Renverser ses habitudes :
par Alain Oger - 2006 |
Ce n'est pas un slogan révolutionnaire, ni une provocation … Mais la motivation principale, au départ de cette réflexion, est de pouvoir seul accéder aux robinets et vanne d'isolation du scaphandre dorsal et de les manipuler rapidement et efficacement en situation critique, imprévue, inconfortable et de stress possible… Autonomie : Entendons-nous bien, pour moi l'autonomie est la règle d'or de sa sécurité, par conséquent, aussi celle des autres. L'autonomie ne veut pas forcement dire plonger seul, mais de pouvoir faire face seul aux imprévus techniques et environnementaux. Ce qui n'exclue en rien l'aide salvateur possible du coéquipier. Mais en aucun cas prendre pour acquis, au départ d'une immersion, une part de sa sécurité qui reposerait et dépendrait sur l'éventuel potentiel d'un autre plongeur devant intervenir en cas de problème. La configuration du scaphandre « tête en bas » ou « cul en l'air » comme il plaira de choisir suivant le regard qu'on portera, ne sera pas forcement adaptée pour toutes sortes de plongées. Elle me convient très bien pour les plongées sur tombants, épaves, lacustres et souterraines. Sont exclues certaines plongées souterraines ou la configuration à l'anglaise est évidemment plus adaptée. Pour chaque plongée savoir s'adapter reste de mise. Plusieurs raisons ont donc stimulé cette démarche: La principale est l'accès aux robinets qui par le haut m'est difficile sans me basculer vers l'avant. Suis-je le seul ? Si oui j'entame un procès à mes parents. L'enseignement de la plongée, pour les niveaux 3 ou 4 de la FFESSM, pratiqué pour différentes raisons en milieu lacustre et en toutes saisons, est confronté lors d'immersions profondes au risque du givrage des détendeurs. Dans ces situations délicates, il n'est pas exclu de se voir fermer par son binôme, le mauvais robinet. Bien que cette présentation n'a pas vocation, ni prétention de modifier les règles et cursus de la Fédération, mais de partager une idée avec des plongeurs autonomes teck ou spéléo, profil en marge de la plongée dite standard dont les gestes sont détaillés dans de célèbres ouvrages qui font foi. Celle d'avoir mal vécu un incident survenu lors d'une plongée souterraine de reconnaissance avec un BI dorsal sans robinet d'isolation intermédiaire et sans relais. Un problème banal de détendeur et n'ayant pas pu l'isoler suffisamment rapidement, je suis donc revenu sur une seule bouteille et un seul détendeur. L'autre s'étant pratiquement vidée. Expérience à ne pas revivre, mais en tirer enseignement, s'en enrichir. N'ignorant pas que d'autres plongeurs se sont trouvés confrontés à des situations semblables, même s'ils ne sont pas légion, ce cas de figure mérite bien, à mon sens de s'y pencher avec attention. Pour avoir intervenu sur des bouteilles de plongeurs qui ne pouvaient pas soit, accéder, manipuler leurs robinets dans le haut du dos. Ceux-ci étant parfois trop durs, sachant aussi que dans cette position on ne dispose pas toujours de suffisamment de force, contrainte liée au froid, au stress, au manque de souplesse engoncé dans une chaude souris et combinaison. Convaincu q u'il n'est pas toujours possible de décapeler ou de basculer sur le coté de son choix le scaphandre pour pouvoir effectuer les manipulations. La situation, dans laquelle le problème surviendra et/ou l'état psychologique du plongeur, risque de compromettre cet exercice. C'est en secondes que la bouteille peut se vider… Autres avantages : Pouvoir disposer de la réserve supplémentaire et bien venue de gaz enfermé dans la bouteille sur laquelle le détendeur n'est plus opérationnel. Lors de la mise à l'eau, en sustentation, il sera facile seul, d'entendre et de déceler une éventuelle fuite du coté de la robinetterie. En hiver, on évitera le givrage des détendeurs. Ceux-ci baignant dans l'eau, dont la température sera toujours supérieure à celle de l'air. Enfin et pour rire, quoique… Se mettre à l'eau bouteilles fermées, ça ne m'arrive jamais ! Mais dans cette configuration renversante, je pourrais ouvrir mes robinets discrètement, sans que personne ne le remarque tout en gardant le sourire et échapper à offrir la traditionnelle tournée d'apéro… Quand le problème se pose : J'ai appris qu'il est judicieux d'aborder un problème sous une autre perspective, avec un autre regard. Pourtant souple, mais un peu coincé dans ma combinaison, le manque de degrés de liberté de mes articulations m'handicape pour accéder aux robinets placés derrière la nuque, l'efficacité impose rapidement de passer par le bas. Ce geste est plus naturel pour moi, donc il sera de meilleur réflexe. C'est évident, j'adhère à l'idée que mes robinets sont mal placés. Le plus simple serait de renverser les bouteilles, à la façon des pompiers, des professionnels et autres inspirateurs de recycleur. Pas pour se donner bon genre, être dans le coup, mais par pure logique. Comme je fais parti de ces nombreux plongeurs qui observent et échangent sur le terrain, qui ensuite avec plaisir bricolent dans leur garage, je me suis mis sur la bête. Il m'est apparu que le problème n'est pas aussi complexe que ça si j'accepte de remettre en cause certaines de mes habitudes (28 ans de plongée…). Alors j'ai franchi la frontière, je suis passé du coté figé des forces reconnues et établies voire dogmatiques, au coté obscur des exercices pratiques stériles et inutiles, des ré-inventeurs du fil à couper le leur… Les robinetteries et les bouteilles : Les robinetteries, équipées de tube plongeur, écartent le risque d'obstruction pour l'arrivée du gaz lorsqu'elles sont têtes en bas. C'est déjà un point… Le cul de la bouteille protégé par un culot retaillé pour supprimer les angles possibles d'accrochage (filet, fil d'Ariane, cheveux de sirènes, collets pour marginaux…) pourra prendre d'éventuels chocs sans aucune incidence sur le bon fonctionnement des détendeurs. Il en n'est pas de même en plongeant de façon classique. Je garde aussi l'option du port de casque, à découvert en milieu hostile, je reste couvert (Souvenir de St Georges « Quand le plafond descend ») …. Au repos, rien ne m'empêche de poser mon scaphandre sur le cul des bouteilles. Regarder mon gilet à l'envers ne me déstabilise pas plus que lui. Si toutefois, cela l'indispose, je le coucherai volontiers au sol. La protection mécanique des robinets et des 1 er étages se doit d'être solide mais aussi légère et ne pas se transformer en obstacle pour atteindre les têtes de robinet. L'essai est réalisé par une protection mécanique standard du commerce. En ce qui concerne la longueur du scaphandre, il faut veiller à ce que le bas de celui-ci n'arrive pas à gêner l'arrière, le haut des cuisses, entravant le palmage. Les robinets ne doivent pas, eux aussi être trop bas pour conserver un accès facile. Il ne me faudrait pas compenser en remontant déraisonnablement les bouteilles dans le dos. Comme je ne suis pas de grande taille, je n'utilise plus de 12 litres longs en dorsal, mais des 10 ou des 12 litres courts. Mais vous, grands ou longs, pas de problème, (deuxième procès à mes parents). L'idéal, s'il en est, serait que cette protection mécanique soit la moins haute possible. Partant de la pièce standard, en ma possession, elle sera prochainement raccourcie de 3,5cm. Quant à son poids, 750 grammes. Le poids de la protection, suivant l'alliage utilisé est négligeable. Le poids du scaphandre reste identique à celui d'un scaphandre porté classiquement robinets protégés en haut. Les robinets droit et gauche sont horizontaux. Les volants tombent naturellement en main droite ou gauche. Avec des relais latéraux, quand ils sont accrochés par deux points, je décroche le mousqueton arrière, de par leur poids soit positif ou négatif, le relais bascule et l'accès au robinet arrière est libre. La vanne d'isolation est orientée vers l'intérieur à 45° vers le sol, c'est dans cette position qu'elle me vient le mieux en main. Les flexibles et les détendeurs : Les tuyaux moyenne pression des détendeurs sont plus longs (100cm) que le standard. Ces flexibles remontent sur le coté droit et gauche de la bouée dans des passages de l'enveloppe utilisés à cet effet. Les détendeurs ne peuvent pas tomber et heurter le sol lors de déplacements marchés, ni partir en arrière (avantage) du fait que leurs flexibles passent dès leur sortie du 1er étage à l'intérieur (double toile) et sortent en haut du gilet. Les détendeurs se trouvent naturellement à droite et à gauche en place devant le cou pour être accrochés. En ce qui concerne l'échange d'embout droit ou gauche, rien ne s'y oppose et le décapelage reste possible. Idem pour les moyennes pressions de l'étanche et de la bouée, les flexibles sont longs de 100cm et ils passent par les mêmes gaines, droite et gauche. En ce qui concerne les manomètres, les tuyaux de 70cm ceinturent la taille à l'intérieur de la bouée et sortent devant pour lecture. Ainsi tous les tuyaux moyenne et basse pression se trouvent protégés. L'ensemble est compact… Il est apparu qu'il serait plus difficile : Non pas de concevoir une pièce métallique légère et robuste, mais bien de repenser le sens des bouteilles. Pourquoi ? L'héritage… Peut-être, qu'il faut remonter à l'origine ? L'histoire de la plongée sportive, sa formation et son enseignement en France y contribuent. Tout repose sur des immersions vécues en palanquée. Si toutefois tu n'es pas autonome, tu pourras décliner cet éventuel manque sur ton « chef de palanquée ». Dans ce cas, que tes robinets ne te soient pas accessibles, n'est plus un problème. En cas de manque d'air, on te présentera un détendeur fusant de l'air à profusion car toujours près de toi un ange veillera. Peut-être que ce concept qui à fait ses preuves reste idéal pour de la plongée loisir partagée en palanquée, mais dès lors que je palme hors de ces espaces, un peu en marge, en grotte, en épave, voir seul ? Je ne pense pas non plus que ce renversement soit l'aboutissement, mais cela m'a permis de démasquer ma vulnérabilité dans certaine situation de plongées. Alors sans réinventer et renverser le monde ingénieux de la plongée, mais gardant en mémoire toutes ses expériences, mes acquis aussi, j'ai seulement voulu réduire ma part de risques. Je plonge dans le sens qui me va bien, celui de ma sécurité. Possible que cette idée soit mauvaise, si elle était bonne, cela se saurait depuis longtemps... En hérétique j'y crois. Je vois plus d'avantages que d'inconvénients. Et en ces temps un peu troubles où volontiers l'on tait l'autre, elle n'ira plus au bûcher, mais sombrera sous le poids écrasant des idées figées… |
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