gaz évacué est gaspillée, particulièrement si le système injecte de l’oxygène en continue afin de ramener la PpO2 au niveau du set-point. Ce gaspillage d’oxygène peut être minimisé en autorisant la PpO2 à légèrement baisser durant la remontée. Il est évident qu’il faudra sans cesse contrôler la PpO2 pour s’assurer qu’elle ne chute pas jusqu’à des niveaux dangereusement bas. (en dessous de 0,5 atm). Il y a rarement de réels avantages à injecter manuellement de l’oxygène dans la boucle dans un but futile de maintenir le set-point de PpO2.
Ma procédure autorise la baisse de PpO2 de la boucle lors de la remontée. Je n’ajoute de l’oxygène manuellement dans la boucle que si la PpO2 descend au dessous de 0,5 atm ou quand j’arrive au premier palier de décompression. Au premier palier, j’ajoute habituellement de l’oxygène dans la boucle pour revenir au set-point. Pour correctement ajouter de l’oxygène dans la boucle, il faut un bon entraînement et beaucoup de pratique ; Il est très facile de sur-compenser accidentellement la PpO2 jusqu’à atteindre des niveaux dangereusement élevées. Si on ajoute l’oxygène par larges injections,(au lieu de plusieurs petites), une " poche " de gaz très oxygéné va se déplacer dans la boucle pendant plusieurs cycles respiratoires.
Dans la plupart des décompressions où on a utilisé de l’hélium pendant les parties profondes de la plongée, le plongeur va vouloir purger l’hélium de la boucle et le remplacer avec de l’azote. C’est ce que je fais habituellement à une profondeur située entre 40 et 45m, et je commence la purge en évacuant le gaz de la boucle jusqu’à atteindre le volume de Vmin. Ensuite, j’injecte de l’air dans la boucle jusqu’à Vmax, et je répète ce cycle au moins trois fois. La pression partielle d’hélium qui reste dans la boucle est négligeable et elle continuera de diminuer au fur et à mesure qu’on purgera du gaz de la boucle durant le reste de la remontée. Quand j’arrive au palier de décompression de 6m, je ferme la bouteille de diluant et je rince la boucle avec de l’oxygène jusqu’à ce que la PpO2 atteigne la valeur du set-point. En général, je reste à cette profondeur jusqu’à ce que je puisse remonter en surface. Si je remonte moins profond, je réduis le set-point de PpO2 à 1,0 atm.
VI. Système d’urgence et secours
Les compétences les plus utiles qu’un plongeur en recycleur se doit d’acquérir sont celles qui lui permettront de se dépanner ou d’utiliser un palliatif en cas de défaillance du système. Il faudra régulièrement s’entraîner pour conserver ces compétences car le plongeur n’a que très rarement l’occasion de les utiliser pour des cas d’urgence réel.
Une défaillance potentielle de la plupart des recycleurs est le blocage de la vanne du solénoïde en position ouverte. Dans cette situation, l’oxygène va être injecté en continu dans la boucle respiratoire et la PpO2 va grimper relativement vite jusqu’à atteindre des niveaux dangereusement élevés. Dans cette situation, la première réponse est de temporairement passer en circuit ouvert (habituellement, ceci est tout de suite évident pour le plongeur, à cause des alertes audibles et à l’augmentation du volume de la boucle). Une fois qu’il a fermé l’alimentation d’oxygène du solénoïde, le plongeur peut rincer la boucle au diluant jusqu’à ce que le mélange redevienne respirable, puis il peut reprendre le mode circuit fermé et il interrompt la plongée tout en maintenant manuellement la PpO2 dans la boucle respiratoire.
La réponse évidente à un blocage de la vanne du solénoïde en position fermée est d’interrompre la plongée et de maintenir le set-point de PpO2 manuellement.
Que ce soit le système d’affichage primaire ou secondaire qui tombe en panne, quel que soit le moment de la plongée, celle-ci doit être interrompue. Si le système de gestion automatique de l’oxygène est tombé en panne en même temps, le plongeur doit conserver la PpO2 dans la boucle respiratoire en surveillant l’afficheur qui fonctionne encore.
Une défaillance totale de l’électronique signifie habituellement que les deux systèmes d’affichage de la PpO2, principal et secondaire, sont tombés en panne simultanément. Bien que le dépannage sur circuit ouvert soit souvent la réponse la plus appropriée (spécialement lorsqu’il n’y a pas à faire de palier de décompression et que la plongée est relativement peu profonde), il y a au moins deux solutions alternatives.
Les plongeurs peuvent faire fonctionner tous les recycleurs circuit fermé en mode semi-fermé. Pour cela, le plongeur exhale à l’extérieur de la boucle toutes les trois, quatre ou cinq ventilations, puis complète manuellement la boucle avec du diluant. La fréquence optimal de renouvellement du gaz dépend de la profondeur, du pourcentage d’oxygène contenu dans le diluant et de la consommation en oxygène du métabolisme du plongeur (selon l’effort). Ce système n’est pas parfait mais un plongeur recycleur bien entraîné doit pouvoir maintenir un mélange respirable dans la boucle jusqu’à ce qu’il puisse atteindre les bouteilles de la ligne de secours, ou qu’il soit suffisamment remonté pour utiliser la méthode du " recycleur oxygène " (voir plus loin), ce qui consomme nettement moins de gaz que la solution de dépannage en circuit ouvert ne le ferait. Par contre, il est évident qu’en utilisant cette méthode de secours, il faudra adopter un profil de décompression plus contraignant
Une méthode plus rustique, mais plus difficile, pour maintenir un mélange respirable dans la boucle respiratoire est de mélanger manuellement l’oxygène et le diluant dans la boucle. Pendant la phase initiale de la remontée en mode dégradé, le plongeur injecte manuellement, et de temps en temps, juste assez d’oxygène pour éviter de se retrouver en hypoxie (la bonne fréquence d’injection ne peut se maîtriser qu’après beaucoup de pratique et d’entraînement). Une fois arrivé au premier palier de décompression, le plongeur fabrique le premier mélange pré-calculé.
Le plongeur a la connaissance d’au moins deux mélanges (l’oxygène et au moins un diluant où le pourcentage d’oxygène est connu), et deux volume de la boucle respiratoire (Vmin et Vmax). Il est probable que la différence entre les deux ([Vmin] [Vmax]), ne soit pas égale à la valeur absolue de Vmin. Avec ces données, le plongeur peut fabriquer au moins quatre mélanges différents (avec une limite de précision acceptable). Le premier mélange est obtenu en rinçant complètement la boucle avec du diluant. Une fois la manoeuvre réalisée, le plongeur peut ajouter manuellement de l’oxygène pour compenser la perte de volume de la boucle respiratoire (car le volume de la boucle va diminuer avec la métabolisation de l’oxygène et la fixation du dioxyde de carbone par l’absorbant).
Si le plongeur est suffisamment sensible aux variations de volume de la boucle, il est possible de maintenir la PpO2 de la boucle à une valeur relativement constante. Le plongeur poursuit avec cette méthode jusqu’à atteindre une profondeur suffisamment faible où un nouveau mélange pourra être confectionné. Pour fabriquer ce deuxième mélange, le plongeur rince la boucle au diluant et se retrouve sur Vmin, puis il ajoute manuellement de l’oxygène jusqu’à atteindre Vmax. On effectue plusieurs cycles respiratoire pour brasser ce mélange et on évacue du gaz de la boucle pour revenir sur le volume optimal (si le mélange est suffisamment homogène, le pourcentage d’O2 doit rester relativement constant). Le plongeur conserve ensuite le volume optimal en ajoutant de l’oxygène.
Le troisième mélange oblige à rincer la boucle avec de l’oxygène pur avant de revenir sur Vmin. On complète alors la boucle avec du diluant pour atteindre Vmax, et une fois le mélange homogénéisé, on purge la boucle pour évacuer du gaz pour revenir sur le volume optimal. C’est le mélange le plus difficile à réaliser car, durant l’opération, le plongeur doit respirer sur le circuit ouvert pour éviter l’hyperoxie.
Le quatrième mélange est de l’oxygène pur qui peut être conserver en utilisant la méthode du " recycleur oxygène " que l’on verra plus loin.
Si on possède deux diluants ayant chacun un pourcentage d’oxygène distinct, on peut fabriquer jusqu’à 9 mélanges différents. Avec trois diluants, il y a 16 possibilités de mélanges. Cette méthode est plus difficile à réaliser lorsqu’on est profond car, pour une PpO2 donnée, le pourcentage d’O2 est relativement faible. Ce qui veut dire que de petites variations dans le volume de la boucle entraîne de larges variations de PpO2. Ceci rend beaucoup plus difficile le fait de simplement remplacer l’oxygène consommé par le métabolisme. On n’insistera jamais assez sur le fait que la maîtrise de cette méthode nécessite un gros effort d'apprentissage. La formation devrait être menée avec un recycleur dont l’électronique fonctionne normalement, ce qui permettra au plongeur de suivre les différents rinçages de gaz et les conséquences associées sur la PpO2.
La méthode la plus simple et la plus fiable de contrôle manuel de l'oxygène est de ne conserver que de l'oxygène dans la boucle respiratoire. Malheureusement, cette méthode n'est applicable qu'entre 3 et 6 mètres de profondeur ou moins (selon la PpO2 maximale que s'autorise le plongeur). Le plongeur se contente de rincer la boucle avec de l'oxygène pur, puis de remplacer la perte de volume de la boucle avec un ajout d'oxygène. Quelle que soit la compétence du plongeur à maintenir un volume de boucle constant, la PpO2 de la boucle reste stable à n'importe quelle profondeur et reste viable du moment qu'on reste au dessous de 6m.
B. Défaillance partielle du filtre absorbant.
Habituellement, une défaillance partielle du filtre signifie que l'absorbant du filtre n'arrive plus à éliminer le CO2 de la boucle aussi vite qu'il est produit, ce qui conduit à une augmentation de la PpCO2 dans la boucle. Si cela intervient durant un effort soutenu de la plongée, le plongeur devra être capable de réduire son effort tout en renonçant à la plongée et il pourra poursuivre en circuit fermé pendant une période significative. Si la défaillance partielle du filtre intervient lors d'un effort réduit, le plongeur devra soit passer en mode semi-fermé et purger régulièrement la boucle avec du diluant ou de l'oxygène (comme précédemment), soit passer en circuit ouvert. Encore une fois, ce n'est que l'expérience et le vécu du plongeur qui le guidera vers la meilleure solution. Cependant, si on dispose d'importantes quantités de gaz (ce qui devrait toujours être le cas), il est certainement plus prudent de terminer la plongée en circuit ouvert.
C. Défaillance catastrophique et irrécupérable de la boucle
Pour le plongeur en recycleur, le pire des scénarios est la défaillance totale et irrécupérable de la boucle. Ceci peut être causé par une rupture d'un flexible de la boucle, une déchirure d'un faux-poumon ou une défaillance totale du filtre (inondé). Dans ces conditions, si le plongeur ne dispose pas d'un deuxième recycleur, le passage sur circuit ouvert est inévitable
Quand il n'y a pas de palier obligatoire, le circuit ouvert est la meilleure solution de dépannage. Si le diluant a été conçu correctement, il y aura suffisamment de gaz respirable pour effectuer une remontée contrôlée jusqu'en surface. Si le système recycleur donne accès à la bouteille d'oxygène en circuit ouvert, alors on pourra effectuer un palier de sécurité entre 3 et 6m afin de réduire le risque d'ADD.
Comme nous l’avons vu précédemment, l’aspect logistique le plus difficile à gérer pour une plongée en recycleur nécessitant de la décompression, reste de prévoir la possibilité d’effectuer la totalité de la décompression en mode circuit ouvert. J’ai mis au point deux scénarios que je détaille ci-après. Dans les deux cas, le plongeur emporte un total de 11 litres de diluant et 4l d’oxygène (comme il est précisé dans le paragraphe " configuration du système et équipement ").
Notre méthode de plongée la plus fréquente comprend un bateau " survie " qui suit les plongeurs autonomes. Cette méthode présente de nombreux avantages, mais l’explication nous entraînerait au delà du thème de cet article. A présent, je vais décrire notre protocole standard de secours pour ce type de plongée.
Le schéma 3a illustre une planification de plongée normale : Les plongeurs traînent une ligne (faite d’une garcette colorée et brillante, fine mais résistante) qu’ils attachent à une petite bouée facilement repérable depuis la surface. Le capitaine du bateau suit cette bouée tout au long de la plongée, en gardant toujours un œil attentif à l’arrivée en surface d’un parachute signalant une urgence. En temps normal (en supposant qu’aucune défaillance du recycleur ne survienne), la remontée de ce type de plongée se fait sur cette ligne. A un temps prévu à l’avance, l’équipe d’assistance vient fixer une ligne de décompression (comme il est décrit dans le chapitre " configuration du système et équipement ") sur la ligne guide du plongeur, par l’intermédiaire d’un mousqueton (ou autre attache du même type) prit sur l’extrémité lestée de la ligne de décompression (Fig. 3b). Le lest de la ligne de décompression glisse le long de la ligne guide jusqu’à atteindre le point de rendez-vous. Le plongeur peut alors détacher la ligne de décompression du fil guide (la ligne guide est alors remontée par l’équipe de surface ou laissée à la dérive jusqu’à ce que tous les plongeurs soient remontés), et effectuer sa décompression sur la ligne de décompression.
Selon les conditions de vent et de houle, le bateau sera, ou ne sera pas, attaché sur la ligne de décompression (Fig. 3c). Si l’un, ou les deux, plongeurs doivent passer sur le secours en mode circuit ouvert, alors qu’ils sont toujours ensemble, les deux plongeurs entament la remontée ensemble. Le plongeur qui est sur le secours gonfle son " parachute d’urgence " qu’il, ou qu’elle, a transporté tout au long de la plongée, l’attache sur la ligne guide et le laisse filer le long de cette ligne guide jusqu’en surface. Selon les paramètres spécifiques de la situation d’urgence, le plongeur pourra joindre un message d’explication rédigé sur une ardoise fixée au parachute d’urgence (Fig. 3d).
Dès que le parachute arrive en surface, l’équipe surface d’assistance répond en déployant une ligne de décompression ainsi qu’il est décrit ci-dessus. De toute façon, dans cette situation, l’équipe surface d’assistance attache sur le lest de la ligne de décompression, une configuration pré-établie de gaz respirables en circuit ouvert. (généralement de l’air ou du nitrox, voir Fig. 3e).
Si les deux plongeurs passent simultanément sur le secours en circuit ouvert, ils enverront tous deux leur parachute d’urgence vers la surface et l’équipe surface d’assistance enverra un volume de gaz circuit ouvert approprié. Dans tous les cas, le, ou les, parachutes seront dégonflés et renvoyés aux plongeurs avec les gaz circuit ouvert, en les attachant sur le lest de la ligne de décompression, leur permettant de glisser le long de la ligne guide jusqu’aux plongeurs (Fig. 3f). Quand les plongeurs arrivent sur le début de la ligne de décompression, ils détachent la ligne guide comme décrit précédemment, et poursuivent leur décompression. L’équipe surface d’assistance enverra également une bouteille d’oxygène, via la ligne de décompression, à une profondeur de 6m.
Si les conditions météorologiques permettent au bateau de coller à la ligne de décompression, on pourra utiliser un narguilé alimenté en oxygène depuis la surface, plutôt que d’immerger des bouteilles (Fig. 3g).
Le pire des scénarios impliquerait deux plongeurs séparés ayant tous deux besoin de passer sur le système de secours en circuit ouvert. Si le premier parachute d’urgence qui arrive en surface, est celui encore attaché à la ligne guide, alors on suit les procédures décrites précédemment comme si les plongeurs étaient en train de remonter ensemble (dans ce cas, la seule différence est que le plongeur ne doit pas détacher la ligne guide de la ligne de décompression). Si un plongeur se retrouve séparé de sa ligne guide, il, ou elle, doit commencer sa remontée et lancer son parachute d’urgence attaché au dévidoir que le plongeur a transporté (comme décrit dans le chapitre " configuration du système et équipement "). Si le plongeur n’a pas besoin de gaz supplémentaire, il, ou elle, le précise sur la note rédigée sur l’ardoise, et fixe l’ardoise sur le parachute d’urgence.
Lorsque l’équipe surface d’assistance aperçoit le second parachute d’urgence, il descendent une bouteille d’oxygène sur la ligne de décompression, puis déploient une deuxième ligne de décompression pour le plongeur isolé. Si il n’y a pas de message sur l’ardoise, l’équipe de surface suppose que le plongeur est également sur sa procédure de secours en circuit ouvert et lui fournit du gaz en conséquence (Fig. 3h). En général, le narguilé d’oxygène n’est pas déployé lorsque les plongeurs sont séparés – il est préférable de laisser le bateau libre d’aller et de venir entre les deux plongeurs qui décompressent. Si possible, l’équipe surface d’assistance communiquera à chaque plongeur la position de l’autre plongeur, ainsi, les plongeurs pourront se déplacer vers leur coéquipier afin de terminer leur décompression ensemble. Si c’est le plongeur isolé qui lance le premier son parachute, ou si les deux plongeurs sont séparés et ont perdus la ligne guide, la procédure à suivre est similaire, mais l’ordre des opérations est inversée (le premier qui arrive est le premier servi).
Dans le cas où le tombant s’étend pratiquement vertical depuis la surface jusqu’à la profondeur des opérations, le bateau, support de surface primaire, peut être ancré sur site. Dans ce cas, les plongeurs attacheront un fil guide sur l’ancre et le dérouleront jusqu’au point de plongée. On installera des bouteilles de secours sur la ligne de mouillage aux profondeurs appropriées.
Dans ce cas, on suivra les mêmes protocoles que les plongeurs spéléo qui doivent revenir à la surface en suivant le même chemin qu’à l’aller. L’idéal est que les deux plongeurs emportent un parachute d’urgence et un dévidoir supplémentaire avec du fil, et qu’un deuxième bateau soit sur place prêt à gérer une situation de secours (au cas où un plongeur se retrouverait séparé de son fil d’ariane).
VII. Maintenance
Chaque constructeur va décrire les procédures de maintenance spécifiques à son modèle de recycleur. Les précisions apportées ci-dessous ne sont que quelques considérations générales concernant la maintenance élémentaire des recycleurs.
Nous avons déjà vu les différentes méthodes permettant de calculer la durée de vie restante du filtre absorbant. Le fait qu’on doive ou non remplacer l’absorbant entre deux plongées dépend d’un certain nombre de facteurs dont le temps d’utilisation, le temps écoulé depuis la dernière utilisation et d’autres paramètres. La règle générale est : " l’absorbant est bon marché, la vie ne l’est pas ". Néanmoins, il n’est pas forcément nécessaire de remplacer l’absorbant à chaque plongée. Cependant, on devrait toujours retirer le filtre de la boucle respiratoire si l’intervalle de surface excède quelques minutes. Si l’intervalle de surface dépasse quelques heures, le filtre doit être emballé et protégé de l’air ambiant, à condition qu’il n’y ait pas nécessité de remplacer l’absorbant pour la prochaine plongée.
Dans tous les cas, si le filtre n’a pas été utilisé pendant plusieurs jours, l’absorbant doit être remplacé. Lorsqu’on rempli le filtre de produit absorbant, il faut s’assurer que l’absorbant est correctement réparti et a bien trouvé sa place. Ceci implique de remplir le filtre, le refermer, le tapoter vigoureusement, le compléter à nouveau et répéter le processus plusieurs fois. Si le filtre n’a pas été rempli correctement, les chocs du trajet en voiture, ou en bateau, peuvent provoquer un affaissement de l’absorbant dans le filtre et permettre aux gaz de court-circuiter le filtre, ce qui diminuerait considérablement son efficacité.
La boucle respiratoire doit être démontée, aérée et séchée à la fin de chaque journée de plongée. Il faut désinfecter périodiquement la boucle complète (y compris l’embout, les flexibles, les faux-poumons et le filtre) avec un produit désinfectant approprié (idéalement une fois par journée de plongée, mais pas moins qu'une fois par semaine de plongée).
Il faut toujours conserver les capteurs d’oxygène aussi secs que possible. La durée de vie des sondes peut-être prolongée si on les conserve dans un environnement pauvre en oxygène (azote ou hélium) pendant les longs intervalles d’inactivité. L’étalonnage des sondes devrait être fait fréquemment (avant chaque plongée) et le re-calibrage aussi souvent que nécessaire. Il faut remplacer les sondes selon les instructions du fabriquant, et on devrait toujours avoir des pièces de rechange à portée de main (il est fortement déconseillé d’effectuer une plongée en recycleur avec seulement deux sondes ou moins. Comme pour tous les domaines de la plongée en recycleur, un bon sens commun et une bonne dose de discipline constituent la meilleure protection contre les erreurs.
Leçons apprises
Dans ce qui suit, je décrit plusieurs incidents dont j'ai retenu des leçons profitables. Bien que ceci ne représente pas toutes mes expériences, ils illustrent certains points développés dans cet article.
Au dessus de ma tête
Voici les faits : Après environ 35 heures de pratique en eau peu profonde, je me sentais prêt pour " les grands fonds " et je décidais de faire une plongée à 26m. Le recycleur s’était montré si fiable que je décidais de ne pas utiliser l’affichage " tête haute " et je le déplaçais en dehors de mon champs de vision. Le courant était fort, alors j’effectuais une descente rapide jusqu’au fond en ajoutant manuellement du gaz dans la boucle respiratoire pour compenser la pression croissante due à la profondeur. Une fois au fond, je me retrouvais à contre courant du site de plongée, aussi je commençais immédiatement à palmer à contre courant sans regarder mes instruments.
J’ai durement lutté pendant au moins 5 minutes, et je n’étais pas suffisamment expérimenté pour remarquer que le solénoïde n’avait pas injecté d’oxygène depuis que j’avais entamé la descente. Ce n’est que quand j’ai enfin atteint le lieu de plongée, haletant et soufflant, que j’ai enfin regardé mes instruments. La PpO2 était de 3,5 atm ! J’ai réalisé plus tard, que pendant la descente, que j’avais manuellement ajouté de l’oxygène au lieu du diluant. Si après 5 minutes d’efforts soutenus, la PpO2 était encore de 3,5 atm, je n’ose pas imaginer ce qu’elle devait être avant que je commence à palmer contre le courant. Dans de telles circonstance, il était miraculeux que je n’eut pas de convulsions hyperoxiques. Je n’avais pas de masque facial.
Ce qu’il faut retenir : 1) La distinction entre
l’injection manuelle d’oxygène et celle de diluant doit être un
réflexe aussi intuitif que la respiration ; de telles erreurs ne
doivent simplement jamais arriver.
2) On doit connaître la PpO2 de la boucle à chaque instant ;
en plus d’avoir rendu inopérant l’affichage tête haute, j’ai fait
l’erreur de ne pas surveiller la PpO2 après un changement de profondeur
significatif.
3) Si j’avais eu une convulsion, un masque facial m’aurait sauvé la vie ;
un argument en faveur de l’utilisation du masque facial en circuit fermé.
Leçons retenues : Les plongeurs en recycleur ne devraient
pas placer leur confiance au dessus de leur compétences. (de même
pour tous les autres plongeurs d’ailleurs).
Entre le marteau et l'enclume
Voici les faits : John, mon compagnon "recycleux" et moi descendions au cours de notre première plongée profonde de l'expédition Papouasie Nouvelle Guinée. Nous avions suivi la pente jusqu'à une profondeur d'environ 100m et avions trouvé une roche avec quelques poissons intéressants.
Après 10 minutes de plongée, John attira mon attention et me montra sa PpO2 qui était tombée à environ 0,7 atm. Son solénoïde s'était déclenché normalement mais la PpO2 n'arrivait pas à se maintenir à la valeur du set-point. Il tenta alors d'injecter manuellement de l'oxygène mais, alors qu'il pressait l'inflateur, il ne se passa rien.
Bien que le manomètre de sa bouteille d'oxygène primaire indiquait que la bouteille était pleine, il bascula sur la bouteille secondaire (également pleine). Mais il était toujours incapable d'injecter manuellement de l'oxygène dans la boucle. C'est à ce moment que j'ai réalisé que la PpO2 de ma boucle avait également chuté au dessous du set-point. Quand j'essayais d'injecter manuellement de l'oxygène dans la boucle, j'obtint exactement le même résultat que John. Quatre alimentations distinctes en oxygène étaient simultanément tombé en panne ! Pendant ce temps, la PpO2 de la boucle respiratoire de John était tombée à 0,5 atm, aussi avons-nous interrompu la plongée. Alors que nous commencions à remonter, la PpO2 de la boucle respiratoire de John chuta brutalement avec la baisse de pression ambiante, et, alors que nous atteignions 83m, elle ne valait plus que 0,2 atm - valeur dangereusement proche de l'hypoxie. A ce moment, la seule option qu'il restait à John était de passer en circuit ouvert. Il tenta une dernière fois d'injecter manuellement de l'oxygène dans la boucle et il finit par y arriver. je remarquais que la PpO2 de ma boucle respiratoire était également revenue au set-point. Perplexe, mais néanmoins opérationnels, nous terminions notre décompression avec des recycleurs fonctionnant à la perfection.
Ce n'est qu'après la plongée que nous avons pu comprendre la cause du problème. Les quatre premiers étages de nos détendeurs oxygène (principaux et secours des deux recycleurs) possédaient un système de protection environnemental qui comportait une membrane étanche isolant la chambre de compensation de la pression ambiante. Et ce que je ne savais pas, c'est que cette chambre aurait du être remplie de liquide (comme de l'alcool), mais il y avait longtemps que le fluide s'était évaporé. Désormais les chambres de nos quatre détendeurs étaient pleine de gaz et les membranes en caoutchouc s'étaient incurvées avec l'augmentation de la pression jusqu'à leur limites d'élasticité et s'étaient écrasées sur les vis de réglage des ressorts moyenne pression. Une fois les membranes écrasées, la moyenne pression inter-étage n'était plus compensée par l'augmentation de la pression ambiante. A 100m, la moyenne pression avait la même valeur que la pression ambiante et il n'y avait plus de mouvement de gaz possible entre le détendeur et la boucle respiratoire. Une fois revenu à une profondeur plus faible, les détendeurs s'étaient remis à fonctionner normalement.
Ce qu'il faut retenir : 1) Il faut connaître le
fonctionnement et la conception de chaque pièce du recycleur, interne
et externe; j'aurais du être familiarisé avec les premiers étages
des détendeurs oxygène et j'aurais du savoir comment les entretenir
correctement.
2) Il est important d'avoir des connaissances approfondies en physique des gaz
et en physiologie; nous aurions du comprendre immédiatement la cause
du problème et savoir comment le résoudre.
3) Chaque personne travaille avec son propre taux; pour une intensité
d'effort faible à modérée, l'organisme de John consomme
l'oxygène environ deux fois plus vite que le mien. 4) Maîtriser
les procédure de secours ; Les détendeurs de diluant fonctionnaient
correctement; nous aurions pu injecter du diluant dans la boucle afin de maintenir
une PpO2 viable.
Leçons retenues : Les plongeurs en recycleur devraient posséder une compréhension intuitive des aspects mécaniques du recycleur, de la physique des gaz, des taux de consommation en oxygène par le métabolisme et des options de secours.
Connaître la composition du mélange
Voici les faits : John et moi sommes en train de descendre
sur un fond de 67m. A environ 35m nous changeons de diluant et passons de l'air
à l'héliox et poursuivons notre descente. Peu avant d'atteindre
le fond, John remarque que la PpO2 de sa boucle s'est élevée à
1,6 atm. Il réagit correctement en rinçant la boucle avec l'héliox,
mais la PpO2 grimpe à 1,8 atm. D'autres rinçages au diluant n'ont
pas d'effet sur la PpO2. Les deux affichages primaires et secondaires donnent
les mêmes indications et il n'y a aucun signe de sonde défaillante.
Il repassa sur un diluant air et rinça la boucle, et la PpO2 chuta sous
les 1,5 atm. (mais le niveau de narcose augmenta). Nous avons immédiatement
interrompu la plongée. J'avais fabriqué nos bouteilles d'héliox
un peu plus d'un mois auparavant et je suis sûr qu'à cette époque
tous les deux contenaient 10% d'oxygène. Je n'avais pas ré-analysé
les bouteilles d'héliox avant la plongée mais après la
plongée, nous avons découvert que le pourcentage d'oxygène
de la bouteille de John avait augmenté de 25%.
Ce qu'il faut retenir : 1) Toujours analyser, étiqueter et mémoriser
votre mélange, et savoir ce que vous allez respirer avant de plonger;
si nous avions fait cela, nous n'aurions jamais eu ce problème. 2) Pour
résoudre les problèmes, servez-vous de votre tête; bien
que John fut sûr que son diluant contenait 10% d'oxygène et bien
qu'il fut entraîné à rincer la boucle au diluant en cas
d'augmentation de la PpO2, il a été suffisamment intelligent pour
réaliser ce qui se passait, et il a habilement basculé sur son
diluant air pour rabaisser sa PpO2 (dans de telles circonstances, il a considéré
que la narcose était un moindre mal comparé à la PpO2 élevée).
Leçons retenues : Il est impératif que le diluant emporté
soit correctement fabriqué et soit analysé juste avant la plongée
; il ne faut pas s'économiser le prix d'une réflexion avant de
réagir à un problème ; une compréhension intuitive
des causes et effets des opérations sur les recycleurs est critique ;
les lois de la physique ne mentent pas.
A bout de souffle
Voici les faits : C'était pendant que nous étions en Papouasie Nouvelle Guinée, Je me dépêchais d'assembler le recycleur pour effectuer une plongée au cours de laquelle Bob Halstead devait me photographier avec John. J'effectuais un calcul rapide (dans ma tête) pour déterminer le temps pendant lequel l'absorbant avait déjà été utilisé et je trouvais 8 heures. Comme je l'utilisais habituellement pendant 11 heures, et comme nous devions effectuer une plongée courte, je décidais de ne pas perdre de temps à remplir le filtre avec un nouvelle absorbant.
Nous avons du lutter contre un fort courant pour atteindre la profondeur de 40m où nous devions prendre les photos. Au fond, j'éprouvais des difficultés à reprendre mon souffle. Bien que j'ai du lutter avec force contre le courant, je me retrouvais encore anormalement essoufflé après avoir posé 5 minutes pour le photographe (effort très faible), et il était évident que je devais interrompre la plongée. Au cours de la remontée, les symptômes persistèrent légèrement mais réapparurent avec force au cours de paliers de décompression. Je rinçais la boucle à l'air et pu à nouveau respirer correctement. mais quelques minutes plus tard j'étais à nouveau à bout de souffle.
Après avoir fait surface (avec un sacré mal de tête), Je regardais mon carnet de plongée et découvrais qu'avant la plongée, j'avais déjà utilisé l'absorbant pendant 13 heures.
Ce qu'il faut retenir : 1) Sur un recycleur, la gestion
des consommables doit être appréhendée avec précaution,
je n'aurai pas du calculer une valeur aussi critique que la vie de l'absorbant
autant à la légère.
2) L'absorbant de CO2 est bon marché, la vie ne l'est pas. Même
sans parler de mon erreur de calcul, il y a longtemps que j'aurais du changer
l'absorbant.
Leçons retenues : Il est critique de connaître la durée
de vie restante du filtre.
Allez-y doucement jeunes compagnons
Voici les faits : Ceci concerne deux accidents qui sont arrivés le même jour. Un matin, en Papouasie Nouvelle Guinée, je me dépêchais pour être prêt à faire une plongée profonde. J'avais préparé le recycleur la nuit précédente aussi je sautais dedans et me contentais d'une rapide vérification du système et décidais d'oublier le test de "surpression" de la boucle. Je serrais les sangles du masque facial, dégonflais la bouée et fit un pas de géant de la plate-forme pour entrer dans l'eau. A la première inspiration, ma gorge se remplit d'eau et je commençais à tousser et cracher. Comme j'étais un peu lourd, je du lutter pour arriver à remonter les 1 ou 2 mètres qui me séparaient de la surface et arrachais le masque en hâte.
Toussant et suffocant, il était évident que je m'étais presque noyé. Je supposais que l'eau était entrée par la jupe du masque lorsque j'avais fait le saut dans l'eau, aussi je replaçais précautionneusement le masque et descendais à nouveau. mais à la première inspiration, j'inhalais à nouveau une bonne gorgée d'eau. Il fallut que je me batte encore une fois pour remonter à la surface et retirais rapidement le masque.
Une fois remonté sur le bateau et retiré le recycleur, j'ai vu d'où venait le problème; je n'avais pas connecté la boucle au recycleur - elle se balançais libre ! Non seulement, j'avais failli me tuer (deux fois) mais j'avais également complètement inondé la boucle du recycleur.
Un peu plus tard dans la journée, j'oubliais de re-brancher la prise de la connexion principale de l'électronique. En quelques secondes l'eau salée entrait dans le recycleur et détruisait complètement l'électronique de l'appareil.
Ce qu'il faut retenir : 1) Les routines de vérification
sont très importantes et ne devraient jamais être by-passées.
Si j'avais effectué le test de surpression de la boucle, je me serai
rendu compte que la boucle était déconnectée.
2) Les vérifications avant plongée doivent être suivies.
Auparavant, mes routines n'incluaient pas la vérification du bon branchement
des connexions électroniques, maintenant elles l'incluent.
Leçons retenues : La hâte provoque le gaspillage et peut
éventuellement avoir des conséquences coûteuses, voire mortelles.
Une longue route avec deux gorgées d'air
Voici les faits : C'était la dernière journée de notre séjour en Papouasie Nouvelle Guinée et nous n'avions temps que pour une seule plongée. Jack Randall, mon conseiller technique, avait repéré ce qu'il pensait être un nouveau genre et une nouvelle espèce de poisson à 24m. Il avait plongé toute la journée en circuit ouvert et ne pouvait plus plonger davantage ce jour là. Comme j'avais utilisé le recycleur toute la journée (avec des gaz optimisés), il me restait encore du temps disponible pour cette profondeur.
Nous décidions que Jack ferait un aller-retour avec moi pour me montrer l'endroit, puis que j'irai voir pour tenter le prélèvement. Nous nous sommes dépêché pour rassembler notre équipement dans le bateau ; Nous avons atteint le spot et Jack a basculé dans l'eau. Alors que j'étais sur le point de suivre, je me suis rendu compte que ma bouteille de diluant était complètement vide. Jack était déjà parti et si je devais retourner au Telita pour faire recharger je ne pourrais jamais le retrouver et il ne pourrait jamais me montrer où était le poisson. Je remplissais manuellement la boucle d'air en soufflant dans la boucle par la bouche et je basculais à mon tour pour rejoindre Jack.
Pendant la descente, il a fallu que j'ajoute de l'oxygène
dans la boucle respiratoire pour compenser la diminution du volume de la boucle.
Au moment où je rejoignais Jack, vers les 18m, ma PpO2 était montée
à 1,8 atm (c'était déjà trop élevé
et elle le sera encore bien plus à 24m). La seule façon pour moi
de trouver de l'air, c'était de l'obtenir de Jack. Je lui fit signe que
je voulais qu'il me donne de l'air et il comprit que je voulais interrompre
la plongée par manque d'air. J'essayais de lui faire comprendre que la
seule chose que je désirais c'était prendre quelques bouffées
d'air sur son bloc pour l'exhaler dans ma boucle (pour ajouter un peu d'azote
dans la boucle respiratoire), mais je n'arrivais pas à me faire comprendre.
Après deux inspirations sur son air, j'abandonnais l'idée qu'il
puisse comprendre et je luis indiquais simplement que tout allait bien. Il me
montra l'endroit où il avait vu le poisson et retourna vers la surface.
Lorsque j'atteint la profondeur de 24m, la PpO2 de la boucle était juste
au dessous de 1,4 atm. Cependant, si j'avais à exhaler du gaz de la boucle,
j'aurais perdu de l'azote qu'il aurait fallu remplacer par de l'oxygène,
ce qui aurait fait augmenter la PpO2 dans la boucle. Aussi je devais être
très prudent dans la manipulation de la boucle.
Jack avait dit que le poisson était brun clair avec une tache noire près
de la queue. Soudain, un petit poisson brun clair avec une tache noire près
de la queue passa près de moi. Je passais près d'une heure à
suivre le poisson tout en étant très prudent pour ne pas perdre
de gaz de la boucle. De façon surprenante, je réussis à
ne pas augmenter la PpO2 de la boucle pendant une heure entière. Encore
plus remarquable, je réussis à capturer le poisson ! Je terminais
la plongée, très fier de ma prouesse (à la fois d'avoir
capturé le poisson et d'avoir pu plonger si longtemps avec seulement
deux bouffées d'air).
C'est alors que la gravité de mes erreurs me sautèrent aux yeux : Qu'est-ce j'aurais fait si j'avais eu besoin du secours en circuit ouvert ? j'aurais été coincé. Et pour ajouter à ma faute, quand j'ai montré le poisson à Jack, il me dit que ce n'était pas le bon ! Apparemment, il y avait un autre poisson brun clair avec une tache noire sur la queue en Papouasie Nouvelle Guinée.
Ce qu'il faut retenir : 1) Assurez-vous qu'à
n'importe quel moment de la plongée vous avez au moins un gaz respirable
disponible pour le circuit ouvert. Si j'avais eu besoin d'interrompre la plongée
pour passer en circuit ouvert, il aurait fallu que je respire de l'oxygène
pur à 24m.
2) On peut plonger très longtemps avec une toute petite quantité
de diluant !
Leçons retenues : Assurez-vous de toujours avoir suffisamment
de gaz pour effectuer une remontée en circuit ouvert jusqu'à la
surface. et faites en sorte d'avoir une meilleure description de ce que vous
cherchez que "un petit poisson brun clair avec une petite tache noire sur
la queue", particulièrement si c'est la dernière plongée
du séjour.
Conclusions
Dans cet article, j'ai décris mes raisons d'utiliser un recycleur à circuit fermé, quelques leçons retenues de mes expériences avec cet équipement et j'ai précisé les procédures et protocoles que j'ai mis au point pour plonger au recycleur dans les environnements et conditions où je pratique (barrière de corail profonde). Bien que cet article puisse contenir des conseils utiles ainsi que "des paroles d'encouragement" directement applicables, ce n'est en aucune façon une bible générale sur les standards du recycleur.
Les militaires ont utilisé les recycleurs à circuit fermé pendant de nombreuses années et ils constituent la seule base d'expérience d'envergure concernant les opérations en recycleur à circuit fermé. Certains plongeurs commerciaux et autres personnes possèdent également une expérience indépendante qui va de quelque années à quelques décades. Les conceptions spécifiques des recycleurs sont nombreuses et vont certainement se diversifier encore au cours des années qui viennent. Aucun plongeur ni aucun groupe n'a la réponse à toutes les situations possibles.
Les plongeurs en recycleur actuels et futurs vont continuer à expérimenter
différentes combinaisons d'équipement, d'environnements et d'objectifs
de plongée; et de nouvelles procédures devront être inventées
et redéfinies. peut-être que l'étape la plus importante
pour réduire le nombre d'accident impliquant les recycleurs passera par
la création et le maintien d'un échange d'informations entre les
plongeurs passés, actuels et futurs. Seule la diffusion de la connaissance,
de l'expérience et le souhait d'étendre son horizon peut accélérer
la progression de nos niveaux de sécurité individuels et le développement
de cette technique évolutive.
Honolulu, Hawaii 96817-0916
Fax: (808) 841-8968
email: deepreef@bishop.bishop.hawaii.org
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