Communication présentée lors du rassemblement nationale de la Commission Jeunes (F.F.S.), le 13/10/2001 à Camprieu (30).
Qu’est-ce que la plongée souterraine ?
- Ce n’est ni de la plongée en grotte, ni spéléo sous l’eau.
- Il s’agit aujourd’hui d’une discipline à part entière avec ses propres logiques de sécurité.
- chaque plongée souterraine est un cas particulier (évolution, adaptation et remise en question permanente nécessaire de la part du pratiquant).
- activité qui coûte, beaucoup plus cher que la spéléologie
- Historique : premières incursions dès 1935 en Europe, en France dès 1950, des commissions spécialisées à la FFS et FFESSM existent depuis la fin des années 70, avec leurs feuilles de liaisons (Info-Plongée et Le Fil), des stages sont organisés depuis 1976.
les pré-requis
- savoir plonger
- connaissance nécessaire des risques physiologiques et techniques de la plongée (décompression, barotraumatismes, essoufflement, narcose, surpression pulmonaire...etc)
- Connaissance du karst et de son fonctionnement.
Comment s’y mettre ?
- Tout seul, en réinventant autant que faire se peut et en expérimentant à ses dépends les dangers de l’activité. Aucun intérêt et beaucoup de risques gratuits.
- La même démarche à plusieurs débutants présente plus de risques en donnant une illusion de sécurité, souvent fatale à toute l’équipe.
- Par compagnonnage au contact de plongeurs ou d’équipes confirmés, s’il y en a à proximité et si " compatibilité d’humeur ".
- En suivant des stages puis par compagnonnage.
- Quand on est spéléo (connaissance d’une partie du milieu mais pas de la plongée)
- apprendre à plonger, dans des conditions qui pardonnent les erreurs, donc pas sous terre.
- stage de plongée souterraine
- compagnonnage (participation aux activités fédérales ou d’équipes dans la mesure de ses compétences et de ses limites)
- Quand on vient de la mer (connaissance des techniques et lois physiques, mais pas du milieu)
- s’informer sur le milieu, le pratiquer.
- stage de plongée souterraine
- compagnonnage (participation aux activités fédérales ou d’équipes dans la mesure de ses compétences et de ses limites)
La plongée souterraine ne se pratique pas en dilettante, implique une pratique régulière.
Stages (deux types sont proposés)
-
Initiation : concepts de sécurité :
- autonomie : sous terre, le salut ne vient que de soi-même, pas du copain qui accompagne, dont l’assistance sera illusoire dans certaines conditions ;
- redondance : tous les éléments vitaux du système sont au minimum doublés ;
- stratégie des inconnues : ne pas cumuler les paramètres mal maitrisés (cavité, coéquipier, matériel…etc) ;
- gestion des priorités : un malheur n’arrive jamais seul, savoir définir les priorités quand plusieurs incidents se produisent en même temps, ne gérer qu’un seul problème à la fois ;
milieu (pièges et indices, prise des infos à l’aller) ,
matériel (disposition et agencement),
fil d’ariane (s’en méfier – 40% des accidents -, comment le suivre ?),
gestion des gaz (règle des cinquièmes).
- Perfectionnement : fil d’ariane (nettoyer, équiper, se demméler, le retrouver), bouteilles-relais, paliers et tables spécifiques, topo, post-siphon…etc.
Les pratiques actuelles
- Etude et exploration : c’est la motivation intiale et fondatrice de l’activité (l’éloignement des zones d’exploration potentielles requiert + de technique + de matos +d’argent +de porteurs) ;
- Balade, dérivatif ou ersatz de la mer : de nombreux plongeurs plongent sous terre uniquement pour prendre du bon temps ;
- records et compétition : gangrène récente qui s’illustre par la prise de risque inconsidérée, des accidents et des fermetures de cavités.
- les stages : certains stagiaires ne franchissent pas le pas de l’autonomie et reviennent sur les stages, certains cadres ne pratiquent guère en-dehors des sessions organisées par les fédérations.
les types de plongée souterraine
- résurgence (profondeur et distance) ;
- le multi-siphon avec progressions exondées intermédiaires ;
- le fond de trou avec progression spéléo préalable et post-plongée;
Il n’y a plus aujourd’hui de " héros " polyvalents, capables d’entreprendre tous types d’exploration. Certains domaines sont devenus très techniques et spécialisés. C’est une donnée à prendre en compte lors de la mobilisation des plongeurs lors des secours.
Sécurité
- prise en compte de la sécurité de tous les participants, pas d’esprit " mission " ;
- nettoyage et rééquipement préalable des siphons ;
- équipements spécifiques si nécessaire (échelles rigides fixes, tyroliennes, mains-courantes…etc) ;
- topographie fiable levée préalablement à la pointe ;
- brieffing de chacun des participants pour définir son domaine d’intervention, savoir dire stop.
- diffusion des résultats aux autres plongeurs, aux spéléos ;
Quel avenir ?
- problèmes d’accès aux cavités (contacts préalables et retours d’infos) qui à terme remettent en cause la pratique (ce sont les résurgences qui se ferment le plus) ;
- spéléophobie des certains pouvoirs publics, principe de précaution, fermeture des trous même s’il n’y a pas eu de problème dans ces cavités.
- risque de concurrence avec les professionnels (préciser le degré de précision des topos qui exclut toute exploitation pour un captage, refuser tout " travail ") se positionner clairement ;
- Communication interfédérale nécessaire, les plongeurs spéléos français ne peuvent pas se payer le luxe de la division. Nous accusons 10 ans de retard (techniquement, pas de manuel technique en français) par rapport à d’autres pays européens ;
- restriction des possibilités d’exploration en résurgence (domaine ultra-spécialisé, limites physiologiques et techniques) ;
- champ d’exploration vaste en fond de trou, multi-siphons et à l’étranger.
- Les trous deviennent plus " gros ", effacement progressif des héros (de pathétiques égarés) au profit d’un travail d’équipe et des cavités.
Conclusion
- activité dangereuse si on la prend à la légère, si on veut griller les étapes, fabuleuse si on est clair et si on prend le temps de se former progressivement ;
- activité où il reste encore beaucoup à faire, mais plus en solitaire (communication nécessaire – informations sur les cavités, évolutions techniques).
- activité " sociale " car nécessité de rapport avec les non-spéléos (propriétaires et maires pour autorisations, politiques et sponsors pour subvention, journalistes pour communication et valorisation).
Anecdote : " Matériel bien ordonné commence par soi-même "
C’était à l’occasion d’un " exercice secours ". Nous devions plonger en binôme afin de rechercher un mannequin dissimulé dans un siphon, heureusement large, clair et bien équipé.
Ne " sentant " pas le coéquipier qu’on m’avait attribué, dont le matériel, et surtout son entretien laissait à désirer, je le laissais partir devant. Je le retrouvais, dix minutes après à une cinquantaine de mètres de l’entrée, palmant frénétiquement vers la sortie.
Ses robinetteries étrier, non protégées, avaient heurté un plafond. Un joint n’ayant pas résisté, une bouteille, celle sur laquelle il respirait, se vidait bruyamment. Arrivé à ma hauteur, elle était vide, mais je la fermais quand même, à sa demande expresse.
Mais, au lieu de changer de détendeur, pour celle encore pleine, il me fit le signe " je n’ai plus d’air ".
Heureusement, ma bouteille relais lui permit de regagner l’air libre, où nous avons retrouvé son second détendeur : coincé entre son dos et ses bouteilles.
Moralités :
- Dans ce cas précis, si quelqu’un ne lui avait pas fourni de l’air, mon " équipier " se noyait à 50 m. de l’entrée avec une bouteille pleine sur le dos ;
- S’il avait pris soin d’organiser son matériel, il sortait par ses propres moyens ;
- S’il avait plongé avec des détendeurs din, des protections de robinetterie, et du matériel convenablement positionné et vérifié avant le départ, il aurait pu faire une belle plongée ;
- Si je n’avais pas eu de bouteille-relais, nous nous en serions tout de même sortis, mais certainement pas en finesse.
Frank Vasseur
F.F.E.S.S.M. / F.F.S.