La Compression rapide et ses effets néfastes

par Sylvain REDOUTEY

article présenté lors du congrés international de plongée souterraine - Dijon avril 2000



 

INTRODUCTION

La mise en évidence de la narcose aux gaz inertes a été faite dès 1835. Junod rapporte des troubles voisins de l'intoxication alcoolique. Grenn et Bert signalent des troubles analogues chez les sujets exposés à de fortes pressions à l'air. Ces altérations du psychisme peuvent aller de la simple euphorie à la perte de connaissance.

Dans les années 1930, des expériences ont été entreprises par la Marine Nationale pour alimenter le plongeur en mélange respiratoire synthétique dans lequel l'azote est remplacé par l'hélium. Ce dernier d'une densité sept fois inférieure à celle de l'azote permet de meilleures performances en supprimant les effets de la narcose et de l'essoufflement jusqu'à des profondeurs de plusieurs centaines de mètres. mais à partir de 150m surgit un nouvel obstacle, le plongeur éprouve quelques vertiges, des tremblements et une certaine maladresse des gestes. Tout cela correspond à la phase initiale du syndrome d'excitabilité du système nerveux central décrit en 1968 par Fructus, Naquet et Brauer, sous le nom de "syndrome nerveux des hautes pressions".

Dans le domaine de la plongée autonome, que ce soit en mer ou en spéléo, l'évolution des techniques et du matériel nous ont amenés et nous amène encore aujourd'hui à retomber sur les même problèmes qui ont été rencontrés par les plongeurs professionnels il y a fort longtemps.

Or les lois physiques sont restées les mêmes et il ne faudrait pas que l'on s'imagine pouvoir reinventer une narcose à laquelle on pourrait soit-disant s'adapter en effectuant des séries de plongées de plus en plus profondes.
Ou de réinventer un nouveau S.N.H.P que l'on pourrait apprivoiser avec je ne sais quel gaz tout en gardant une vitesse de compression de 30 mètres minute. Tous cela est complètement illusoire.

Avant de poursuivre j'aimerais que l'on se remémore les principales caractéristiques cliniques.



LA NARCOSE CARACTERISTIQUE CLINIQUES

Troubles de l'idéation

Le sujet narcosé présente une détérioration de ses facultés d'attention, de concentration, d'abstraction, de raisonnement. Il a du mal à anticiper, à se tenir à une idée. Le flux idéique est mal contrôlé.

Désorientation temporo-spatiale : Incapacité à évaluer l'écoulement du temps.

Troubles mnésiques : On observe essentiellement des troubles de la mémoire immédiate.

Troubles perceptifs et hallucination : L'appréhension du réel est perturbée. On peut noter :

Troubles psychomoteurs : On note une détérioration croissante de la dextérité manuelle.

Troubles de l'humeur : Euphorie souvent associe à un sentiment de puissance, de surestimation de soi pouvant entraîner des comportements aberrants et dangereux.

LE S.N.H.P CARACTERISTIQUE CLINIQUES

Le Syndrome Nerveux des Hautes Pressions est constitué par un ensemble de troubles d'origine nerveuse regroupés en symptômes cliniques, comportementaux ou neurologiques et en signes électrophysiologiques caractérisés par :

LA COMPRESSION

Les différents éléments qui constituent une compression jouent un rôle important dans l'apparition et l'intensité des troubles précédemment cités. Mais avant de parler des troubles, gardons bien à l'esprit que la compression lente n'existe pas en plongée autonome.

En effet, les plongeurs professionnels considèrent une descente à 3 m/mn comme une compression rapide et contrairement à nos 30 m/mn ils sont plus souvent à 30 mn/m, ce qui fait presque 3 cm/mn. Une chose est certaine, une grande vitesse de compression réduit les délais d'apparition de la narcose et en augmente l'intensité et ce quelque soit les fréquences de plongée, même si certains plongeurs paraissent avoir des facultés à supporter la narcose ce qui pourrait en apparence améliorer certains troubles de l'humeur (euphorie) et psychomoteurs, mais il n'en est rien pour tous les autres troubles précédemment cités.

Dans les années 75 des tests ont été effectués avec 3 plongeurs de la marine nationale habitués à descendre à des profondeurs de plus de 70 m et 3 plongeurs débutants. Arrivés à ces mêmes profondeurs les 3 débutants avaient un comportement complètement euphorique alors que les 3 autres ne laissaient rien paraître mais lorsqu'ils sont passés au tests du calcul mental, les résultats ont tous été aussi médiocres les uns que les autres. Les plongeurs démineurs lorsqu'ils ne plongeaient pas encore au mélange demandaient pour les plongées profondes à ce qu'on leur donne qu'un seul travail car ils étaient sûrs d'oublier le deuxième une fois arrivés au fond.

Les corailleurs parlent d'une véritable révolution lorsqu'ils passent de la plongée à l'air à la plongée aux mélanges et pourtant ce n'est pas les fréquences de plongée profonde à l'air qui leur manquent et au fil des années s'il y avait la moindre adaptation ils le sauraient et ne feraient pas de dépense pour de l'hélium.

De plus, même si cela est très rare, il peut survenir des problèmes de syndrome articulaire à partir de 80 mètres pour une vitesse avoisinant les 30 m/mn et plus.

Concernant le S.N.H.P les premières plongées profondes au-delà de 180 mètres ont été réalisées avec une vitesse de compression de l'ordre de 3m/mn.

Elles ont entraîné, à partir de 200-250 mètres, des troubles importants qui ont obligé les expérimentateurs de l'époque à arrêter les expériences à 365 mètres. Des expériences ultérieures effectuées avec des vitesses de compression plus lentes ont permis de dépasser ces profondeurs de 360 mètres qui semblaient limites, d'atteindre et même de dépasser les 500 mètres de profondeur. Ces expériences ont montré que l'intensité des symptômes diminuait, et que la profondeur à laquelle ils apparaissaient, tendait à augmenter si la compression comportait des vitesses se ralentissant avec la profondeur selon une allure exponentielle et des paliers à des profondeurs intermédiaires. Au contraire, le SNHP était augmenté par des compressions continues et rapides. Quant aux mélanges hydrox et hydréliox il n'y a aucunes données scientifiques qui permet de conclure à une quelconque amélioration du SNHP en compression rapide.

CONCLUSION

Une compression moins rapide diminue l'intensité et augmente les délais d'apparition des troubles et il est plus sécurisant et moins stressant de descendre à des vitesses de compression de l'ordre de 10 à 20 mètres minute maxi du moins jusqu'à 180 mètres de profondeur.

Quant aux plongées très profondes elles ne peuvent évoluer pour l'instant qu'avec des plongées longues durées alors pourquoi ne pas effectuer la première partie de la descente à une vitesse de 20 m/mn jusqu'à 180 mètres et de continuer à 2,5 ; 3 m/mn. Bien sûr une très longue décompression serait le prix à payer pour une telle plongée mais c'est le prix de la sécurité.

J'ai personnellement expérimenté en octobre 1996 des plongées longues durées qui se sont terminées par une immersion de plus de 26 heures dans une eau à 10 degrés sans cloche et en circuit ouvert et j'ai l'intention d'expérimenter prochainement une immersion de 2 jours avec un recycleur.

C'est dans cette voie que je conçois l'avenir de la plongée profonde.