En amont d'une intervention : prévenir l'organisation d'une opération de secours impliquant des plongeurs souterrains ;
ou confessions d’un Coordinateur Plongée Inter-Régional en retraite anticipée.
Communication présentée lors du colloque international de plongée souterraine " Prévention et secours ". Dijon les 22-23-24/04/2000.
Introduction
J’aurais aimé vous parler d’explorations, d’expéditions, de sources et de siphons, mais le thème fédérateur de ces journées n’étant pas l’onirisme, je m’en tiendrai aux affaires de secours.
J'ai été "responsable plongée" de la commission Secours du C.D.S.34 de 1989 à 1995, puis C.P.I.R. de 1997 à juin 1999. Je présente ici la manière dont j'appréhendais le secours en siphon et la manière de se préparer aux interventions de ce type.
Je vais donc témoigner d’un vécu personnel et des problèmes que j’ai rencontrés sur le terrain. J’ai également bien conscience d’enfoncer des portes ouvertes, mais il paraît que toutes les vérités sont bonnes à dire, et puis la répétition est paraît-il une base de la pédagogie.
CAVITE SAUVETEURS
I Informations sur la cavité et ses particularités. II Connaissance et compétences des plongeurs à mobiliser.
TECHNIQUES et MATERIELS SPECIFIQUES
III Conscience des techniques à mettre en oeuvre et comportement en conséquence.
Chaque cavité est différente d'une autre (profil, morphologie) et les conditions de visite (visibilité, équipement, crues) sont aggravées lors d'un secours.
Chaque opération de secours est un cas particulier auquel il faut s'adapter, il n’est donc pas question de chercher à établir une procédure-type applicable dans tous les cas de figure.
1 La cavité :
Tous les secours débutent par une situation similaire = quelqu'un n'est pas ressorti d'un trou dans les délais prévus.
Avant de lancer les alertes, se renseigner sur la cavité :
Dans le cas où la topographie n’existe pas, attention aux descriptions des amis de la victime dont l'état émotionnel est à prendre en compte. (descriptions peu fiables).
1.1 Informations dont on doit disposer à l'avance :
1.1.1 Caractéristiques générales (longueur, profondeur, profil de plongée, nombre de siphons, portage) :
Ces informations sont éventuellement disponibles :
1.1.2 Particularités et dangers éventuels :
Touille, étroiture, courant, tout facteur aggravant à prendre en compte.
Quoi qu'il en soit, les explorations progressent, les topographies évoluent et ces informations doivent être actualisées.
L'idée lancée en 1991 par Francis Le Guen d'une base de données "siphons" nationale, mériterait d'être concrétisée, sinon pour l'activité en général, au moins pour le secours. (Ex.: Croatie, Italie, Slovénie ont leurs cadastres de cavités nationaux).
La constitution d’une base de donnée " siphons " est en cours dans la région FFESSM Languedoc-Roussillon / Midi-Pyrénées.
Rubriques qui ont un intérêt particulier:
Accès: parcours le plus direct et détaillé afin de renseigner au mieux les personnes réquisitionnées.
Historique pour obtenir, en cas de besoin, des informations auprès des plongeurs qui connaissent la source.
Description afin d'avoir une idée des difficultés pas forcément visibles sur la topographie.
Topo. ou croquis pour avoir une idée générale du type d'intervention et du profil de plongée.
Bibliographie pour retrouver éventuellement des informations particulières (C.R. détaillé d'exploration, topo détaillée d'une partie de la cavité...etc).
1.2 informations spécifiques, contraintes du moment : car différentes des conditions habituelles du siphon
Même en possession de ces informations, garder à l'esprit que la victime peut avoir trouvé refuge dans une partie inconnue de la cavité.
2 Les sauveteurs: Qui alerter, sur quels critères ? :
En matière de listing secours, quelle que soit sa spécialité (équipier, chef d'équipe, artificier, paramédical), il faut justifier de compétences pour figurer sur les listes secours. En matière de plongée, ce n'est pas toujours le cas, car les C.T. ne sont pas implicitement spécialistes.
2.1 Les sauveteurs :
Le secours en plongée souterraine requiert d'autres compétences qu'une aptitude à évoluer, quelle que soit la distance et la profondeur, dans un siphon.
On peut être très bon spéléo ou très bon plongeur en mer et se tuer en siphon, on peut être un très bon " palmeur " et avoir un beau palmarès de balades à son actif, on n'est pas nécessairement apte à intervenir en secours.
De ce fait, il convient d'apporter une attention particulière à l'élaboration des listes, afin d'éviter la "dérive quantitative" sur les listings secours, sur laquelle je reviendrai plus tard.
La quantité, loin s'en faut, ne fait pas la qualité. Le système actuel de constitution des listings départementaux permet à n'importe qui, quel que soit son niveau de compétence, de figurer sur la liste secours en tant que plongeur.
Ces deux dernières années ont figuré sur les listes des "plongeurs" dont le niveau de pratique était limite autonomie en surface libre et qui n'avaient jamais plongé en siphon...
De ce fait, un listing bien garni, s'il peut paraître sécurisant, peut conduire à la mobilisation de plongeurs pas forcément compétents et mentalement "armès" pour juger de leur capacité à intervenir en secours.
Avant toute chose, pour un plongeur, il faut prendre le temps d'acquérir les compétences et l'expérience nécessaires pour pratiquer la plongée souterraine en toute sécurité, avant de s'engager dans des opérations de sauvetage, où les conditions divergent radicalement de la "plongée du dimanche" (stress, horaire, turbidité, pression- amis et famille des victimes -...etc). Je doute que l'assurance et surtout la condition psychologique recquises s'acquière rapidement, de même qu'elles se perdent vite si on ne pratique plus ou si l'on pratique en dilettante.
C’est aussi l’expérience qui donne le " sens du trou ",, nécessaire lors d’une recherche.
Aussi, dans le cadre d'opérations de secours spéléologique nécessitant l'intervention de plongeurs, nous (avec les C.P.I.R. adjoints) appliquions les options suivantes:
Certains CT se sentent obligés de mobiliser les plongeurs de leur département coûte que coûte, afin d’être reconnu dans leur fonction. A mon sens, un CT serait d’autant mieux reconnu qu’il organiserait préalablement ses listes et se préparerait au secours-plongée en réfléchissant à ce que ça peut impliquer. Au lieu de se contenter d’appeler dans l’urgence des plongeurs qui font pression pour être mobilisés.
Quoi qu'il en soit, et même dans le cas où l'équipe de plongeurs est "claire" dans ses motivation et son engagement, ne pas minimiser l'importance de la surface, où un sérieux travail de gestion et de coordination est impératif afin de rationaliser et sécuriser le sauvetage-plongée, et de décharger les plongeurs des contingences matérielles.
2.2 Les listes :
Si elles sont incontournables pour la centralisation des informations et la connaissance des ressources humaines, elles doivent, pour être exploitables, avoir été élaborées par des spécialistes qui ont une réelle connaissance des plongeurs qui y figurent, dont les compétences doivent apparaître clairement.
Que faire, à 2 heures du matin, avec une alerte secours et une pleine page de noms et de numéros de téléphone ? Cela conduit toujours à concentrer une foule de plongeurs en un même lieu au même moment, ce qui ne va pas dans le sens de la sécurité et de l’efficacité.
J'ai parlé précédemment de la dérive quantitative sur les listings. Mieux vaut une liste bien faite qu'une liste bien pleine. Dans la mesure ou quelqu'un qui figure sur une liste est susceptible d'être alerté, effectuer impérativement une sélection préalable pour éviter :
Problème du système actuel:
C’est pour ces raisons que je considère les listings actuels "bruts" inexploitables et dangereux.
Pour rendre opérationnels un listing, nous avions mis en place, sur une idée originale de Touloum (Dijon 1991), un système de catégories évolutives actualisées une ou deux fois par an:
M = Plongeur mélange.
Ainsi, on sait qui appeler en première intervention, choisir les intervenants en fonction des besoins, on connaît les possibilités réelles des équipes.
L’art et la manière de présenter les choses : demander aux plongeurs, après brieffing, de choisir leur catégorie.
A ce sujet, une réflexion à mener : faut-il faire intervenir pour des recherches, un plongeur qui connait la cavité (moins stressé mais qui risque d'aller où il connaît) ou quelqu'un qui ne la connait pas du tout (regard neuf) ? Cela fait partie des choses à gérer au cas par cas.
2.3 Spécificité des interventions :
Le plongeur est trop souvent considéré comme polyvalent. Si un plongeur sait plonger, il faut tenir compte de ses compétences spécifiques et cibler les plongeurs en fonction de leur degré de pratique:
On n'appelle pas un spécialiste de la plongée aux mélanges pour plonger un siphon étroit et trouble en fond de trou et inversément.
Le portage à Gourneyras est insurmontable pour les " néo-spéléos ", alors que certains spéléos ont le " vertige " dans l’eau trop claire et narcosent à –30. Chacun est très compétent dans son domaine, mais il existe très peu de plongeurs " passe-partout ".
2.4 notion d'équipe départementale et entraînement en secours-plongée :
2.4.1 équipe départementale :
A l'échelle d'un département, à de rares exceptions près, on ne dispose pas de suffisamment de plongeurs compétents pour assurer toute l'opération de secours, voire même les premières intervention et il est fréquent d'appeler en renfort les départements voisins, ne serait-ce que pour assurer les relèves éventuelles (pré-alertes).
Aussi il est préférable que les plongeurs se connaissent avant l'intervention, d'où l'intérêt de fonctionner, au niveau de la plongée souterraine, au niveau régional plutôt que départemental.
2.4.2 entraînement secours :
Est-il nécessaire de s'entraîner à intervenir en secours quand on est expérimenté et confirmé ?
Si entraînement il y a, il doit être adapté aux conditions d'un réel, et ses objectifs doivent être établis après étude des statistiques d'accidents:
- répéter des manoeuvres de fil et d'orientation;
- évoluer en eau chargée (visibilité inférieure à 2m.) ;
- transporter des charges et maîtriser différents systèmes d'équilibrage.
A l'heure actuelle deux types d'entraînement sont organisés :
Généralistes: les plus courants, voient l'intervention de toutes les équipes spécialisées et permettent au C.T. de voir en un week-end un maximum de ses sauveteurs. L'objectif est plutôt un entraînement à la gestion du sauvetage pour le C.T. qu'une mise en situation réelle pour les plongeurs, qui se cantonnent généralement à reproduire ce qu'ils savent déjà faire dans des conditions relativement confortables = fausse impression d'efficacité.
Ciblés: exercice spécifique avec objectifs précis à définir en fonction de situations proches de celles rencontrées lors de réels. L'objectif est de se mettre en situation avec des conditions proches de la réalité afin d'évaluer ce que l'on est réellement capable de faire, confronté à une situation à problème.
Ceci dit, ma conception du secours-plongée, qui consiste à faire intervenir les personnes les plus compétentes en fonction du type d'intervention, se passe d'exercices et d'entrainements (mis à part pour de très rares techniques spécifiques secours: ex.: civière étanche). Les plongeurs mobilisés devront l'être en fonction de leur expérience et de la régularité de leur pratique. (Ex. on ne va pas organiser des exercices secours plongée au mélange pour permettre à certains plongeurs de garder ou d’acquérir un niveau en la matière. En cas d'accident en profonde, fond de trou…etc, solliciter des plongeurs qui pratiquent régulièrement ce type de plongée).
On est susceptible d'être mobilisé sur un secours parce qu'on est compétent dans certains domaines de la plongée souterraine. L'effet pervers du secours consiste à s'entraîner, dans le cadre du secours, à être opérationnel dans certaines conditions qui ne sont pas nécessairement celles de sa pratique habituelle.
Aussi, si en spéléo " sèche " les entrainements et exercices sont justifiés car les techniques de progression sont bien spécifiques (brancardage) , en plongée on emploie (exception faite de la civière plongée et sac étanche) des techniques de progression et d’exploration classiques. |
Donc je considère que les plongeurs qui se disent demandeurs de " formation
secours " en plongée sont en fait des gens qui ont besoin de
formation tout court.
2.4.3 Lot de matériel départemental :
Les besoins matériels, relativement redondants sur les sauvetages, concernent souvent du petit matériel et du consommable, dont la pénurie est symptomatiquement problématique.
3 TECHNIQUES et MATERIELS SPECIFIQUES
Une fois qu'on dispose des informations sur la cavité, qu'on a mobilisé les sauveteurs, ne pas attendre que les problèmes se posent pour envisager d'y remédier.
En fonction du type d'intervention, on fait des choix des techniques. On doit donc mobiliser du matériel, et avoir des schémas d'anticipation spécifiques aux situations, afin :
Ce n'est pas dans l'urgence du moment, avec le stress et les préoccupations inhérentes à la situation, qu'on a les idées suffisamment claires pour prévoir et anticiper convenablement le déroulement de l'opération. D'où la nécessité d'établir des "pense-bête", établis et réfléchis calmement, validés par plusieurs personnes (projet de " fiches-éclair " en cours de réalisation).
3.1 Quand un appel relatif à un accident de plongée arrive, envisager immédiatement de :
Pour Henri JUVESPAN, le nitrox devrait être employé par toute personne impliquée dans des opérations de secours, comme limiteur de saturation.
3.2 S'il y a probabilité d'accident post-siphon:
· s'il n'y a pas d'urgence et si la victime est restée bloquée plus d'une douzaine d'heures, prévoir un apport de glucides (rations énergétiques), une réhydratation conséquente de la victime et un temps nécessaire à l'assimilation (environ six heures) avant de l'immerger à nouveau (informations Thierry COSTE comed-FFS);
3.3 Si le secours nécessite des plongées profondes:
3.4 Si des facteurs aggravants se présentent (étroiture, mauvaise visibilité, eau froide) :
Rechercher des plongeurs familiers de ces conditions (visibilité, souvent le cas en secours), techniques pour étroitures (décapelé, anglaise, déstructuré). Certains plongeurs du N-E sont plus efficace dans ces conditions, ainsi que certains étrangers (anglais, belges). Idem pour profonde.
Le cumul d'un profil et de facteurs aggravants peut conduire à un reéquipement fiable, propre et robuste (cable, corde, fil d'ariane). 40 % des accidents ont pour origine un problème de fil d'ariane.
Usage de propulseurs (temps de charge des batteries), installation de cloches de décompression...etc.
Conclusion :
Jusqu'à ce jour, le S.S.F. a mené à bien de nombreuses interventions difficiles sans trop formaliser au préalable l'organisation, en gérant au cas par cas la spécificité de chaque intervention. Cette adaptabilité est une bonne chose, mais aujourd'hui l'augmentation des accidents en profonde induit une organisation rigoureuse et réfléchie à tête reposée, de par le nombre des intervenants et la quantité de matériel à mettre en oeuvre.
L'organisation actuelle du S.S.F. confère toute autorité aux Conseillers Techniques départementaux pour la gestion de toutes les opérations de secours en milieu souterrain.
Dans le cas particulier des sauvetages impliquant des interventions en plongée, bien peu sont compétents.
Le C.P.I.R. est conscient des risques auxquels s'exposent les plongeurs, le C.T. pas forcément.
Le C.P.I.R, sur un secours, est doublement engagé : (efficacité et sécurité).
Le système actuel ne permet pas aux C.P.I.R. d'assurer ces engagements et on peut douter de l'exploitation de ses compétences. Le système actuel est valable si tout va bien. Nous pratiquons une activité où l’on s’organise pour le pire (redondance et double sécurité, autonomie…etc), il devrait en être de même pour la gestion des opérations de secours.
Des propositions ? qui sont plus des provocations pour réveiller l’auditoire après cet exposé long et indigeste :
Frank VASSEUR.