Fontaine de Saint-Georges (Montvalent).
par Marc Douchet - Spelunca n°49 de mars 1993
La possibilité d'une jonction humaine entre Saint-Georges et la fabuleuse
rivière de Padirac a attisé les espoirs et les déboires.
En 1948, Guy de Lavaur tente une première incursion. De 1973 à
1975, Saint-Georges devient le fief de Bertrand Léger et de son équipe,
qui remontent la rivière en plusieurs tentatives jusqu'à 1045
m. Lors du camp F.F.E.S.S.M. de Rocamadour, en 1979, F. Le Guen pousse l'exploration
à -71 m. Les Suisses prennent le relais en 1982 et avancent à
petits pas dans la zone profonde. Et c'est finale-ment Cyrille Brandt qui,
en juillet 1987, franchit le siphon n02. En octobre 1989, F. Le Guen le fran-chit
à son tour et s'arrête devant le troisième siphon.
Nous avons pris contact avec ce siphon en faisant la topographie
de la zone profonde, soit 130 m au-delà de -70 m, avec un point bas
à -78 m. Une tentative de franchissement échoua. Un calcul prévisionnel
des consommations, trop optimiste, nous fit renoncer.
Nous avons commencé par l'installation de la Ploubell des siphons;
un superbe conteneur poubelle lâchement abandonné au bord d'une
route de Provence, que nous avons recueilli avec amour. Un coup de pressing,
un lifting , toutes options, sièges bi-places, barres de renfort, et
la poubelle devint une cloche de décompression dernier cri. Nous l'avons
installée à -6 m au moyen de 4 chaînes retenues par 2
spits chacune. Le dimanche 6, nous déposons 8 bouteilles au total au
sommet du puits à près de 1000 m de l'entrée.
Mardi 8, c'est le grand jour, Patrick et moi-même nous mettons à
l'eau vers 11 h; nous avons sur le dos un bi-20 I, une neuf litres, un kit,
et un relais ventral. Le trajet du premier siphon (390 m, -30 m) se fait rapidement.
Suit le deuxième siphon. Il est peu profond pendant les premiers 500
m (de -3 à -12 m). Arrivés au sommet de la pente, nous nous
attendons mutuellement et nous échangeons nos relais-trajet contre
1 x 15 d'oxygène et 1 x 18 d'air, et c'est donc avec 5 bouteilles chacun
que nous attaquons la descente du laminoir. A -50 m, nous respirons le mélange-hélium
et continuons la descente jusqu'à -78 m. Nous franchissons la zone
profonde rapidement, la suite nous paraît plus longue (environ 80 m
au delà de -40 m et un peu plus de 100 m au-delà de -30 m).
Enfin la remontée, nous commençons les paliers à -21
m. Décompression totale: 2 h 10. A -3 m, il faut patienter encore près
de 100 m avant de faire véritablement surface. La sortie est des moins
sympathiques. Nous cherchons, en vain, une plage de débarcadère
pour nous désharnacher. Mais c'est en opposition dans une galerie étroite
avec deux mètres de fond, que nous nous délestons de nos bouteilles.
Nous les coinçons à la surface de l'eau et nous continuons la
progression avec juste nos kits, à la recherche d'un terrain de camping.
Rien de rien, pas le moindre replat au sec, nous sommes dans une diaclase
inclinée large d'un mètre environ avec de 30 cm à 1 m
d'eau au fond. Malgré les lames d'érosion coupantes comme des
rasoirs, nous arrivons relativement vite au troisième siphon; il est
superbe et n'attend que nous. Nous sommes toujours en désaturation,
c'est pourquoi nous prenons notre temps, en évitant les efforts trop
violents. Nous découvrons, à deux mètres de haut, une
marmite au sec, où nous pourrons nous assoir hors de l'eau. C'est là
que nous installons notre camp sans étoile. Le portage jusqu'au troisième
siphon est délicat, nous sommes en volume et le terrain est déchiqueté.
Je franchis le troisième siphon (30 m, -4 m). Vu sa courte longueur,
je retourne chercher Patrick qui ne se fait pas prier pour m'accompagner.
Nous nous partageons mon équipement: bouteilles, palmes, éclairages,
etc. Derrière ce siphon, nous abandonnons les blocs et continuons plus
légers. La galerie se poursuit en méandre pendant une cinquantaine
de mètres puis en lac sur 150 m. Nous nous sommes arrêtés
devant un beau quatrième siphon que nous nous promettons d'aller plonger
très vite. Sur le retour, nous levons la topographie entre les deuxième
et troisième siphon (205 m pour 2 m de dénivelée). Pour
éviter une plongée successive en zone rouge, nous avons patiemment
attendu quelques heures avant de nous remettre à l'eau.
Le bivouac était très intime; un peu plus d'un mètre
carré tout au plus pour aménager notre lit à la verticale
et notre cuisine/salle à manger. Au total, nous avons passé
un peu plus de 8 heures derrière le deuxième siphon. Le retour
fut rapide et sans encombres. Il est un peu plus de 3 heures du matin quand
nous quittons la cloche pour rejoindre le bord de la vasque.
Plongeurs: Pascal Bernabe, Patrick Bolagno, Marc Douchet, Bernard
Gauche, Christian More, Michel Phillips, Marc Renaud, Jean-Pierre Stefanato.