Situation
L'entrée naturelle est un splendide petit porche actif, dans la vallée du Granzon, en rive droite. L'accès le plus direct consiste à descendre le lit du Granzon depuis le hameau de Chibasse.
L'entrée supérieure, sur le plateau, est accessible par la D.251 à partir du village de Banne.
Depuis la place du fort, prendre la direction Brahic jusqu'à un croisement avec un pont. Continuer tout droit en passant sur le pont (ne pas suivre la direction « petit Brahic »).
2000m environ plus loin, guetter sur la droite de la route une croix métallique rouillée et bifurquer sur une piste descendante (GR). 800m plus loin, on arrive au parking (attention, peu de place, optimiser le nombre de véhicules). A droite de la piste, vers l'est, un sentier bien tracé conduit, en longeant une courbe de niveau au-dessus de la dépression, à l'orifice en une dizaine de minutes.
Historique
Vers 1830 Jules de Malbos visite la partie ajourée « d'une très belle fontaine au-dessous de Chibasse, rive droite du Granzon ». Il stoppe sur le premier lac .
1949, année où sévit une bande de jeunes gens de Banne dont Marron et Martin. Ils explorent la Dragonnière jusqu'au premier siphon à partir de l'entrée naturelle.
En 1952, la SSPGA (Société spéléo préhistoire Gard-Ardèche) visite à nouveau la grotte sans apporter de découvertes majeures. Il n'existe alors toujours pas de topographie de la caverne.
En 1971, Bayle, Brunel, Chabaud, Divol, Durrieux et Payan désobstruent un trou souffleur au-dessus du S1. Ils découvrent l'amont du ruisseau et s'arrêtent sur S.2 au pied d'une grande cheminée dite « de Noël ».
1972 : escalade de la cheminée « de Noël » par Gilbert Platier de la MJC La Voulte, secondé par l'équipe précédente.
1973 : découverte et désobstruction de l'orifice supérieur par Chauvet, Chabaud, Brunel, Payan et J.-P. Dumas.
Première plongée du S.2 par Daniel Bosc (CLPA-34) sur une vingtaine de mètres.
1975 : Le CLPA replonge dans le S2 (Gilles Y. et Parrot ) sur 80m environ.
1978 : topographie de la traversée par Chabaud, Fournet, Lahondés.
1979 : Jean-Marie Chauvet et P. Delaunnay (G.S.Vans-07) progressent jusqu'au S.4.
1980 : Patrick Penez et Frédéric Vergier (Ragaie et Darboun - 84) prolongent l'exploration jusqu'au dernier siphon.
De janvier 2003 à février 2004, dans le cadre d'une expédition nationale FFESSM en collaboration étroite avec les CDS 07 et 42, ainsi que les clubs spéléo gardois Exploreurs et S.C.S.P. (Alès), une importante équipe (Christian Bagarre, Mickaël Bappel, Barré Romuald, Baudu Jean-Pierre et Catherine, Alain Baurie, Thierry Belin, David Bianzani, Alexandra Bonnal, Régis Brahic, Serge, Anaïs, Magali et Sandra Caillault, Julien Champelovier, Jean-Louis Galera, Denis Grammont, Hanin Marylin, Rémy Helck, Richard Huttler, Benoit Jarry,
Isabelle Jouet, Claude Ménard, Xavier Meniscus, Laurent Mestre, Ghislaine Noailles, Cyril Obostek, Roland Odds, Kino Passevant, Jean-Louis Perez, Sébastien Rocheil, Pauline Sarrus, Jean-Yves Sedat, Guillaume Tixier, Michel Valentin, Frank Vasseur, Dominique Victorin, Damien Vignoles, Michel Wienin, Laurent Ylla) reéquipe et topographie l'intégralité de la cavité et effectue 200m de première en divers points, en cinq sorties, dont une de trois jours et une ultime de deux jours.
Description
Par l'entrée supérieure, un modeste toboggan argileux enchaîne (l'étroiture qui dominait la série de verticales a été élargie pour faciliter le transport des charges) avec deux ressauts. Suit un P.17 au départ modeste dans une goulotte. On prend ensuite pied sur un toboggan de 70m baigné par le S.1, à 86m de l'entrée supérieure et 70m en-dessous.
Vers l'aval, 316m de galeries accidentées débouchent par l'entrée naturelle inférieure dans les gorges du Granzon.
Il s'agit d'une jolie balade avec quelques passages un peu techniques mais sans grosses difficultés. Gros volumes, marche le long d'une petite rivière, "escalade" sur de gros blocs, petit boyau sympathique, descente 2m sur une coulée de calcite dans une petite cheminée, autres petits boyaux labyrinthiques mais pas oppressants. Arrivée dans un gros volume sur un dévers qu'il faut désescalader pour rejoindre le cours d'eau, passage d'une petite étroiture au-dessus de la rivière pour retrouver de gros blocs jusqu'au laminoir 3m de long sur 2m de large et 50cm de haut, pour se retrouver sur un autre dévers qu'il faut descendre pour rejoindre le ruisseau, jolies salles, concrétions... Après on suit le ruisseau jusqu'à la sortie (-72m sous l'entrée supérieure).
Vers l'amont, sous les puits d'entrée, on remonte le cours actif de la rivière par une succession de siphons alternant avec de brefs passages exondés.
Nous avons modifié la numérotation des siphons adoptée par les précédents explorateurs, afin de simplifier la description de la cavité.
Le S.1 (91m;-8) est large (4 x 4m), ponctué d'un passage entre des blocs et d'une cloche d'air dans laquelle il n'est pas nécessaire de remonter. Il émerge dans une haute galerie spacieuse, concrétionnée, alignée sur la même fracture que celle qui détermine les puits d'entrée. Un beau lac suivi un petit seuil rocheux rejoint, après 15m, le siphon suivant.
Le S.2 (60m;-8) émerge dans une cloche après un point bas, puis plonge à –8 pour remonter brusquement vers une haute salle exondée. 17m de chenal surcreusé peu large(ça passe en barbotant à l'horizontale, palmes aux pieds) rejoignent directement le S.3 (26m;-5), confortable passage de section régulière. Le retour à l'air libre est peu commode, dans une salle circulaire (4m de diamètre), à 300m de l'entrée, baignée par un bassin profond. Plusieurs lucarnes, en hauteur, donnent sur des prolongements divers :
- en rive gauche, un ruisselet provient de la « galerie des juvéniles », explorée sur 103m en mai 2003. C'est une galerie exondée ascendante et concrétionnée. Elle se termine par une obturation de concrétions. Un puits latéral rejoint un plan d'eau superposé au S.4 ;
- dans le prolongement de l'axe principal du S.3, une galerie étroite, à 2 m de hauteur, revient vers l'est pour dominer à nouveau le plan d'eau ;
- en rive droite, une escalade de 2m conduit à un seuil rocheux. De là, soit un monte encore de 2m en escalade pour parcourir une galerie basse de 21m qui retrouve la vasque « historique » du S.4, soit on redescend immédiatement un ressaut de 2m pour plonger une vasque modeste par laquelle on retombe dans le S.4, s'épargnant ainsi une progression malaisée, tant en exondée qu'en début de siphon.
Une main-courante est équipée en bordure de la vasque du S.3 pour accrocher l'équipement. Un bout de corde ou d'échelle facilite grandement la remontée (à prévoir).
Le S.4 (231m;-18) s'abordera avec plus de facilité par la vasque attenante à celle du S.3.
Elle débute par une belle fracture, celle qui préside à l'orientation générale à cette portion de la cavité, qui rejoint une jolie galerie confortable (2 x 2m à 3 x 3m) affectée de fréquents changements de profondeur (remontée maxi à –12) dans une première partie. A 122m du départ, on passe sous une cloche pour replonger progressivement à –14. Une galerie latérale double ici la principale durant une quinzaine de mètres. Le siphon entame ensuite une remontée franche pour émerger sous une trémie, dans une jolie salle, à 466m de l'entrée.
On y accède soit par une escalade sur de gros blocs en rive gauche, soit en se faufilant entre les blocs, par un ressaut de trois mètres. Une cheminée active domine la sortie du siphon. Elle serait à escalader.
Une fois le chaos redescendu, on remonte le ruisseau durant 57m. La galerie se réduit régulièrement jusqu'à une étroite fracture inclinée, aquatique et malcommode d'une douzaine de mètres de long, qui conduit à une petite vasque.
A partir de là, les dimensions moyennes des conduits se réduisent notablement. La partie large et confortable de la cavité est en aval, derrière les plongeurs. Le pain blanc est mangé.
Débute alors une série de courts siphons d'un diamètre sensiblement inférieur à deux mètres. Le S.5 (20m;-4) est souvent franchi sans palmes, car on passe plus de temps à les chausser puis à les ôter qu'à les utiliser.
13m de fracture peu large et basse mènent au S.6 (45m;-6) séparé du suivant par un lac ponctué d'un seuil rocheux (5m).
Le S.7 (80m;-9) est affecté d'un profil en « yo-yo » : il ne compte pas moins de quatre points bas et sort dans 25m de galerie (h=2m) peu large et acérée de lames d'érosion.
C'est ici, sur une banquette rocheuse de moins d'un mètre carré, à 728m de l'entrée, que David Bianzani et Damien Vignoles, les deux «Escort boys», ont attendu leurs collègues «Ultimate Instructors» durant 4h30 lors de la pointe de février 2004. Chapeau et merci à eux pour leur patience et leur disponibilité.
Le S.8 (360m ; -37) fait environ 1,6m de diamètre en moyenne. On y « yoyote » un tantinet dans le première partie entre –6 et –3. Passé le point bas de –6, à 80m du départ, on remonte à –3. Là, une galerie s'amorce en plafond, orientée vers la sortie. Elle serait à voir.
Un peu plus loin, à 110m de la vasque d'entrée, on passe sous une cloche avant d'entamer une jolie ligne droite achevée à 207m (-9), en tête d'une jolie verticale.
Elle plonge d'un trait à –27, dans un joli volume qui dénote par rapport aux dimensions générales du siphon, pour atteindre un sol de sable. La pente s'incline promptement. L'arène le cède au graviers puis aux galets jusqu'au point bas de –37, un passage ponctuel dont la hauteur est inférieure au mètre.
Le conduit remonte abruptement à la faveur d'une fracture jusqu'à –17. Un bref tronçon horizontal précède l'ultime ascension.
A ce niveau l'orientation de la cavité change radicalement. A 933m de l'entrée, alors qu'on se dirigeait jusqu'alors vers le sud-ouest, le tracé oblique foncièrement au nord-ouest, jusqu'à la zone terminale.
On quitte le S.8 à 1088m de l'entrée, pour une brève (17m) galerie basse où on rampe au-dessus du ruisseau, jusqu'au S.9 (95m;-16,5).
Ce siphon débute orienté vers l'aval, puis s'infléchit brusquement vers l'amont sous un profil « en V », proche de la représentation théorique du siphon inversé.
Un fracas aquatique qui marque le retour à l'air libre. Une cascade de 6m remonte dans une galerie aquatique (h=1,8m puis 1,6m, puis moins encore) qui bute 56m plus loin sur le S.10.
Ce siphon terminal est situé 10m au-dessus du S.1, à 1156m de l'entrée.
Quelques mètres avant la vasque, un diverticule dominant une marmite est surmonté de deux départs de fractures impénétrables.
Le S.10 se divise en deux branches :
une, peu active et étroite (58m;-18), bute à –15 sur un rétrécissement impénétrable dans la roche. C'était le terminus de Patrick Penez et Frédéric Vergier, à 1212m de l'entrée.
l'autre, active, débute à –3 à 15m du départ, émerge 5m plus loin dans une petite cloche, replonge ponctuellement jusqu'à devenir impénétrable, pour sortir dans une fracture. Elle est surmontée d'un conduit, remonté sur une dizaine de mètres et en relation (jonction au son) avec la galerie qui précède le S.10, au niveau du diverticule situé juste avant le siphon. Arrêt à 1222m de l'entrée.
Des dimensions restreintes, un conduit qui se ramifie, ça sent la tête de réseau. Dommage, car l'écoulement est toujours bel et bien là.
Contexte hydrogéologique par Michel Chabaud
Le porche 4×4m de la Dragonnière, qui s'ouvre dans un écrin de verdure de la vallée du Granzon, est remarquable à plus d'un titre. Tout d'abord il est situé au niveau de la faille Banne - Joyeuse qui, après avoir partagé Païolive en deux entités d'égale importance, va séparer deux univers très différents : les garrigues ardéchoises et la bade triasique adossée au socle primaire de la Cévennes de Vivarais.
Ensuite il est à la convergence de trois étages du jurassique supérieur :
le séquanien J4 où il se situe avec ses bancs horizontaux friables et de faible épaisseur, la roche encaissante de toutes les cavités en amont du Granzon ;
le portlandien et ses plateaux caillouteux ;
et surtout le kimméridgien avec ses superbes ruiniformes et lapiés profonds.
C'est d'ailleurs dans ce dernier que s'élève le puissant massif de Bannelle qui, à 499m, culmine les calcaires locaux.
Enfin la grotte est conditionnée par une faille E-W de faible rejet, qui va très rapidement nous conduire au sein du massif kimméridgien, par une haute cassure unique et presque rectiligne.
La Dragonnière est parcourue par un ruisseau pérenne au débit très variable, de sévères étiages en été et des crues dévastatrices aux équinoxes, qui interdisent toute approche. L'important réservoir d'eau de la Dragonnière pose le problème de son alimentation, de l'absence d'affluents, alors que le terminus actuel se trouve sous une zone encore très lapiazée et seulement au pied du Bannelle. Ce terminus, plutôt décevant de par ses dimensions, mais qui ne peut être la fin du réseau, indique alors que l'origine de la Dragonnière est plutôt à rechercher du côté de la partie Séquanien du plateau en direction de Pigère et de la faille majeure Banne-Villefort, contre laquelle se sont redressées à la verticale les dernières strates calcaires.
Le Bannelle est alors le bassin d'alimentation du seul réseau Combes-Perrier au Sud. Beaucoup de travail reste à faire dans ce secteur. Il faudra descendre sans relâche la multitude de lapiès, bien que ces derniers s'avèrent peu coopératifs, à la recherche du fossile anormalement absent au dessus des eaux abondantes et limpides de la Dragonnière.
Hydrogéologie
Cette exsurgence pérenne connaît un débit très irrégulier. Elle peut presque se tarir lors des étiages prononcés mais à l'inverse, déverse dans le Granzon des flots puissants lors des crues.
L'eau est translucide à l'étiage, mais la moindre pluie réduit la visibilité à moins de deux mètres.
La source draîne le secteur de Bannelle (9 km²) qui culmine à 500m.
Il semble que le Granzon n'ait aucune influence sur l'écoulement qui parcourt la cavité.
Malacologie
Les prélèvements de sable, dans la vasque du S.1 n'ont pas donné grand chose (très peu de coquilles). Deux espèces ont néanmoins été identifiées : Paladilhia gloeri et Palacanthilhiopsis vervierri.
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