Etude Hydrogéologique
Contribution à l'étude hydrologique de l'Ardèche
par Philippe Brunet (AVENS) décembre 1999
|
PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE Aujourd'hui, l'Ardèche dans la dernière partie de son cours coule dans des gorges profondes avant de rejoindre le Rhône. Mais son tracé sinueux signe une origine de rivière de plaine. Sa pente de un pour mille reste faible, bien loin de celle des torrents cévenols. Le projet Hydrogéologie de l'Ardèche consiste à effectuer des observations détaillées, raisonnées et de les rassembler au sein d'une même étude. Ainsi, les informations parcellaires fournissent par leur ensemble un résultat plus important que la somme de chaque partie. Les observations peuvent être conduites à n'importe quelle époque de l'année. Au contraire, l'évolution des contraintes extérieures et de la réponse du système nous offrent des informations très précieuses. Les périodes les plus profitables sont celles des crues, des étiages prononcés, l'hiver (ou les eaux souterraines sont proportionnellement plus chaudes) et l'été (ou les eaux souterraines sont proportionnellement plus froides). Les observations peuvent être faites dans les grottes sèches (fossiles ou exutoires de crue), les sources ponctuelles ou les exurgences noyées. Il s'agit avant tout de topographies, d'observation des indices de sens d'écoulements (qui peuvent s'inverser au cours des temps), des présences de failles, de remplissages (à dater éventuellement), de constituer des colonnes stratigraphiques en identifiant les roches encaissantes le long des forages naturels que sont les siphons profonds, des mesures de température d'eau, de signatures chimiques, … Tout plongeur et même promeneur peut participer à ce travail. La seule contrainte est de faire remonter les informations au chef de projet Philippe Brunet. LE KARST DES PLATEAUX CRETACES DE LA BORDURE RHODANIENNE Le bas Vivarais forme une entité bien individualisée au sud Est du Massif central. Le karst des plateaux crétacés de la bordure rhodanienne correspond à la zone d'affleurement des calcaires barrémo-bédouliens envahis par le faciès urgonien. Cette unité de forme triangulaire est limitée à l'Ouest et au Nord par les séries marno-calcaires du Crétacé inférieur, à l'Est par la vallée du Rhône et au Sud par les formations oligocènes du synclinal de Barjac-Issirac. C'est un ensemble massif, à tendance tabulaire, aux surfaces aplanies sans écoulement pérenne. Il est traversé de part en part, du nord-ouest au sud-est par le canyon de l'Ardèche qui l'entaille sur une profondeur de 200 à 300 mètres selon les secteurs. Ce karst est caractérisé par la faiblesse des formes de surface et l'importance du développement des formes souterraines (système de saint Marcel supérieur à 35 km, nombreux réseaux pluri kilométriques) [Debard 1997]. LES SOURCES DU CANYON DE L'ARDECHE Plusieurs sources ou résurgences jalonnent la rivière, régulièrement réparties sur chacune de ses rives. Il existe 3 types d'émergences dans les gorges de l'Ardèche. Il s'agit d'exurgences immergées arrivant sous pression dans le lit de la rivière en permanence ou temporairement. Elles ne peuvent être localisées que lorsque l'exutoire principal concentre les eaux. En cas de sorties diffuses, seule la différence de débit indique cet apport. Malheureusement, la faiblesse des contributions classiques de ces exurgences limite la valeur de cette technique. Une autre méthode consisterait à mesurer des paramètres physico chimiques permettant de trouver une signature caractéristique de ces eaux. Un biais est introduit par la re circulation prouvée des eaux de la rivière qui se perdent à plusieurs endroits. Les exurgences aériennes sont situées au-dessus du lit d'étiage de l'Ardèche, souvent sur son lit majeur. Elles sont le plus souvent pérennes mais se tarissent parfois, leur apport est modéré. Les exurgences perchées donnent accès a des galeries noyées (guigonne, dragonieres) très souvent à contre pente. Elles servaient d'exutoire à une période antérieure où les débits à écouler étaient plus important. Aujourd'hui, ces conduits sont parfois réempruntés lors de crues. Une autre hypothèse serait la transformation d'un certain nombre de pertes, en sources depuis la remontée du niveau de base. Plusieurs descentes de l'Ardèche en canoë et/ou barque à moteur ont permis d'identifier les zones remarquables. Des plongées (6 au total) dans le lit de l'Ardèche nous ont servi à repérer (du moins essayer) des arrivées d'eau immergées. Des profils de la rivière ont été évalués de la même façon. SOURCE DE LA DRAGONIERE (lien) Cette source pérenne s'écoule au niveau de l'Ardèche. Des sources immergées existent à l'aplomb du porche. D'autres orifices plus en aval, au niveau de la rivière, évacuent les eaux de crues. L'évent situé à 10 mètres du niveau d'étiage est très rarement réutilisé. LA SOURCE DU PLATANE La source du platane est située en rive gauche, juste en dessous du lit majeur de l'Ardèche. Son débit est faible et montre une pollution certaine par l'Ardèche. Ici, le caractère linéaire de la galerie est totalement oublié, avec un virage important au contact d'une faille N 50. Le réseau est contraint par l'accident N50, au niveau des falaises de l'Ardèche. LA TOUPINE DE GOURNIER La toupine de gournier est un véritable canyon immergé d'une profondeur de 10 mètres. L'alimentation de ce canal est à mettre en rapport avec l'évent de gournier. Nous avons noté des arrivées immergées au niveau de la toupine. EVENT DE LA GUIGONNE L'évent s'ouvre à 30 mètres de l'Ardèche. Une galerie de belle dimension conduit à des lacs suspendus puis à un siphon. L'évent peut se mettre en crue et atteindre plusieurs m 3 /s durant quelques jours. Des venues dans le lit de l'Ardèche évacuent le débit pérenne. LA SOURCE DU CASTOR . La source du castor (rive Droite, commune du Garn) se situe au fond des gorges de l'Ardèche, à l'entrée du cirque de la Madeleine, en rive droite 200 mètres en amont du rapide de la Pastière. L'entrée est à -2 mètres sous le niveau d'étiage de l'Ardèche. Derrière l'étroiture d'entrée, nous trouvons le véritable volume de la cavité : une salle de 10 mètres de diamètre, pour une hauteur de 3 mètres environ. Le sol est formé d'un amas de galets, de sable, de vase et de débris variés, charriés par la rivière. A 15 mètres, sur la droite en progressant vers le fond, se trouve un petit labyrinthe, menant à plusieurs cheminées exondées, très étroites. Une galerie spacieuse poursuit cette salle, entre - 12 et - 15 mètres. Au sol, des sédiments indurés indiquent un passé exondé de la source. Celle-ci a fonctionné en perte pendant un temps suffisamment prolongé pour creuser un petit canyon dans les remplissages. La source s'enfonce progressivement, en traversant des salles de 10 à 15 mètres de hauteur pour une largeur de 10 mètres, avant de se resserrer dans des passages où les bouteilles veulent cogner le plafond (voir topo originale). En fait, nous franchissons une série de fractures perpendiculaires au trajet de la rivière. Une dernière salle à - 30 m, annonce la partie profonde. Nous sommes à 400 mètres de l'entrée dans une étroiture à - 40m. Derrière, la galerie s'enfonce inexorablement dans une très belle diaclase de 2 à 3 mètres de large. Le fond se trouve à - 70 mètres et nous sommes obligés de le passer car ce point est une étroiture (laminante). Derrière la galerie remonte dans un décor majestueux. Plus de sédiment, du rocher compact sur les parois formées d'un très beau calcaire massif. Au sol de cette diaclase, des blocs métriques jonchent la galerie qui remonte avec une pente de 80 degrés environ. La source du Castor présente de son exutoire jusqu'à la cote –25 mètres environ, la trace très nette d'un écoulement libre qui a recreusé des sédiments ayant comblés partiellement la galerie. Il y aurait donc là, phase de creusement, puis remplissage, puis surcreusement en perte et maintenant après la remonté du niveau de base, fonctionnement en source pérenne. Ceci correspond sans aucun doute à l'époque ou le Rhône coulait 60 mètres plus profondément qu'aujourd'hui à l'occasion d'une régression méditerranéenne. Le point bas est atteint à – 70 mètres, à l'intersection d'une faille N180 et d'une faille N50 qui impose une remontée rapide du conduit. LE LAC DU CIRQUE DE LA MADELEINE Un accident N60 matérialise par un filon de calcite au toit la galerie d'entrée. La grotte est située à l'intersection d'un accident N10 et N60. La galerie atteint après 300 mètres un lac d'une 40 de mètres de profondeur, qui communique avec une zone noyée importante (voir topo originale). Une faille très marquée bloque le conduit qui est totalement rempli d'éboulis. Des épisodes de vidange subite (10 mètres) observé après crue par le propriétaire du camping des templiers indiqueraient la possibilité d'une conduite annexe (derrière la faille) permettant de siphonner le lac. En haute eau un écoulement aérien s'écoule vers l'Ardèche (compte tenu des altitudes relatives je pense plutôt a une coïncidence)
Au niveau du lit de l'Ardèche Autre faille N115 et méga accident N140
La source de l'Ecluse qui résurge dans les derniers kilomètres des gorges est située sous le réseau de st Marcel auquel elle semble indéniablement connectée. La source de l'écluse et la grotte Deloly sont contraintes par une faille Nord 170.
La source Deloly est située en rive gauche de l'Ardèche à 10 mètres d'altitude. 3 entrées régulièrement étagées donnent accès au conduit. L'entrée supérieure est la plus aisée et ne sert plus que très occasionnellement d'exutoire de crue (ce qui est dommage compte tenu de l'usage qui en est fait par certains campeurs). Le siphon est atteint après 400 mètres de parcours agréable dans une belle galerie toujours boueuse et humide (voir topographie originale). Ceci lui fait porter le surnom de grotte de la boue. Martel pensait que le siphon était rapidement connecté à la source du bateau située immédiatement en aval. Nos explorations nous ont fourni 1000 mètres de conduits noyés pour une profondeur maximum de 26 mètres, se dirigeant au Nord, en empruntant exactement le tracé de la Combe Pouzat. Les débris ménagers et les éponges fluviatiles observés à l'extrémité du conduit prouvent la jonction avec l'Ardèche. De plus le siphon 4 oscille au rythme de l'Ardèche, les 3 précédents restant perchés presque toute la saison. La grotte Deloly est donc déconnectée de la source du bateau. Elle est certainement reliée au réseau de st Marcel par le P70 du réseau 3 et à l'ardèche par un collecteur à découvrir. LE RESEAU DE ST MARCEL (lien) Le réseau de st Marcel est limité à l'est par l'accident majeur N50 de st Remèze. L'exutoire ancien de ce collecteur serait à chercher vers Bourg autant que vers Sauze (coloration originale Brunet 1998) LE GOUL DE LA TANNERIE Plusieurs plongées nous ont permis de retopographier une partie du petit Goul et de faire des observations dans les remplissages des zones intermédiaires (-20 mètres). Ceci prolonge nos observations de 89, 90 et 94 aux même endroits. (travail en cours)
De nombreuses sources montrent le caractère aérien d'une partie de leur phase de creusement et/ou de fonctionnement. L'hypothèse avancée par Luc Belleville (1985) d'un sous écoulement de l'Ardèche lors de la régression fin miocène est indibutable. Les jaugeages réalisés par cet auteur à différents seuils rocheux lors de l'étiage demandent à être affinés. Il est indispensable par exemple de quantifier les apports des sources immergées reconnues. Les observations actuelles ne sont ni synthétisées ni exhaustives. Elles permettent simplement d'attirer l'attention de ceux qui souhaiteraient participer à cette action en 2000. Philippe Brunet
|
|
|