Grotte du Pont du Diable

Par Frédéric Martin

 

Frédéric MARTIN accompagné d’une équipe de plongeurs spéléos a réalisé le 17 et 18 janvier 2002 l’exploration de la source du Pont du Diable sur la commune des Combes (25). De par sa profondeur (- 86 mètres), cette résurgence devient le réseau noyé le plus profond exploré dans notre département ainsi que dans le nord de la France.

 

LA SOURCE

Situé en bordure de la route des gorges du Doubs, non loin de la grotte du Trésor, la résurgence du Pont du Diable est depuis longtemps connu des plongeurs spéléologues. C’est Christophe ROGNON et son frère qui les premiers en firent l’exploration après plusieurs grosses séances de désobstructions menées à la fois par leur club ainsi que par le club de Port Leyné. Ils menèrent l’exploration jusque dans le 2ieme siphon à la profondeur de - 36 mètres où leur technique atteignait ses limites.

La cavité se présente par un 1er siphon de 35 mètres où l’on doit franchir une trémie, puis on émerge dans une galerie exondée de 20 mètres de long nécessitant un portage du matériel. Vient ensuite le siphon 2, long de 300 mètres pour une profondeur de -75 mètres.

C’est Jean-Marc LEBEL qui avait poussé l’exploration jusqu’à cette profondeur et avait entrevu la suite jusqu’à -79 mètres, après plusieurs reconnaissances dans cette source. Jean-Marc comptait bien revenir sur le site, il nous a malheureusement quitté au mois d’août 2001.

 

L’EXPEDITION

C’est Jean Marc qui m’a fait connaître le site, nous avions tenté au mois de juillet 2001 une pointe qui avait échoué du fait de la mauvaise visibilité. Après une visite dans le puits terminal, Jean Marc et moi nous retrouvions dans la vasque du S2 et là il eu quelques mots sur lesquels quelques uns devraient réfléchir : "  Fred, avec cette visi, je ne sens pas la plongée, mais tu vois tout mon matos est là, et si tu veux, tu peux faire la pointe à ma place ! ", je déclinais bien entendu cette offre, mais remerciait cet esprit pour lequel je pratique la spéléo.

A la fin de l’année je décide de reprendre l’explo du S2.

Le 17 et 18 janvier 2002, une expédition avait pour but d’explorer la partie profonde de ce réseau noyé. Cependant les mauvaises conditions de visibilité dues à la météo rendaient le projet incertain, en effet depuis plusieurs jours la région connaissait des précipitations. Cependant, le matériel était stocké dans mon garage depuis pas mal de temps et l’amélioration ne semblait pas venir. Malgré cette mauvaise période nous décidons tout de même de tenter cette plongée, la visibilité dans la source était de 50 cm, elle allait descendre à moins de 20 cm après le premier passage.

Le 17 janvier fut consacré au portage du matériel nécessaire à une bonne décompression : plusieurs blocs de plongées furent donc installés dans le siphon 2, entre la profondeur de -42 mètres et -9 mètres. Tout d’abord, à la côte -9 mètres de l’oxygène pur, puis successivement des mélanges suroxygénés : surox 70 à -15 mètres, surox 50 à -21 mètres, surox 40 à -30 mètres, surox 30 à -42 mètres. Entre le S1 et le S2 est positionnée une bouteille de 15 litres afin de parer à un éventuel problème. Ce jour est également mis en place mon scaphandre dorsal constitué de 2 bouteilles de 20 litres de trimix 29/58 ainsi qu’une bouteille de 15 litres de surox 60 (non saturant) me permettant de rallier le puits en toute tranquillité.

Cette journée aura été riche en enseignements : ceux qui ne connaissaient pas encore la cavité se sont permis une petite visite en allant porter leur convoi dans le puits terminal, d’autres se sont familiarisés avec cette eau très trouble et ce parcours sinueux, un dernier (moi) c’est demandé pourquoi il voulait plonger là. Enfin, en milieu d’après midi tout est en place, la soupe aux poix de Sylvain vient nous réchauffer, il est temps d’aller boire un apéro léger, de bien dîner, de bien dormir , pour être prêts le lendemain.

Le 18 janvier est le grand jour pour cette exploration, je suis super motivé même devant la turbidité de l’eau. Je m’enfonce dans le S1 avec seulement un bi 2.5 litres qui me servira à parcourir les 35 mètres de ce siphon, je suis accompagné de Sylvain qui va m’aider à m’équiper : d’abord mettre le bi sur le dos, prendre le relais, régler tout cela, et hop, c’est parti.

 Palmer vers le puits mais pas trop vite car le risque serait, dans ce moment là, de transpirer avec les épaisseurs que j’ai enfilées dans mon vêtement étanche. C’est vraiment la touille des grands jours !! Voilà le puits, il est temps d’attacher le relais afin de le retrouver au retour, petit signe à Sylvain et je me laisse couler dans ce puits qui a l’air vaste et semble être une belle diaclase. A -60 mètres, je retrouve le bobinot de fil que Claude m’a déposé hier, je continue ma descente tout est OK. Arrivé a -75 mètres, je retrouve l’extrémité du fil laissé par Jean Marc, il avait eu, lui, de super conditions de visibilité. Je ne vois pas grand-chose mais semble bien parti pour descendre relativement bas, mais à -85 mètres je me pose sur des blocs, ne voyant rien autour de moi (visibilité 20cm), j’essai de descendre en me faufilant, mais cette manoeuvre déclenche un effondrement et de petits blocs se mettent à dégringoler autour de moi. Sensation bizarre d’un étau qui se resserre, je perds pas mal de temps à me faufiler pour sortir de cette position, je rembobine mon fil jusqu’à un bloc un peu plus stable, sur lequel j’amarre ma ligne. Je remonte lentement pour sortir de cette trémie, la suite est peut-être dans le prolongement de la diaclase, mais pour aujourd’hui c’est fini j’atteint ma limite de temps, et de sensations fortes.

J’entame alors lentement mon retour dans le puits, à -60 mètres je retrouve la bonne vieille corde de spéléo sur laquelle est placée ma déco. La remontée se fait à mon habitude 10 mètres par minute agrémentée de stops réguliers. Arrivé à ma première bouteille de palier je saisi ma table de décompression qui m’échappe, au revoir je ne la reverrai plus. Je me satisfais d’avoir ma table de secours autour de la cuisse, mais manque de réussite cette dernière reste bloquée par un élastique mal placé qu’il m’est difficile de couper sans prendre le risque de percer la combi. Ultime recours je m’en remet à ma mémoire, ça sert d’apprendre les paliers par coeur le soir avant de s’endormir (ma femme après cet épisode trouvera un peu moins stupide cet exercice nocturne). Enfin, Claude arrive et ses petits doigts de mécanicien vont résoudre ce contre temps. Je remonte lentement au rythme de mes paliers, Bruno vient à son tour me tenir compagnie mais un problème d’équilibrage fait qu’il ne pourra pas rester très longtemps à mes côtés. Le haut du puits, il va falloir à présent se déplacer dans une galerie où je ne vois plus rien avec un minimum de 4 grosses bouteilles. Lentement mais sûrement, j’avance m’arrête aux différences profondeurs que j’avais marquées par de grosses étiquettes sur le fil d’ariane dans l’éventualité d’un retour en eau trouble. Le stop de 6 mètres est un peu laborieux, il me manque quelques kilos de plombs mais bon voilà la surface du S2 et les copains. Le S1 n’est qu’une formalité, je retrouve la surface 4h30 après mon départ heureux tout de même de quitter cette eau à 7 degrés. La super équipe qui m’entoure a déjà pris en compte la sorti du matériel, aller on va boire un coup à la maison !!

L’EQUIPE

Constituée de plongeurs spéléologues venant de toute la France, nous avions : Claude HUREY le sudiste d’Avignon du club de l’AVEN, Bruno LOISY du GSBR Bourg en Bresse (Groupe spéléo des buveurs de rouge), Sylvain Redoutey terminator de Vesoul, Sylvain MORET et son restaurant ambulant de Port Lesyné et Fred Martin du GSD.

L’AVENIR

L’actuelle fin de la cavité est constituée d’une trémie de blocs dans laquelle le passage demeure problématique, cependant la mauvaise visibilité m’a peut-être entraîné dans un cul de sac, c’est pour cela qu’avec de meilleures conditions de météo, je retenterai une plongée dans cette source où malgré 10 ans d’étude, l’exploration ne fait que commencer.